
Laëtitia Négrié et Béatrice Cascales ont cherché à comprendre pourquoi la question des violences obstétricales a été longtemps invisible et pourquoi les féministes françaises n’en ont pas fait un sujet d’étude et de revendication jusqu’ici. Plus profondément, faisant leur l’analyse de quelques féministes de la troisième génération, elles examinent pourquoi les mouvements féministes ont délaissé l’étude de ce qui se joue entre les acteurs soignants et les femmes au moment de l’accouchement. Et pourquoi « la reconnaissance du caractère politique du privé semble ne pas concerner l’accouchement » ? En préambule, les deux femmes décrivent leur parcours personnel, amenant l’une de la maternité au féminisme et l’autre du féminisme à la maternité, révélant déjà les difficultés d’une génération de femmes à connecter ces aspects de leur vie. Dans un premier chapitre où les sages-femmes reconnaîtront les pratiques médicales actuelles, elles analysent les conditions du suivi de la grossesse et de l’accouchement, qui forment « une atteinte invisible au droit à disposer de son corps ». Cela a été rendu possible historiquement par une dissociation passée inaperçue entre le caractère intime et sexuel de l’accouchement et le travail procréatif. « D’un côté la sexualité est dissociée de la maternité, et cette dissociation participe à émanciper les femmes. De l’autre, l’accouchement est séparé de la sexualité, et cette dissociation-là participe à leur oppression », argumentent-elles. En outre, le pouvoir médical comme les féministes institutionnelles ont partagé une même vision d’un accouchement « naturellement » dangereux. Femmes incapables, inaptes dans leur essence à donner la vie sans assistance. Pourtant, paradoxalement, les mouvements féministes dominants ont délaissé la question de l’accouchement justement pour ne pas tomber dans l’essentialisme, dénoncé par ailleurs comme un outil de la domination patriarcale. Au final, la salle de naissance apparaît comme un « musée » du patriarcat, selon les auteures, permettant de révéler des rapports de domination. La surmédicalisation de…