L’allaitement pendant la grossesse : pas si anecdotique

Peu nombreuses, les femmes qui poursuivent l’allaitement d’un aîné pendant la grossesse d’un cadet sont isolées. Face au tabou généralisé sur la question, elles n’osent se confier aux professionnels qui les connaissent mal. Sage-femme à la maternité de l’hôpital Lariboisière, à Paris, Floriane Gamblin en a fait le sujet de son mémoire de fin d’études.

Vous avez réalisé votre mémoire de fin d’études sur l’allaitement d’un bambin pendant une nouvelle grossesse. En France, combien de femmes sont concernées? Nous n’en avons aucune idée ! Les femmes se confient peu à ce sujet. Mais quoi qu’il en soit, c’est un phénomène sous-estimé. En France, l’allaitement au-delà des six mois de l’enfant est plutôt mal vu. Pendant une nouvelle grossesse, c’est encore pire. Il y a un vrai problème sur la confusion entre le sein nourricier et le sein sexuel. Le sujet est tellement tabou que les femmes se cachent, y compris au sein de leur propre famille. Elles évitent également d’en parler aux professionnels. A la maternité, elles choisissent de taire cette pratique par peur du jugement. Il faut dire que nous posons des questions fermées. « Le dernier, combien de temps l’avez-vous allaité ? » Cela signifie que l’allaitement en question doit être terminé. Souvent, seul le mari est au courant de l’allaitement pendant la grossesse ou du co-allaitement, une fois le nouveau-né arrivé. Ces situations restent marginales, mais tout de même moins anecdotiques qu’on le croit. A ma surprise, je n’ai eu aucune difficulté à recruter des mères pour mon étude. Au cours de l’été 2014, j’ai mené seize entretiens semi-dirigés à partir d’un guide d’entretien pour évaluer le vécu de ces femmes. Comment appréhendent-elles le co-allaitement ? Avant de me pencher sérieusement sur la question, je pensais que la démarche était réfléchie en amont. C’était un apriori. Les mères interrogées m’ont appris que ce n’est pas du tout le cas. L’expérience arrive plutôt comme une surprise. Le plus souvent, il s’agit simplement de la poursuite d’un allaitement bien vécu et épanouissant. Beaucoup de femmes disent « avoir laissé les choses se faire naturellement ». La plupart du temps, il s’agit d’une démarche de couple. Il y a un équilibre père-mère-enfant…

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