
Quand je serai grande, je serai…
… Danseuse. C’est ça que je voulais faire. Je dansais plus de vingt heures par semaine en sport-études au lycée et j’aurais aimé en faire mon métier. Mais mes parents souhaitaient pour moi une carrière plus stable, plus concrète. Passionnée par le corps en mouvement, je me suis naturellement tournée vers le domaine médical et me suis inscrite en première année à la faculté de médecine de Lyon, avec l’objectif initial de devenir kinésithérapeute.
Rapidement, j’ai réalisé que l’anatomie seule ne me suffisait pas. J’aimais comprendre le corps humain, mais je voulais aussi une profession plus complète, qui allie expertise scientifique, gestes techniques et contact humain. C’est au cours de cette première année que j’ai découvert la maïeutique : une révélation.
Le métier de sage-femme coche toutes les cases : une profession médicale à part entière, avec une grande autonomie et un droit de prescription élargi. Une prise en charge globale des patientes, bien au-delà de l’accouchement : suivi gynécologique, contraception, accompagnement de la grossesse, accouchement, post-partum… Chaque étape de la vie d’une femme peut être suivie par une sage-femme. Ce qui me séduisait particulièrement, c’était cette approche complète et ce rôle essentiel dans la santé des femmes, tout en conservant une dimension humaine et bienveillante.
Lorsque j’ai annoncé mon choix à mes parents, ma mère m’a rappelé qu’enfant, entre sept et dix ans, je répétais sans cesse : « Quand je serai grande, je ferai naître des bébés. » Une anecdote qui m’a marquée, car je n’en avais aucun souvenir. Finalement, après un long détour, je revenais à mon premier choix, celui qui s’était imposé à moi sans même que j’en sois consciente.
Bourg-en-Bresse : une formation au plus près de la physiologie
J’ai été admise à l’école de sages-femmes de Bourg-en-Bresse, où j’ai étudié pendant quatre ans avec passion et engagement. Bien que les études n’aient jamais été une évidence pour moi, j’ai obtenu d’excellents résultats, jusqu’à recevoir les félicitations du jury pour mon mémoire. Celui-ci portait sur la prévention primaire du cytomégalovirus pendant la grossesse, un sujet que j’ai eu l’opportunité de présenter devant un parterre de médecins au sein du réseau Aurore, à Lyon. Avec le recul, je me rends compte que, d’une certaine manière, la petite fille que j’étais avait vu juste.
L’un des atouts majeurs de ma formation a été la diversité des stages que j’ai pu effectuer, notamment dans des maternités de niveau 1. Ces structures, centrées sur la physiologie de la naissance, m’ont permis d’acquérir une approche globale et respectueuse du processus naturel de l’accouchement. En parallèle, l’école proposait des enseignements pratiques enrichissants : préparation à la naissance, accompagnement à la parentalité, formation sur l’allaitement, l’accouchement physiologique, la sophrologie et la relaxation. Ces modules, axés sur la femme, son ressenti et la physiologie, correspondaient parfaitement à ma vision du métier.
Bien sûr, nous avons également effectué des stages en maternités de niveau 3, où l’accent était mis sur la détection des pathologies. Cette complémentarité est essentielle dans notre formation : si notre rôle est d’accompagner la physiologie, nous devons aussi être en mesure d’identifier les complications pour assurer une prise en charge adaptée. Avec le temps, j’ai cependant constaté que la formation dans les grandes villes se faisait davantage au sein de structures médicalisées, où l’approche physiologique pouvait parfois être moins présente. Il me semble important de préserver cet équilibre, afin que les futures sages-femmes puissent appréhender toutes les facettes de leur métier.
Salle de naissance ou cabinet libéral : deux approches, deux réalités
Une fois diplômée, j’ai suivi mon conjoint à Clermont-Ferrand, où j’ai exercé pendant deux ans à la clinique de la Châtaigneraie. Mon activité était essentiellement centrée sur la salle d’accouchement et la suite de couches. J’aimais mon travail, mais j’ai rapidement ressenti une certaine frustration : celle de ne pas connaître l’histoire des femmes que j’accompagnais et de ne pas avoir de leurs nouvelles après leur départ. L’accouchement est un moment marquant dans une vie, et beaucoup de patientes se souviennent de leur sage-femme. Il m’est même arrivé d’être reconnue dans la rue ou au supermarché, parfois un an ou deux après… Mais, avec six ou sept accouchements par garde, il m’était impossible de me souvenir de chaque couple.
Bien sûr, chaque sage-femme a une sensibilité différente. Certaines s’épanouissent pleinement dans l’intensité de la salle de naissance, stimulées par l’adrénaline, la gestion des urgences, les gestes techniques comme les sutures ou l’assistance aux césariennes. Ne pas connaître les patientes en amont peut même être un atout dans certaines situations. De mon côté, ce qui me manquait, c’était cette connexion avec les femmes et leur histoire. J’essayais toujours de prendre le temps d’échanger : Comment cette grossesse est-elle arrivée ? A-t-elle été rapide ou le fruit d’un long parcours ? Depuis combien de temps sont-ils ensemble ? Comment se sont-ils rencontrés ? Comprendre le contexte dans lequel une naissance s’inscrit me semblait essentiel.
Lorsque mon conjoint a été muté à Paris, j’ai décidé d’explorer une autre facette du métier en effectuant un remplacement en libéral. Très vite, j’ai été séduite par cette approche : assurer le suivi gynécologique, accompagner une femme dès l’instant où elle découvre sa grossesse, être parfois la première à qui elle l’annonce après son conjoint… C’est une proximité qui donne tout son sens à mon engagement.
Bien sûr, le libéral comporte aussi sa part de frustrations. Lorsque mes patientes partent accoucher, je passe le relais à une consœur hospitalière, et je sais que je n’aurai pas toujours l’occasion d’avoir de leurs nouvelles avant leur retour à la maison. Mon rôle est alors de les préparer au mieux, pour qu’elles arrivent à la maternité en confiance, conscientes de leurs capacités et prêtes à s’autoriser le lâcher-prise essentiel le jour J. Travailler des années en salle d’accouchement m’a permis de mieux comprendre ce qui les attendait et d’adapter mon accompagnement en conséquence.
L’exercice libéral m’a également offert un cadre de travail différent. Si la charge de travail est dense et demande une grande disponibilité, il y a une forme de régularité dans les horaires, souvent proches de ceux du reste de la population, de 9 heures à 19 heures. Cette stabilité facilite l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ce qui n’est pas toujours évident en milieu hospitalier.
Aujourd’hui, avec le recul, je mesure la complémentarité précieuse entre ces deux modes d’exercice. Les sages-femmes hospitalières jouent un rôle fondamental, et j’ai beaucoup d’estime pour leur engagement. De mon côté, j’ai trouvé dans le libéral ce lien de proximité et cette continuité dans l’accompagnement qui donnent tout son sens à ma pratique.
Y a-t-il trop de sages-femmes libérales dans votre quartier ?
On ressent toutes une baisse du nombre de naissances, c’est une tendance nationale. Dans le 18e arrondissement, plusieurs nouvelles sages-femmes se sont installées, et de nouveaux centres de santé ont ouvert. Cela a changé l’organisation de l’offre de soins, mais cela apporte aussi de nouvelles opportunités de collaboration. Avec plus de dix ans d’expérience, ma patientèle est bien établie et solide. Mon activité ne se limite pas au suivi périnatal, je propose également un accompagnement gynécologique, ce qui m’a permis de mieux faire face à cette évolution du marché.
L’entente entre collègues est d’ailleurs très cordiale. Chacune d’entre nous a ses spécialités, notamment en préparation à l’accouchement. Par exemple, plusieurs consœurs me recommandent à leurs patientes pour une préparation plus physique, comme avec Pelvimotion®. De mon côté, je les oriente volontiers vers celles qui proposent des pratiques complémentaires, comme l’hypnose. Cette diversité d’approches est une vraie richesse pour nos patientes et rend notre pratique plus dynamique et enrichissante.
J’exerce au sein d’un cabinet pluridisciplinaire qui réunit une orthophoniste, un podologue, un ostéopathe et deux médecins généralistes, qui assurent également des suivis en pédiatrie et en gynécologie. Cette complémentarité est précieuse : quand mes patientes deviennent mamans, elles peuvent poursuivre leur suivi au sein du même cabinet, ce qui leur apporte confort et continuité de soins. Entre nous, il existe une vraie synergie, presque une symbiose. En tant que professionnelle, c’est un atout inestimable de pouvoir échanger avec d’autres spécialistes, un peu comme on pourrait le faire en milieu hospitalier.

Votre patientèle vient-elle des deux côtés du boulevard Barbès ?
Absolument, des deux côtés ! C’est justement ce qui m’a attirée dans ce quartier du 18e arrondissement. Je n’ai pas souhaité m’installer en bas du métro Lamarck, à la fois pour des raisons financières, mais aussi parce que la rue Ramey offre un vrai carrefour de mixité. Ce quartier est unique par sa diversité : il réunit des patientes de tous horizons, mêlant précarité et confort de vie, jeunes cadres dynamiques, familles plus modestes et même des couples homoparentaux. Ce mélange de nationalités, de parcours de vie et d’histoires personnelles crée une vraie richesse humaine.
J’accueille aussi bien des patientes en situation de grande vulnérabilité, dont certaines rencontrent des défis de santé complexes, que des personnes issues de milieux plus favorisés. Chaque rencontre est unique et apporte son lot d’échanges enrichissants. Avant de m’installer en libéral, j’ai travaillé pendant huit ans en vacation à Lariboisière, où j’ai eu la chance d’accompagner des femmes venant de tout le quartier. J’ai une immense admiration pour mes consœurs qui exercent à temps plein dans cet environnement hospitalier exigeant. Leur travail est souvent plus complexe, notamment auprès des patientes en situation de grande précarité, et elles le font avec une détermination et une humanité admirables.
Pour ma part, j’ai trouvé un équilibre qui me convient. Je contribue à ma mesure, en apportant mon soutien aux patientes vulnérables, tout en accueillant une patientèle plus diversifiée. Cela me permet de garder un juste équilibre, à la fois professionnellement et personnellement, tout en restant alignée avec mes valeurs d’accompagnement et de bienveillance.
Parlez-nous de votre méthode Pelvimotion®
J’ai toujours souhaité allier ma passion pour la danse et le mouvement à mon métier de sage-femme. Dès le début de mon exercice libéral, j’ai proposé des cours de yoga prénatal, de Pilates et de danse prénatale. Chaque pratique apporte des bienfaits spécifiques, que ce soit pendant la grossesse, pour l’accouchement ou en post-partum. Mais rapidement, je me suis rendu compte que ces disciplines pouvaient créer des barrières : certaines patientes trouvaient le yoga trop statique, tandis que d’autres, peu à l’aise avec la danse, n’osaient pas s’y aventurer.
C’est ainsi qu’est née Pelvimotion® en 2020, une méthode que j’ai développée et affinée pendant trois ans grâce aux retours de mes patientes. Pelvimotion® combine les bienfaits du mouvement, la fluidité de la danse, le renforcement musculaire du Pilates et la connexion à soi du yoga, dans une approche spécifiquement adaptée à la grossesse.
Contrairement aux idées reçues, cette méthode ne s’adresse pas uniquement aux femmes souhaitant accoucher sans péridurale. Bien sûr, elle prépare à un accouchement physiologique, mais son objectif principal est d’accompagner chaque femme à mieux comprendre ce qui se passe dans son corps le jour J. L’idée est de retarder le recours à la péridurale autant que possible, afin de profiter de ses bénéfices de manière optimale, si elle est choisie ou nécessaire.
Pelvimotion® ne se limite pas à la préparation physique. Elle intègre des exercices qui soulagent les maux de la grossesse, renforcent la confiance en ses capacités physiques et préparent le corps à l’accouchement. Les mouvements proposés facilitent également la descente du bébé lors du travail, en mobilisant spécifiquement le bassin et en favorisant une meilleure progression du bébé dans le canal pelvien. Au-delà de l’aspect physique, cette méthode propose un véritable accompagnement sur les différentes étapes de l’accouchement physiologique. J’apporte aux futures mamans des clés pour apprivoiser chaque phase du travail, comprendre la mécanique de leur corps et accompagner naturellement ce processus avec le mouvement.
Le coparent joue aussi un rôle central dans cette approche. Je les prépare à être plus actifs et engagés le jour J, en leur offrant des outils concrets tels que des techniques de massage, des points d’acupression ou encore des postures d’accompagnement. L’objectif est qu’ils puissent soutenir la femme en travail de manière utile et apaisante, en créant un véritable binôme au moment de la naissance.
J’ai conçu Pelvimotion® en ayant pleinement conscience des contraintes liées aux protocoles médicaux en salle d’accouchement. Bien qu’indispensables pour la sécurité des patientes et des bébés, ces protocoles ne sont pas toujours compatibles avec les postures et les mouvements naturels que l’on adopterait spontanément sans péridurale. Cela peut générer des frustrations, aussi bien pour les patientes que pour l’équipe soignante, qui doit jongler entre sécurité médicale et physiologie. Mon ambition avec cette méthode est donc double : offrir aux femmes des solutions concrètes pour mieux vivre ces contraintes et faciliter la collaboration avec le personnel médical, en proposant des alternatives qui respectent les protocoles tout en favorisant le mouvement.
Je forme ainsi les couples à la réalité du terrain, en les préparant aux différentes situations qu’ils pourront rencontrer en salle d’accouchement. Mon approche ne se limite pas aux patientes : de plus en plus de maternités font appel à moi pour former mes consœurs en salle d’accouchement. Cette transmission me tient particulièrement à cœur, car elle permet d’améliorer l’accompagnement des femmes tout en offrant aux soignants des outils pratiques pour concilier sécurité médicale et physiologie.
En pratique, les séances de Pelvimotion® se déroulent en petits groupes. Je connais les dossiers médicaux de mes patientes, leurs éventuelles contre-indications, et j’adapte chaque exercice en conséquence. Le module 1, par exemple, se concentre sur les étirements, le renforcement musculaire et les mouvements spécifiques à la descente du bébé, toujours en lien direct avec les besoins de la grossesse et de l’accouchement. En salle d’accouchement, cette préparation porte ses fruits : plus de la moitié des primipares préparées avec Pelvimotion® accouchent sans péridurale et pour un deuxième bébé ce taux approche les 100 %.
La phase de désespérance
Ma méthode s’adresse à la patiente, à l’accompagnant(e) et aussi aux sages-femmes de la maternité. Car un accouchement physiologique comporte des étapes déroutantes pour tous les protagonistes. La « phase de désespérance » est l’une d’elles. Sous péridurale, on la perçoit très peu. Je l’appelle « l’accouchement mental de la femme », c’est un saut dans le vide qui précède l’accouchement physique. Jusqu’à ce moment-là, le corps sécrète beaucoup d’ocytocine et d’endorphines, les hormones du plaisir, des contractions, de l’amour — celles que l’on retrouve quand on fait du sport, que l’on a un orgasme… Et d’un coup, plus rien. À la place se produit une montée d’adrénaline, l’hormone de la peur et de l’hypervigilance. Comme si l’on confrontait la femme à sa pire phobie. Elle pleure, elle panique, elle a l’impression qu’elle va mourir. Elle ne veut plus de péridurale, elle veut une anesthésie générale, une césarienne, elle veut s’enfuir. C’est un moment très, très intense, mais c’est aussi le dernier avant que le corps ne prenne le dessus. Quand une sage-femme entre dans une salle d’accouchement, qu’elle voit une femme qui hurle, bouge dans tous les sens, vomit, dit qu’elle va mourir… la tentation est grande de poser une péridurale immédiatement. Mais il faut que tout le monde tienne bon : la femme, le conjoint, l’équipe de soignants aussi. Je dis souvent aux équipes et aux conjoints que c’est justement parce que cette phase est si brutale qu’elle annonce la fin. Et souvent, celles qui demandent une péridurale à ce moment-là le regrettent dix minutes après.

Préparer aussi le conjoint, l’accompagnant(e) et l’équipe soignante
Une de mes patientes, pour son deuxième accouchement, a traversé cette fameuse phase de désespérance bien plus tôt que prévu. Quand la sage-femme l’a examinée, elle n’était dilatée qu’à trois centimètres. Pourtant, elle était persuadée d’être déjà dans cette phase, qui intervient habituellement autour de six ou sept centimètres. Elle s’écriait : « Céline m’avait expliqué que c’était ça, la phase de désespérance. Je le sais, c’est ça. Pourquoi je ne suis qu’à trois ? Je ne tiendrai jamais jusqu’au bout. » Une demi-heure plus tard, elle accouchait. J’essaie d’apprendre aux patientes à faire confiance à leur ressenti. Le toucher vaginal donne une indication, mais la dilatation d’un accouchement physiologique ne suit pas le même rythme qu’un accouchement sous péridurale. Comme 90 % des accouchements se font avec péridurale, nous, sages-femmes, sommes habituées à une dilatation progressive, régulière. Mais sans péridurale, elle peut passer de trois à dix centimètres en moins d’une heure. Il faut faire confiance à la perception des femmes. La sage-femme qui se focalisait sur la dilatation n’avait pas reconnu la phase de désespérance. Elle a été prise par surprise, car c’est bien la patiente qui avait raison. Heureusement, tout s’est bien passé.
La méthode Pelvimotion® s’adresse également à l’accompagnant(e) : le moment n’est pas facile pour celui ou celle qui tient la main. J’ai eu le retour d’un papa qui est venu me voir deux fois en consultation après l’accouchement, tout seul. Il était très discret d’habitude, mais il m’a dit : « J’ai eu l’impression d’être maltraitant. » Sa femme lui avait fait jurer de ne pas flancher pendant sa phase de désespérance. Fidèle à sa promesse, le papa a résisté de toutes ses forces aux supplications de sa conjointe, qui demandait une péridurale. Il savait combien ce projet était important pour elle. C’était la première fois qu’il vivait une véritable épreuve de force avec sa femme et il en était tout groggy.
Avez-vous publié autour de cette méthode Pelvimotion® ? Un livre verra-t-il le jour ?
J’ai longuement hésité l’an passé, après qu’une maison d’édition m’a proposé d’y travailler. Mais pour l’instant, je préfère me consacrer à la formation des professionnels. Je suis encore pleine d’énergie pour agir physiquement et le livre viendra plus tard, comme un aboutissement de ma carrière. L’idéal serait de faire, au préalable, une étude à l’échelle nationale. Mais c’est un processus compliqué, il y a beaucoup de biais, et cela nécessite de l’investissement financier. Bref, pour le livre, on verra plus tard.

Vous enseignez de plus en plus ?
En effet, l’enseignement prend une place grandissante dans mon activité. J’ai eu l’opportunité de former plusieurs équipes de maternité, notamment à Bourg-en-Bresse, ainsi que plus d’une trentaine de sages-femmes libérales. Mon objectif est de leur transmettre des outils concrets pour améliorer l’accompagnement des accouchements physiologiques. Bien souvent, il suffit de peu — un peu de matériel, quelques ajustements — pour transformer l’expérience en salle d’accouchement. C’est très gratifiant de voir mes consœurs gagner en confiance et en sérénité. Une équipe soignante mieux préparée sait aussi que des couples bien formés arriveront en salle d’accouchement avec une meilleure compréhension des contraintes médicales et une plus grande autonomie dans la gestion du travail.
Je propose également les cours Pelvimotion® à la maternité de Port-Royal pour les patientes souhaitant accoucher en salle nature. Cela permet aux futures mamans de bénéficier de cette méthode spécifique tout en restant dans un cadre médicalisé adapté à leur projet de naissance physiologique.
En parallèle, j’enseigne au Conservatoire supérieur d’ostéopathie en tant que professeure d’obstétrique. J’interviens aussi à la faculté de Reims, où j’accompagne les enseignants en activité physique adaptée (APA) qui suivent le DIU Sport-Santé. Mon rôle est de leur transmettre l’importance de l’activité physique pendant la période périnatale, y compris en post-partum. L’enjeu est de promouvoir l’intégration du mouvement dans le parcours de soins pour maximiser ses bénéfices sur la santé mentale et physique des patientes.
Travailler avec ce nouveau public, orienté vers l’activité physique et sportive, est extrêmement enrichissant. Leur regard diffère de celui des professionnels de santé classiques, et cela me pousse à adapter mon discours, à explorer de nouvelles perspectives et à créer des passerelles entre nos pratiques. C’est une dynamique stimulante qui nourrit mon approche et me permet de continuer à apprendre tout en enseignant.
Et la danse dans tout ça ?
Alors oui, j’adore toujours danser et je donne des cours de danse prénatale une fois tous les quinze jours, en petits groupes. Je change de tenue, je passe du jean au legging. Je fais voyager mes patientes à travers différentes cultures : on commence avec une danse hawaïenne, puis on part en Afrique avec des mouvements de bassin très fluides, et l’on termine au Brésil. Tout ça sous forme de minichorégraphies adaptées, ça bouge plus qu’on ne le pense. Beaucoup de mouvements pourront être réutilisés pendant les contractions et la musique joue aussi un rôle clé. Déjà, parce que le bébé l’entend. Mais c’est aussi que la musique, le rythme, la danse stimulent la sécrétion d’ocytocine. J’encourage ainsi les couples à mettre de la musique le jour J, pour bouger en rythme. La musique, le plaisir, tout ça participe au bien-être. Les femmes sortent de leur cours de danse avec le sourire, et moi aussi !
N’est-ce pas dangereux de danser quand on est enceinte ?
Il y a encore cette crainte chez certaines femmes : peur de faire une bêtise, un faux mouvement. Mais les recommandations ont évolué et l’activité physique pendant la grossesse est encouragée. Avant, on disait aux femmes d’être calmes, de ne pas trop porter, pas trop marcher. Maintenant, on sait que bouger, c’est essentiel pour leur bien-être. Tout dépend évidemment du niveau d’activité physique d’avant la grossesse. Une femme très sportive doit continuer à bouger, sinon elle ne se sentira pas bien. À l’inverse, si quelqu’un n’a jamais vraiment bougé, il faut y aller progressivement. C’est aussi pour ça que l’on dialogue beaucoup en consultation, pour que je puisse adapter les conseils à chacune.
Quid de la double casquette ville/hôpital ?
La baisse de la natalité pourrait inciter de plus en plus de sages-femmes libérales à retourner en salle de naissance. Cette dynamique existait déjà auparavant, mais elle était freinée par l’impossibilité de cumuler les deux activités et par le nombre limité de postes de vacataires dans les hôpitaux publics. Aujourd’hui, les choses évoluent : de nombreuses maternités s’ouvrent à la collaboration avec les sages-femmes libérales. Cette flexibilité permet d’enrichir nos pratiques professionnelles tout en répondant aux besoins des établissements de santé.
Pour moi, cette double casquette est peut-être l’avenir de notre profession. Elle offre une continuité de soins précieuse, en permettant d’accompagner les patientes de manière globale, du début de la grossesse jusqu’à la naissance. Un tel suivi personnalisé renforce la confiance des patientes et optimise leur prise en charge.
Cela nous permettrait également, en tant que sages-femmes, de mettre en œuvre l’ensemble des compétences acquises lors de notre formation initiale. En ville, nous nous concentrons souvent sur certaines missions spécifiques — préparation à la naissance, suivi gynécologique ou rééducation périnéale — alors que notre champ de compétences est bien plus vaste. Pouvoir exercer à la fois en libéral et en milieu hospitalier nous offrirait la possibilité d’exploiter pleinement notre savoir-faire, notamment en matière de suivi global de la grossesse, d’accouchement et de post-partum.
C’est une perspective stimulante, tant pour notre épanouissement professionnel que pour la qualité de l’accompagnement proposé aux femmes et à leurs familles.
Vous souhaitez dire un dernier mot sur Pelvimotion® et l’accouchement physiologique, pour lequel la demande croît, sauf erreur ?
En effet, l’engouement pour l’accouchement physiologique ne cesse de croître. De plus en plus de patientes expriment le souhait de rester actives et maîtresses de leur corps lors de leur accouchement, tout en bénéficiant de la sécurité offerte par les structures hospitalières traditionnelles. C’est précisément pour répondre à cette attente que j’ai créé la méthode Pelvimotion®. Elle permet aux femmes de mieux comprendre ce qui se passe dans leur corps le jour J, de se préparer physiquement et mentalement à l’accouchement et de trouver leur place au sein des protocoles médicaux parfois contraignants.
Aujourd’hui, mon ambition est double : continuer à former les patientes, bien sûr, mais aussi développer la formation des sages-femmes, qu’elles exercent en libéral ou en milieu hospitalier. En partageant cette méthode avec mes consœurs, je souhaite qu’un plus grand nombre de femmes puissent en bénéficier, partout en France. Il serait particulièrement gratifiant de voir Pelvimotion® se diffuser largement, afin de proposer un accompagnement cohérent et adapté à la réalité du terrain, en conciliant physiologie et sécurité médicale.
C’est un projet à long terme, mais je suis convaincue que l’accouchement physiologique en milieu médicalisé a de beaux jours devant lui, et que notre rôle, en tant que sages-femmes, est d’accompagner ce mouvement avec bienveillance, compétence et ouverture.
Propos recueillis par Stéphane Cadé