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Pratiques

« Le vécu des parents nous donne des indications d’action »

Pourquoi l’expérience des parents et leur vécu vous ont-ils passionnée en tant que chercheuse ? Ce sujet est venu à moi alors que j’effectuais un travail de recherche auprès de femmes dont le bébé se présentait en siège. Je les interrogeais sur leur stratégie de choix entre une voie basse et une césarienne, option au final la plus fréquente. J’ai constaté un paradoxe. Elles optaient en majorité pour une opération alors qu’elles rêvaient surtout d’un accouchement par voie basse. Leur désir était mis de côté au nom de la sécurité. J’ai réalisé à la fois à quel point la césarienne était banalisée par les soignants en cas de siège et combien les femmes avaient tendance à établir une hiérarchie des accouchements, du plus réussi à celui qui serait raté. D’un côté, les professionnels soignants avançaient souvent que l’opération pourrait être aussi bien vécue, voire mieux, qu’un accouchement par les voies naturelles. De l’autre, les femmes avaient comme idéal un accouchement par voie basse sans péridurale. En parallèle, tout un courant de recherches tendait à montrer que l’anxiété des femmes enceintes était plus importante lors d’un accouchement par voie basse par rapport à un accouchement par césarienne. Or, quand on mesure l’anxiété de façon isolée, on interprète les résultats de façon réductrice. Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour mesurer le vécu d’une femme, qui est un phénomène complexe. C’est pourquoi j’ai souhaité approfondir cette question du vécu de l’accouchement, qui est un moment pivot dans la vie d’une femme et qui peut avoir des répercussions à long terme. Une expérience positive peut donner un sentiment d’accomplissement personnel ou de confiance en soi. Une expérience négative au contraire peut avoir des répercussions sur la vie conjugale, le lien à l’enfant ou encore sur l’image de soi. Mal vécue, l’expérience suscite […]

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Ici et ailleurs

Des frenchies au Royaume-Uni

« En tant que sage-femme, je me sens beaucoup plus épanouie en Angleterre qu’en France. D’un point de vue professionnel, mon départ pour l’Angleterre a été la meilleure décision que j’ai prise. Alors qu’en France, je me posais vraiment la question de savoir si j’étais faite pour ce métier », raconte Kerstin Lelubre. Elle a exercé deux ans dans un établissement de type II à Perpignan, avant de migrer. Depuis son arrivée outre-Manche, elle a suivi diverses formations. À 33 ans, elle est devenue manager à l’hôpital de Lewisham, un gros hôpital londonien. REDÉCOUVRIR SON MÉTIER Les sages-femmes françaises qui ont suivi le même chemin n’expriment pas autre chose. Tout au moins celles que nous avons interrogées, qui exercent toutes dans la capitale. « En arrivant en Angleterre, j’ai eu l’impression de découvrir ce qu’était la naissance et l’accouchement physiologiques. J’ai aussi eu l’impression de redécouvrir le métier de sage-femme. Si j’étais restée en France, je n’aurais pas connu le même niveau d’épanouissement. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, je ne pourrais pas retravailler dans une maternité française, surtout pas en salle d’accouchement, avec trois ou quatre patientes à prendre en charge… », évoque de son côté Camille Mallet. Quant à Noémie Roux, elle « aurait du mal à voir une patiente à qui on pose un cathéter en début de travail. Je n’aurais pas envie de me plier aux protocoles français. Je serais frustrée. » Même son de cloche du côté de Sarah Kheirallah, qui pense ne plus être capable de travailler en France après son expérience anglaise. Bref, les sages-femmes françaises ayant pratiqué dans l’Hexagone avant de rejoindre Londres paraissent unanimes. Si la qualité de vie en France et les petits marchés du dimanche matin peuvent manquer à certaines, d’un point de vue professionnel, elles sont heureuses d’avoir franchi le pas. Plus élevé, le salaire leur offre un niveau de vie équivalent, la vie londonienne étant très chère. Même celles qui avaient imaginé un séjour temporaire ont fini par rester.

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Pratiques

« Le postnatal est le parent pauvre des services de maternité »

Quelle est la conclusion principale de l’étude que vous avez conduite à Marseille ? Dans le post-partum, le vécu de l’accouchement est le facteur de stress majeur perçu par les mères. Ce n’est pas la relation avec le nouveau-né ni la fatigue ou l’allaitement. Pourtant, pour l’immense majorité d’entre elles, la douleur a été prise en charge. Nous sommes parvenus à cette conclusion après avoir étudié le vécu émotionnel des femmes pendant la période du post-partum aux CHU marseillais. Nous avons travaillé dans les deux établissements publics de type III du Gynépôle. À eux deux, ils totalisent 5600 naissances par an. Pendant six mois, courant 2015, nous avons recueilli les réponses de 90 primipares et 110 multipares. L’âge moyen des femmes était de 28 ans et presque 70 % d’entre elles avaient eu recours à une péridurale. Nous leur avons soumis un questionnaire en deux parties. La première était descriptive et la seconde concernait la PDPSI, qui est une échelle psychométrique d’évaluation des facteurs de stress. Scientifiquement validée, elle a été développée par la sage-femme et chercheuse suisse Chantal Razurel. Elle est composée de cinq facteurs de stress post-accouchement qui portent sur la relation au nouveau-né, le vécu de l’accouchement, la fatigue, l’allaitement, la relation avec les soignants. Résultat : quelle que soit la parité, le vécu de l’accouchement recueille les plus hauts niveaux de stress perçus, avec environ 40 % des réponses. Les femmes expriment jusqu’à 20 % être « énormément stressées » et à 24 % être « très stressées ». Pour les autres facteurs, d’importance plus minime, comme la rencontre et la relation au nouveau-né, les primipares sont davantage stressées que les multipares. Mais pour ce qui concerne les douleurs au moment de l’accouchement et de l’expulsion, un facteur de stress identifié comme beaucoup plus important, les multipares sont aussi stressées que les primipares. […]

Grand Angle

Les maisons de naissance à mi-parcours

« Jamais je ne pourrais revenir à un autre type d’exercice ! Je me régale », s’exclame Olivia Plaisant, sage-femme coordinatrice de la maison de naissance (MDN) de Baie-Mahault, en Guadeloupe. Henny Jonkers, sage-femme à Doumaïa, la MDN adossée au CHI de Castres-Mazamet, dans le Tarn, estime pour sa part sa nouvelle activité « très épanouissante ». Passionnée, Charlotte Jacquot, présidente usagère d’Un Nid pour naître, à Nancy, estime que l’aventure des MDN est un défi complexe. « Nous avons le sentiment de naviguer à vue, de tout devoir inventer. Il est parfois difficile d’innover, même si chaque maison a ses pistes ». Entre exaltation et doutes, les sentiments des sages-femmes de MDN et des usagers oscillent. UN CADRE EXPÉRIMENTAL Suite à la loi de 2013 autorisant l’expérimentation de MDN attenantes à des hôpitaux, le ministère de la Santé a retenu neuf projets en novembre 2015. Au final, huit MDN sont ouvertes actuellement, le projet de Vitry-sur-Seine n’ayant pu aboutir. Elles ont jusqu’à 2021 pour faire leurs preuves. Parmi elles, seul le Calm (Comme à la maison), adossé à la maternité des Bluets, à Paris, fonctionne depuis 2008. Les autres projets ont démarré en ordre dispersé. Manala, situé dans l’hôpital de Sélestat, dans le Bas-Rhin, a été inauguré en septembre 2016. L’équipe de Premières heures au monde (Pham), à Bourgoin-Jallieu, en Isère, s’est lancée en juin 2016. La même année, Un Nid pour naître ouvrait à Nancy, Doumaïa à Castres et Manao à Saint-Paul, à La Réunion, chacune étant adossée à une maternité publique. Fin 2016, La Maison est née à Grenoble. Elle emploie des sages-femmes détachées du Groupe hospitalier mutualiste, un établissement privé. À Baie-Mahault, en Guadeloupe, le Temps de naître, situé au même étage que la maternité privée de type I des Eaux-Claires, a ouvert ses portes en […]

Grand Angle

Violences obstétricales, les propositions sur la table

Les maltraitances en gynécologieobstétrique relèvent-elles de dysfonctionnements du système ou du sexisme ? Les deux à la fois. Tel est le constat du rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), publié le 22 mai dernier et de celui du le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), remis le 29 juin à la secrétaire d’État Marlène Schiappa (voir encadré). Les instances ont auditionné l’ensemble des acteurs, y compris des médecins et des sages-femmes. Seul le Collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF) a rejeté l’invitation du HCE. Complémentaires, la CNCDH et le HCE dénoncent un phénomène massif. Dans son avis intitulé Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux, la CNCDH englobe à la fois la « maltraitance ordinaire », les inégalités de santé et les discriminations, évoquant des « dysfonctionnements généralisés » au sein du système de santé. Saisi par la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes en août 2017, le HCE s’est penché sur Les actes sexistes dans le suivi gynécologique et obstétrical. UN PHÉNOMÈNE D’AMPLEUR L’avis de la CNCDH souligne la maltraitance institutionnelle (par exemple suspension de prestations ou de couverture maladie sans préavis et la complexité des démarches administratives) et les incohérences de prise en charge entre les secteurs médical et social. « Jusqu’ici la maltraitance était traitée de façon segmentée, soit en psychiatrie, soit concernant les personnes en situation de handicap, soit en Ehpad. Lorsque nous avons appris que le HCE était saisi sur

Grand Angle

Le soignant, seconde victime d’un événement grave

« Un cas de décès d’enfant “m’empoisonne” un peu beaucoup la vie depuis trois ans. Il n’y a pas eu de dépôt de plainte, mais je me pose toujours la question de ma responsabilité. J’ai fui la salle d’accouchement pendant presque deux ans et je m’oblige à y retourner maintenant. » Tel est le témoignage laissé par une sagefemme qui a répondu à l’enquête sur le burn-out de Didier Truchot et Adeline Morel courant mars (voir Dossier p. 14). « En cas de décès d’un patient, une prise en charge spécifique est prévue pour sa famille. Mais quid du soignant ? », s’interroge Ségolène Arzalier-Daret, médecin anesthésiste au CHU de Caen. Militante, elle s’active au sein de la commission Santé du médecin anesthésiste-réanimateur au travail (Smart) du Collège français des anesthésistes-réanimateurs (CFAR), très en pointe sur la souffrance au travail des soignants (voir encadré p. 28). Le CFAR contribue à faire reconnaître la problématique du soignant comme seconde victime d’un événement indésirable grave (EIG), véritable stresseur susceptible de contribuer au burn-out. « Notre spécialité est particulièrement concernée par la gestion des risques en général, explique Ségolène Arzalier-Daret. Comme les risques psychosociaux des soignants sont en lien avec les risques liés au soin, nous souhaitons lever certains tabous, en pensant aussi au patient au bout de la chaîne. Car un soignant fragile est une véritable grenade dégoupillée ! » UN CONCEPT RÉCENT L’idée qu’un soignant est tout autant victime d’un incident médical que le patient a été développée par le médecin américain Albert Wu, de l’université de Baltimore, en 2000. En France, la problématique reste méconnue. Les décès ou accidents concernant les patients, fautifs ou non, secouent bien sûr la personne concernée et ses proches. Mais les soignants sont aussi ébranlés. « L’erreur médicale peut conduire à un traumatisme chez le […]

Grand Angle

Rythme cardiaque foetal : quelle objectivité ?

Dans le cadre d’un accouchement normal, le monitoring continu pour la surveillance du rythme cardiaque foetal (RCF) permet-il de protéger les bébés ou vise-t-il seulement à couvrir les obstétriciens et les sages-femmes contre l’éventualité d’un hypothétique procès ? « Dans les pays et les établissements où la cardiotocographie continue est utilisée dans un but préventif, de façon à se protéger des contentieux, tous les acteurs devraient être informés que cette pratique ne repose pas sur des preuves et n’améliore pas les issues de naissance », répondait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en février dernier. L’organisation publiait une série de recommandations sur l’accouchement à bas risque (voir Profession Sage-Femme n° 244, avril 2018) dans laquelle elle ne conseille pas cette pratique pour les femmes enceintes en bonne santé ayant un travail spontané. Elle lui préfère l’auscultation intermittente par doppler ou stéthoscope de Pinard. Il faut dire que nombre d’études scientifiques pertinentes ont associé depuis longtemps l’usage du monito continu à un nombre accru d’interventions obstétricales, césariennes et extractions instrumentales en tête, sans pour autant démontrer une quelconque amélioration de l’état de santé des nouveau-nés. Face à de tels résultats, pourquoi son usage s’est il autant répandu ? Peut-on perfectionner la technique ? En parfaire l’utilisation faite par les professionnels ? POURQUOI SURVEILLER LE RCF En théorie, « la surveillance du rythme cardiaque foetal vise à identifier les foetus qui vont mal supporter le travail et développer une acidose par défaut d’oxygénation », explique Olivier Morel, qui dirige le pôle de gynécologie-obstétrique du CHU de Nancy. Or, ce défaut d’oxygénation, s’il est important et prolongé, peut conduire à un décès ou à une paralysie cérébrale à l’origine de multiples handicaps. Pour les prévenir, les foetus en question doivent être extraits en urgence. Pourtant, l’étude publiée en 2015 par Claude Racinet, du Registre des handicaps de l’enfant et  observatoire périnatal (RHEOP), et ses collègues, menée à partir de la base de données du RHEOP et des taux de césarienne provenant du service de protection maternelle et infantile de l’Isère, concernant plus de 100 000 naissances vivantes survenues

Grand Angle

Aux origines du microbiote

« Lors d’une naissance par voie naturelle, le bébé entre en contact avec les microbiotes vaginal et intestinal – via les selles parfois expulsées – de sa mère. C’est une étape cruciale. Puis, s’il est nourri au sein, il ingère un peu de microbiote cutané et reçoit à travers le lait certaines bactéries d’origine maternelle pouvant avoir des propriétés probiotiques favorables à la croissance de son propre microbiote. » Résumant la pensée dominante, Marie-José Butel, qui dirige l’unité de microbiologie de l’Université Paris Descartes, estime que dans le ventre de sa mère, le foetus a un intestin quasi stérile. Jusqu’à récemment, on pensait d’ailleurs que le futur bébé grandissait dans une poche totalement stérile. Mais de nouveaux travaux viennent perturber ces connaissances et créent une polémique. Du coup, la question reste entière : d’où proviennent les différents microbiotes qui habitent nos organes ? Quelle est l’origine des premières bactéries qui colonisent le nouveau-né ? À ce sujet, la naissance est-elle vraiment l’événement primordial ? UN NOUVEL ORGANE L’étude des divers microbiotes est devenue un champ d’investigation hyperactif ces dernières années. Au point que les spécialistes parlent même de « nouvel organe ». La peau et l’ensemble des muqueuses (nez, bouche, poumons, vagin, pénis…) disposent d’un microbiote particulier. Celui des organes sexuels joue un rôle important dans la protection contre les infections (lire page 20). Le microbiote cutané est un acteur majeur de notre signature olfactive et son déséquilibre est associé à des pathologies comme l’acné ou le psoriasis. Quant aux poumons, la composition de leur microbiote influence la sévérité des symptômes de l’asthme. À lui seul, le microbiote intestinal pèse près de 2 kg. Il est composé « de bactéries, essentiellement de type Bacteroidetes et Firmicutes, mais

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Enceinte après un inceste dans l’enfance

Alors qu’elles étaient encore mineures, quatre millions de personnes, au moins, avaient connu l’inceste en France, en 2015. Probablement sous-estimé, le chiffre vient d’une enquête en ligne menée par l’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI), qui s’était associée à l’institut Harris Interactive. En 2009, le même type d’enquête chiffrait à deux millions le nombre de victimes. 9 % des femmes et 6 % des hommes. Aujourd’hui, la France compterait donc plus de trois millions de filles et de femmes survivantes de l’inceste. Certaines sont vos patientes. Pour la plupart d’entre elles, les conséquences sur leur santé et sur leur vie sont gigantesques. Comment devenir mère lorsqu’on a été agressée au sein de sa propre famille ? DEUX FORMES D’INCESTE L’inceste est une agression sexuelle de la part d’un membre de sa propre famille : un père, une mère, un oncle, une tante, un grand-père, une grand-mère… Parmi les agresseurs, les hommes dominent largement la scène, mais les femmes n’en sont pas absentes. Comme pour les autres maltraitances sexuelles, la violence peut être brutale, arriver subitement. La victime subit alors toutes les conséquences associées (voir Profession Sage-Femme n° 215, mai 2015, et n° 223, mars 2016), syndrome de stress post-traumatique en tête. « Pendant des années, on n’a pas réalisé les effets neurologiques d’un stress aussi aigu, note la psychiatre Catherine Bonnet. Mais aujourd’hui, il ne faudrait pas que le sujet de la mémoire traumatique vienne occulter les autres formes d’inceste, plus insidieuses. » Dans ce dernier cas, très commun lorsque l’agression survient dans un cadre familial, la prise de conscience des abus est lente. Ces derniers apparaissent sous couvert de soins ou d’éducation, dans un continuum de gestes déplacés sur le corps de l’enfant. Il peut s’agir de toilettes vulvaires trop fréquentes, de décalottages intempestifs, de prises de température […]