
Jusqu’aux années 1990, silence et évitement régnaient en maîtres autour du deuil périnatal. Les IMG et les accouchements d’enfants morts in utero étaient réalisés à l’écart, sous anesthésie générale le plus souvent, derrière un champ pour que la mère ne puisse voir l’enfant. Celle-ci était isolée, renvoyée rapidement chez elle ; la rencontre avec l’enfant était impensable et les rituels funéraires inexistants. « Les soignants pensaient protéger les parents d’une trop grande souffrance et, probablement, s’épargnaient ainsi d’être confrontés à la réalité de la mort à laquelle leur formation ne les avait pas du tout préparés », expliquent les docteures Maryse Dumoulin de la maternité Jeanne-de-Flandre à Lille et Anne-Sylvie Valat du CHRU de Lens [1]. Françoise Damageux, sage-femme cadre au CHI de Poissy-Saint-Germain dans les Yvelines, se souvient : « Au début de ma carrière en 1982, je n’étais pas du tout formée pour appréhender ces situations, raconte-t-elle. L’essor du diagnostic prénatal et du nombre d’IMG pratiquées nous a obligés à faire évoluer nos pratiques, à prévoir ces situations et nous organiser afin d’accompagner au mieux les familles. La présence de plus en plus importante de psychologues dans nos services a été essentielle. Mais il y a eu aussi un dialogue plus important entre nous, une réflexion éthique menée par quelques chefs de service et de plus en plus de publications sur ce thème. » UNE (R)EVOLUTION DES LOIS « Dans les années 1990, on constate une rupture dans les pratiques, rapportée dès 1988 dans la littérature professionnelle par des médecins et des sages-femmes », raconte Dominique Memmi, directrice de recherches en sciences sociales et politiques au CNRS. Désormais, les mères qui subissent des IMG ou accouchent de bébés morts in utero sont rapprochées des autres mères dans les maternités, la sédation est moindre, des entretiens systématiques avec des soignants sont réalisés, et l’on propose aux parents de…