Ils partagent un « constat alarmant sur la santé des femmes » et se disent « prêts à travailler ensemble autour d’objectifs communs ». Ce sont les signataires d’une tribune lancée par le Conseil
national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF) le 7 avril pour des états généraux pour la santé des femmes. Toutes les associations et organisations de sages-femmes, mais aussi le Collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF), des représentantes du Planning familial et quatre femmes parlementaires exigent que la santé des femmes soit « une priorité de la politique de santé du prochain Gouvernement ». Alors que les derniers états généraux de la naissance remontent à plus de quinze ans, et que la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant est inactive depuis 2016, les signataires demandent des politiques publiques « structurées et ambitieuses » dédiées à la périnatalité et à la santé génésique.
« En portant la loi sur l’IVG, j’avais proposé la création d’une agence nationale consacrée à la santé sexuelle et reproductive, et je reste frappée par l’absence de pilotage national sur ces questions, affirme
Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise et ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Les ARS ignorent par exemple combien de médecins refusent de pratiquer les IVG. De nombreuses décisions sont laissées aux aléas des politiques locales. Les questions de santé sexuelle et reproductive sont les parents pauvres de la santé publique, car elles concernent les femmes. »
Estimant la santé sexuelle « en déshérence », citant l’échec de la vaccination anti-HPV, le manque de respect du choix des femmes ou encore les inégalités sociales dont les femmes sont victimes, les signataires appellent à repenser le système de santé en prenant en compte les inégalités de sexe et de genre. La situation extrêmement préoccupante des maternités n’est pas oubliée. Concernant les pénuries de personnels, Cyril Huissoud, secrétaire national du CNGOF, témoigne d’une « situation jamais vue en 23 ans de carrière et de perspectives peu réjouissantes du fait d’un manque de visibilité politique ». « Au CHU de Lyon où j’exerce, nous en sommes à réfléchir à ce contre quoi nous nous sommes toujours opposés jusqu’alors, c’est-à-dire de recruter des infirmières en suites de couche, témoigne-t-il. Nous avons toujours voulu des sages-femmes, car elles ont la formation ad hoc. C’est un constat d’échec et de dégradation. » Pour Laurence Rossignol, « tout le problème de notre système de santé est qu’il repose sur les femmes, mais qu’il est incapable de leur garantir des conditions de travail épanouissantes ou une reconnaissance à la hauteur de ce qu’elles apportent ». Elle appelle à penser les maternités comme des « éléments d’aménagement du territoire ». Dans sa circonscription, elle s’est opposée à la fermeture de la maternité de Creil en 2019, transférée à Senlis. « Cette décision était incohérente par rapport à la jeunesse des habitantes de la ville, au nombre de naissances, au fait que Creil est éligible à la politique de la ville étant donné son taux de pauvreté et qu’il ne s’agissait pas d’une petite maternité », estime-t-elle. Ailleurs, des établissement sont peu attractifs et fonctionnent grâce aux personnels intérimaires. « Le sentiment d’insécurité est croissant chez les soignants », témoigne Cyril Huissoud. Face aux multiples « carences » du système, le CNOSF et les signataires affirment attendre « plus que des déclarations d’intentions ou des mesures isolées ».
■ Nour Richard-Guerroudj