Dans les maternitĂ©s du CHU de Strasbourg, le Covid-19 bouleverse l’organisation

Les hĂŽpitaux universitaires de Strasbourg, dans le Bas-Rhin, sont mis Ă  rude Ă©preuve par le Covid-19, mĂȘme s’ils sont moins dĂ©bordĂ©s que ceux de Mulhouse et Colmar, dans le Haut-Rhin, oĂč l’épidĂ©mie a flambĂ© en premier. Au sein du pĂŽle de gynĂ©cologie-obstĂ©trique, les Ă©quipes ont tentĂ© d’avoir un temps d’avance, dans des conditions dĂ©gradĂ©es. Plusieurs femmes enceintes gravement malades du Covid ont Ă©tĂ© hospitalisĂ©es depuis le 19 mars. Chronique de trois semaines de gestion de crise.

Le nettoyage des salle de prélÚvement et des chambres de patientes infectées nécessite d'infinies précautions. © DR

« Au dĂ©but, c’est comme si nous tentions d’arrĂȘter un TGV Ă  main nue. » Nadine Knezovic, sage-femme coordinatrice du pĂŽle gynĂ©cologie-obstĂ©trique et fertilitĂ© des HĂŽpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), a enchaĂźnĂ© les heures de travail depuis le vendredi 6 mars, jour du dĂ©clenchement national du Plan blanc, pour adapter les services Ă  la crise. Deux maternitĂ©s sont sous sa responsabilitĂ© : celle du site de Hautepierre, de niveau 3, Ă  Strasbourg, et celle du Centre mĂ©dico-chirurgical et obstĂ©trical (CMCO), de type 2, situĂ©e Ă  Schiltigheim.

« Les premiers jours, ce fut compliquĂ© de jongler, rassurer et ĂȘtre inventifs, gĂ©rer les patients qui toussent, convaincre certains soignants de porter des masques alors que nous avions des injonctions contradictoires en la matiĂšre. On nous disait que les masques n’étaient utiles qu’au contact de malades avĂ©rĂ©s du Covid. Nous avions aussi des informations rassurantes sur les consĂ©quences du virus pour les femmes enceintes, tĂ©moigne Philippe Deruelle, professeur de gynĂ©cologie-obstĂ©trique et chef du pĂŽle. Mais trĂšs vite, les Ă©quipes de mĂ©decins et soignants ont cherchĂ© Ă  s’adapter en consĂ©quence. » Ainsi, l’ensemble des Ă©quipes ont unies leurs efforts pour revoir l’organisation du pĂŽle.

« PENSER AUTREMENT, ET VITE ! »

Pour la sage-femme coordinatrice, le prise de conscience a eu lieu le lundi 9 mars. « Ce soir-lĂ , j’étais en grande garde, c’est-Ă -dire que je m’occupais de tout l’hĂŽpital gĂ©nĂ©ral. Je suis passĂ©e dans le service de rĂ©animation, dĂ©jĂ  plein, et c’est lĂ  que j’ai rĂ©alisĂ© ce qui se jouait. J’ai vu le cƓur du systĂšme, la pĂ©nurie de moyens. J’ai reçu un appel du service des maladies infectieuses vers 21 h 30. Une des infirmiĂšres avait 39 °C de fiĂšvre et personne pour la remplacer sur le planning. Si on laissait un soignant dans cet Ă©tat en plein service dĂ©diĂ© au Covid, c’est que nous jouions dans une autre cour ! J’ai tĂ©lĂ©phonĂ© dĂšs le lendemain matin Ă  Philippe Deruelle pour lui dire qu’il fallait revoir toutes nos organisations. »

Les tĂ©moignages de mĂ©decins italiens ont commencĂ© aussi Ă  parvenir en France, laissant enfin percevoir au grand public le risque de saturation des services de rĂ©animation. « Je ne me souviens plus si j’ai vu ou lu que des patients mourraient seuls, disant au revoir Ă  leurs proches via un ordinateur, poursuit la coordinatrice. SensibilisĂ©e aux soins palliatifs en pĂ©rinatalitĂ©, je sais que nous trouvons d’ordinaire toujours un temps pour accompagner les patients. S’ils en Ă©taient lĂ  en Italie, c’est que nous n’avions rien compris ici. Cela a fini de me convaincre que si nous continuions Ă  rĂ©flĂ©chir comme d’habitude, nous allions dans le mur. Â»

LE MARATHON COMMENCE

Les rĂ©unions de crise se sont enchaĂźnĂ©es pour acter de nouvelles dispositions. L’hĂŽpital de Strasbourg s’est peu Ă  peu confinĂ©, alors que le Gouvernement n’a pas encore employĂ© ce terme. Pour Ă©viter que des patients ne fassent entrer le virus Ă  l’hĂŽpital, les visites ont Ă©tĂ© limitĂ©es.

Le mercredi 11 mars, prĂšs de la moitiĂ© des patientes enceintes se sont prĂ©sentĂ©es en consultation avec leurs enfants aĂźnĂ©s. « Nous avons donnĂ© des masques Ă  tout le monde, avant de dĂ©cider de refuser la prĂ©sence des mineurs sur nos sites dĂšs le lendemain », se souvient Philippe Deruelle. Une dĂ©cision a chassĂ© l’autre, chacun oubliant, dĂ©jĂ , de quoi Ă©tait fait le quotidien d’avant. « MĂ©decins et sages-femmes ont tentĂ© avoir 48 heures d’avance sur la progression du virus, tĂ©moigne Nadine Knezovic. Les dĂ©cisions ont Ă©tĂ© rĂ©adaptĂ©es au quotidien. Sans le travail de Philippe Deruelle, de Fanny de Marcillac, praticien hospitalier et “rĂ©fĂ©rente Covid”, et de la coordinatrice adjointe VĂ©ronique Sittler, nous n’aurions pas pu avancer aussi vite. »

À la maternitĂ©, des services ont Ă©tĂ© fermĂ©s, comme celui de la PMA et les consultations non urgentes (suivi de grossesse, allaitement, postnatal, acupuncture, ostĂ©opathie ou psychologie) annulĂ©es. « Nous avons mis en place des tĂ©lĂ©consultations avant que ce ne soit autorisĂ© pour les libĂ©raux de les mettre en Ɠuvre, tĂ©moigne Philippe Deruelle. Il s’agit surtout de consultations tĂ©lĂ©phoniques dĂ©diĂ©es aux femmes enceintes Ă  bas risque. » Les interventions non urgentes en gynĂ©cologie ont Ă©tĂ© reportĂ©es. Dans tous les services, des parcours et des lieux diffĂ©renciĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©diĂ©s aux patients atteints par le Covid.

Jeudi 12 mars au soir, le prĂ©sident de la RĂ©publique a annoncĂ© la fermeture de tous les Ă©tablissements scolaires et universitaires Ă  partir du lundi 16 mars. Dans les maternitĂ©s des HUS, les mĂ©decins se dĂ©menaient dĂ©jĂ  pour rĂ©diger des protocoles. « Une mĂ©decin coordinatrice a rĂ©digĂ© des procĂ©dures de surveillances de patientes Covid+ Ă  domicile, souligne Philippe Deruelle. Et notre cadre adjointe a pendant plusieurs jours rĂ©digĂ© tous les protocoles. Â» Des consignes ont Ă©tĂ© donnĂ©es aux mamans qui ont accouchĂ© et pour lesquelles le diagnostic de Covid-19 a Ă©tĂ© confirmĂ©. Il en a Ă©tĂ© de mĂȘme pour celles qui attendaient encore le rĂ©sultat de leur prĂ©lĂšvement. Ces consignes restent valables aujourd’hui. Les femmes confirmĂ©es ou suspectĂ©e de Covid-19 sont confinĂ©es en chambre seule, avec un masque chirurgical, et autorisĂ©es Ă  allaiter leur bĂ©bĂ©, moyennant le respect d’un protocole d’hygiĂšne strict. Mais pour les repos ou durant leur sommeil, le berceau de l’enfant doit ĂȘtre placĂ© « Ă  plus de deux mĂštres Â» du lit, pour « Ă©viter les projections ».

Les mĂšres positives au virus sont hospitalisĂ©es pendant trois jours aprĂšs un accouchement normal. Le second parent est encore autorisĂ© en suites de couches, masquĂ© lui aussi. Mais il n’est plus autorisĂ© Ă  sortir de la chambre ni Ă  faire des allĂ©es et venues dans le service. Toute sortie est considĂ©rĂ©e comme dĂ©finitive. Les protocoles de prise en charge d’un nouveau-nĂ© de mĂšre infectĂ©e ou prĂ©sentant une suspicion d’infection avec signes de gravitĂ© sont Ă©dictĂ©s.

MalgrĂ© les prĂ©cautions prises, le vendredi 13 mars, l’ensemble de l’hĂŽpital comptait un cadre en rĂ©animation et prĂšs de 50 soignants en arrĂȘt de travail, malades avĂ©rĂ©s ou « cas contacts Â». Parmi eux, un soignant du service d’obstĂ©trique a Ă©tĂ© testĂ© positif. « Ce fut un choc d’apprendre qu’un de nos collĂšgues, en bonne santĂ©, Ă©tait en rĂ©a », tĂ©moigne Nadine Knezovic.

L’HÔPITAL EN DIFFICULTÉ

Le week-end du 14 au 15 mars, au moment du passage national en stade 3 de l’épidĂ©mie, Nadine Knezovic Ă©tait de nouveau en “grande garde”, lui permettant un regard global sur l’hĂŽpital. « Cette garde m’a permis de prendre conscience que nous Ă©tions encore tranquilles en obstĂ©trique et que nous n’avions pas encore perçu suffisamment que d’autres services Ă©taient en difficultĂ© en raison du Covid-19. J’ai rĂ©alisĂ© que nous devions nous aussi rĂ©duire la voilure pour aider les autres services de l’hĂŽpital et ne pas nous retrouver dans les mĂȘmes difficultĂ©s. J’ai aussi hurlĂ© Ă  l’adresse des personnes extĂ©rieures Ă  l’hĂŽpital : restez chez vous ! Je ne suis pas allĂ©e voter le 15 mars. »

Dans plusieurs hĂŽpitaux, ici Ă  Tenon, Ă  Paris, les soignants demandent Ă  la population de sortir le moins possible. Le mot d’ordre devient: restez chez vous !

Le lundi 16 mars au soir, Emmanuel Macron annonçait le confinement national à partir du lendemain midi. De leur cÎté, entre le mardi 17 et le vendredi 20 mars, les maternités des HUS ont étoffé encore leur organisation. Les médecins et soignantes enceintes sont en télétravail.

Au mĂȘme moment, un accueil filtrant des patientes, toujours d’actualitĂ©, a Ă©tĂ© instaurĂ© devant les bĂątiments des maternitĂ©s. Des Ă©tudiantes de 4e ou 5e annĂ©e de maĂŻeutique, en lien avec des titulaires, sont chargĂ©es de vĂ©rifier si les patientes ont de la fiĂšvre, de rĂ©aliser une brĂšve anamnĂšse, de vĂ©rifier leurs contacts contaminants Ă©ventuels, de demander aux femmes admises de se laver les mains au gel. Toutes les femmes enceintes au troisiĂšme trimestre, mĂȘme sans symptĂŽme, doivent ĂȘtre masquĂ©es. « Les Ă©tudiantes disposent de nos protocoles, explique Nadine Knezovic. Par exemple, une femme en dĂ©but de grossesse, Ă  14 SA, se prĂ©sentant avec de lĂ©gers saignements, est orientĂ©e vers un soignant en ville dont nous avons les coordonnĂ©es. En revanche, toutes les femmes enceintes avec de la fiĂšvre sont accueillies pour ĂȘtre testĂ©es. »

Autre changement : le second parent n’est plus admis au bloc opĂ©ratoire en cas de cĂ©sarienne, quel que soit son statut viral ou celui de la mĂšre. « Nous autorisions les pĂšres en cĂ©sarienne depuis vingt ans. Mais lĂ , l’intendance est trop complexe pour l’habillage complet de protection face au virus et les accompagnants peuvent ĂȘtre porteurs sains Â», jugent la coordinatrice et sa direction. DĂ©sormais, tout accouchement de femme symptomatique ou positive implique la prĂ©sence d’un obstĂ©tricien et d’une sage-femme. Les femmes asymptomatiques ayant connu un accouchement sans complication sortent de façon prĂ©coce, six heures aprĂšs la naissance si une sage-femme libĂ©rale peut assurer les suites de couches Ă  domicile.

Pour chaque dĂ©cision, des rĂ©unions de crise se sont tenues pour parvenir Ă  des consensus. « Deux heures de rĂ©union ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour convaincre les pĂ©diatres, garants de la sĂ©curitĂ© des nouveau-nĂ©s, de cette possibilitĂ© de sortie trĂšs prĂ©coce, tĂ©moigne Nadine Knezovic. Nous n’avons pas autorisĂ© de sorties deux heures aprĂšs l’accouchement, car les rĂ©-hospitalisations en urgence sont difficiles, les Samu et pompiers Ă©tant saturĂ©s. Â»

Les entrĂ©es ont diminuĂ© de 80 %. Les IVG sont sanctuarisĂ©es, mais dĂ©sormais concentrĂ©es sur le site du CMCO, Ă  Schiltigheim. « CĂŽtĂ© patientes, si une femme est proche du dĂ©lai lĂ©gal lors de sa demande d’IVG, et qu’elle doit encore attendre quatorze jours pour l’opĂ©ration parce qu’elle est dĂ©clarĂ©e positive au Covid et en confinement strict, une IMG lui sera ensuite proposĂ©e. Nous n’avons aucun Ă©tat d’ñme Ă  ce sujet », assume fermement la coordinatrice.

FORMATIONS ACCÉLÉRÉES

De trÚs nombreux documents et mails ont été diffusés dans le service, pour partager les nouvelles mesures au plus vite et permettre à tous de se former en accéléré. Les HUS ont édité une fiche avec des liens de vidéos expliquant comment mettre et Îter les différents types de masques, les surblouses et les gants de protection nécessaires au contact de patients Covid-positifs.

Des vidĂ©os – partagĂ©es entre diffĂ©rents hĂŽpitaux dans le monde – apprennent aux soignants Ă  s’habiller de façon adĂ©quate avant d’entre en contact avec des patients Covid+.

Comment pratiquer le test de Guthrie d’une patiente positive et laisser sĂ©cher le buvard dans la chambre dĂ©diĂ©e, comment s’habiller complĂštement pour la dĂ©sinfection de la chambre, quand considĂ©rer qu’une patiente n’est plus contaminante
 Les moindres dĂ©tails ont Ă©tĂ© pensĂ©s. Par exemple, le dossier mĂ©dical d’une patiente positive au Covid doit ĂȘtre sorti de sa chambre moyennant d’infinies prĂ©cautions. Il doit ĂȘtre mis par le soignant sortant dans une grande enveloppe kraft, maintenue ouverte par un collĂšgue extĂ©rieur. L’enveloppe est scellĂ©e, Ă©tiquetĂ©e de façon spĂ©cifique, pour n’ĂȘtre ouverte que 24 heures plus tard.

La rĂ©duction des consultations et des durĂ©es de sĂ©jour a permis d’affecter plusieurs sages-femmes sur des lignes d’astreinte Ă  domicile. L’objectif est de pallier l’absentĂ©isme imprĂ©vu et d’avoir des renforts en cas d’accueil d’une ou plusieurs patientes Covid-19. CĂŽtĂ© mĂ©dical, une garde en trois lignes a Ă©tĂ© prĂ©vue, la troisiĂšme Ă©tant d’astreinte Ă  domicile la nuit et le week-end. La nuit, une ligne d’aides-soignantes a Ă©tĂ© ajoutĂ©e. Elles sont donc trois, au lieu de deux, pour assurer le bio-nettoyage poussĂ© des chambres, trĂšs chronophage en temps de Covid.

En journĂ©e, une sage-femme « rĂ©fĂ©rente Covid-19 Â» a Ă©tĂ© chargĂ©e de former sur le terrain l’équipe de garde de mĂ©decins, sages-femmes, aides-soignantes et auxiliaires de puĂ©riculture, de faire connaĂźtre les protocoles et de rĂ©aliser les prĂ©lĂšvements Covid-19 si besoin.

« Nous devons ĂȘtre vigilants sur le fait que des patientes peuvent avoir Ă  la fois une pathologie et le Sars-Cov2, les deux pouvant donner de la fiĂšvre, tĂ©moigne Nadine Knezovic. Les rĂ©fĂ©rentes rappellent ce genre d’informations partout et tout le temps. Â» Sur les deux sites, de jour comme de nuit, des Ă©tudiantes sages-femmes de 4e et 5e annĂ©e rappellent les protocoles.

« Elles ont Ă©tĂ© bĂ©nĂ©voles et volontaires, venues au pied levĂ© en 24 heures, poursuit la coordinatrice du pĂŽle, qui souhaite leur rendre hommage. MĂȘme les mĂ©decins soulignent combien elles sont prĂ©cieuses ! Leur mission est d’ĂȘtre vigilantes sur tous les petits dĂ©tails : rappeler le port du masque aux patientes ou aux soignants, demander si le compagnon a des symptĂŽmes ou non. L’une d’elles a signalĂ© que certains matĂ©riels restaient entreposĂ©s dans des box de consultation. Or, il faut les sortir, car ils sont exposĂ©s et risquent d’ĂȘtre contaminĂ©s. Un contrĂŽle qualitĂ©, en somme. Ces dĂ©tails rassurent les Ă©quipes et les Ă©tudiantes se sentent utiles. Cette crise rĂ©vĂšle les vraies personnalitĂ©s. Les gens bien deviennent extraordinaires. Les autres rĂ©vĂšlent leurs facettes dans toute leur splendeur. Mais ce n’est pas le moment de rĂ©gler des comptes et la colĂšre exutoire ne sert Ă  rien. »

HÔPITAL-CLUSTER

MalgrĂ© toutes les prĂ©cautions prises, les HUS sont devenus un foyer du virus. Le vendredi 20 mars, une note interne du service entĂ©rinait que l’hĂŽpital Ă©tait considĂ©rĂ© comme une zone Ă  risque majeur, Ă  Ă©viter. Les soignants ont alors rĂ©alisĂ© qu’ils Ă©taient devenus eux-mĂȘmes contaminants ou contaminĂ©s. Car, comme partout sur le territoire, il Ă©tait impossible de connaĂźtre le statut viral exact des soignants et des patients en temps rĂ©el.

Malgré les précautions prises dans tous les hÎpitaux de France, des soignants contractent le virus. © DR

« Les malades sont arrivĂ©s trĂšs vite dans le Grand-Est, alors que nous n’avions pas tout compris les premiers jours. Depuis, on nous garantit que les stocks sont suffisants, mais l’approvisionnement n’est pas fluide. Et nous ne sommes pas certains que nous en aurons jusqu’au bout de la crise Â», s’inquiĂšte Nadine Knezovic.

En rĂ©alitĂ©, les consignes de protection au niveau national tiennent alors dĂ©jĂ  compte de la pĂ©nurie. « Les premiers temps, les soignants ont eu un seul masque chirurgical pour une garde de douze heures. Ce n’est qu’en cas de contact avec des patientes infectĂ©es, pour les soins en chambre ou Ă  l’accouchement, qu’ils portent un FFP2, tĂ©moigne Nadine Knezovic. Nous devons absolument penser nos organisations en termes de limitation des contacts, d’autant que nous avons appris que le virus demeure sur des matiĂšres inertes ! La dĂ©sinfection de nos tĂ©lĂ©phones, de nos bureaux, stylos, etc., est impossible Ă  tenir en permanence. J’ai demandĂ© aux Ă©quipes de ne plus porter de bijoux, boucles d’oreilles ou collier qui risquent de recevoir des projections de patients ou de soignants dont on ignore le statut virologique. Je me change dans mon garage tous les soirs en rentrant, je nettoie mes vĂȘtements et me lave. Je sais que je risque d’ĂȘtre malade. Jamais je n’aurais pensĂ© dire Ă  des sages-femmes libĂ©rales, Ă  des patientes ou Ă  des caissiĂšres que les masques en tissu valent mieux que rien, quand on n’a rien. Je ne pensais pas qu’on en arriverait lĂ  ! »

CAS GRAVES EN SÉRIE

Entre le jeudi 19 et le vendredi 20 mars, les maternitĂ©s des HUS ont Ă©tĂ© parmi les premiĂšres Ă  ĂȘtre confrontĂ©es Ă  une succession de cas graves de Covid-19 chez des femmes enceintes. Une premiĂšre femme a accouchĂ© sans complication, avant de faire une dĂ©tresse respiratoire. « Elle a Ă©tĂ© testĂ©e nĂ©gative au Covid, mais on sait qu’entre 20 % et 30 % des tests sont des faux nĂ©gatifs Â», constate, amĂšre, Nadine Knezovic.

Puis, quatre femmes ont nĂ©cessitĂ© une cĂ©sarienne en urgence. « L’état de ces patientes s’est dĂ©gradĂ© trĂšs vite, subitement, alors qu’elles Ă©taient tranquilles Ă  la maison, tĂ©moigne Philippe Deruelle, surpris par la rapiditĂ© de la situation. Des mĂšres plutĂŽt ĂągĂ©es, au-delĂ  de 40 ans, certaines prĂ©sentant des comorbiditĂ©s, comme de l’asthme ou une obĂ©sitĂ©. Ces formes graves nous demandent une grande mobilisation et du temps, car tout le monde doit ĂȘtre habillĂ© en consĂ©quence au bloc. Outre la cĂ©sarienne en urgence, il faut les placer en rĂ©animation, avec un nouveau-nĂ© parfois prĂ©maturĂ© Ă  gĂ©rer en nĂ©onatologie. C’est trĂšs compliquĂ©. »

DĂšs l’aprĂšs-midi du vendredi 20 mars, le chef de pĂŽle a alors dĂ©cidĂ© de consacrer le site de Hautepierre aux grossesses Ă  haut risque, pour des femmes porteuses ou non du Covid. Depuis cette date, les accouchements Ă  bas risque sont transfĂ©rĂ©s vers le site du CMCO et vers des Ă©tablissements publics ou privĂ©s partenaires du rĂ©seau pĂ©rinatal « NaĂźtre en Alsace ». Autant que possible, le site du CMCO Ă©vite de prendre en charge des patientes Covid+, mais accepte bien sĂ»r une patiente positive qui arrive en travail. « Il ne faut pas hĂ©siter Ă  ĂȘtre radical devant ce virus, estime Philippe Deruelle, qui s’interroge par ailleurs. Cette succession de cas graves est-elle due au hasard ou Ă  la statistique ? Comme nous accueillons chaque annĂ©e prĂšs de 6000 naissances, il est probable que nous ayons plus de cas graves liĂ©s au Covid en obstĂ©trique que le CHU de Mulhouse, qui n’en a connu aucun, mais dont les services de rĂ©animation sont pourtant saturĂ©s. »

Pour les responsables du pĂŽle, cette cascade d’évĂ©nements a trĂšs vite laissĂ© prĂ©sager un pic de patientes en Ă©tat grave d’ici une semaine Ă  dix jours en maternitĂ©. Et davantage de cĂ©sariennes. Durant le week-end du 21 au 22 mars : nouvelles rĂ©unions de crise et nouvelles nuits blanches de rĂ©flexion. Le dimanche 22 mars, Nadine Knezovic a appris le dĂ©cĂšs de son collĂšgue et ami Jean-Marie Boegle, de la clinique de Diaconat-Fonderie de Mulhouse, le premier obstĂ©tricien mort du Covid. « Nous savons que des personnes de notre entourage peuvent ĂȘtre touchĂ©es », dit-elle, stoĂŻque dans sa peine. Dans la nuit, une cinquiĂšme patiente en dĂ©tresse respiratoire a accouchĂ©, par voie basse cette fois.

SÉCURISER LES ÉQUIPES

Nadine Knezovic se dit alors en « mode combat, gardant la tĂȘte froide, cherchant Ă  rĂ©gler les problĂšmes de façon concentrique, pour sĂ©curiser les Ă©quipes au maximum, sans avoir le temps d’ĂȘtre en colĂšre ».

Le lundi 23 mars, la proposition des mĂ©decins anesthĂ©sistes-rĂ©animateurs est validĂ©e : ils demandent de mettre en place, dans le secteur des salles de naissance, une salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) pour les futures femmes malades du Covid qui devront ĂȘtre cĂ©sarisĂ©es.

« Nous allons avoir plus de cĂ©sariennes dans les prochains jours, explique la coordinatrice. Or, les salles de SSPI classiques ont Ă©tĂ© transformĂ©es en salles de rĂ©animation pour tous les malades et nous prĂ©fĂ©rons garder les femmes dans le secteur naissance. Avec ce virus, tous nos systĂšmes habituels sont dĂ©bordĂ©s en cinq minutes, alors qu’ils Ă©taient dĂ©jĂ  chargĂ©s en temps normal. Jamais je n’aurais cru plaider pour une salle de rĂ©veil en salle de naissance. J’y avais toujours Ă©tĂ© opposĂ©e ! »

D’autres changements sont souhaitĂ©s. Jusque-lĂ , les consultations d’échographie Ă©taient maintenues. Mais les responsables du pĂŽle veulent rĂ©duire leur nombre pour les patientes Ă  bas risque au troisiĂšme trimestre. LĂ  encore, il s’agit de limiter les contacts pour les mĂ©decins et les femmes et de rĂ©cupĂ©rer du temps de sages-femmes pour les orienter vers d’autres services d’obstĂ©trique. Il a fallu 48 heures pour les convaincre. « Cet examen ne sert pas Ă  grand-chose pour les femmes Ă  bas risque, explique Nadine Knezovic. Ces Ă©chographies du troisiĂšme trimestre sont bien sĂ»r maintenues pour les femmes de plus de 42 ans, en cas de retard de croissance du fƓtus ou dans d’autres situations spĂ©cifiques. Â»

Philippe Deruelle souligne Ă  prĂ©sent les Ă©lĂ©ments positifs. « Nous comprenons mieux le virus au fil des jours. Notre direction nous soutient et les Ă©quipes de mĂ©decins, d’encadrement, de soignants et d’Ă©tudiants sont extraordinaires ! Â», tient-il Ă  souligner. Il met surtout l’accent sur la plus grande vigilance de son service devant toute complication : « Notre objectif est de ne pas surcharger les services de rĂ©animation. Classiquement, nous attendons parfois en cas de prĂ©-Ă©clampsie, lĂ , nous trancherons plus vite. De la mĂȘme façon, nous serons encore plus vigilants pour prĂ©venir une hĂ©morragie de la dĂ©livrance. Nous ne pouvons nous permettre aucune mauvaise dĂ©cision. »

L’équipe de mĂ©decins et de cadres, prĂ©sente douze heures par jour, a tentĂ© d’anticiper les besoins. Comme par exemple, l’organisation des liens avec les sages-femmes libĂ©rales. Car depuis le 16 mars, la Caisse primaire d’assurance maladie a arrĂȘtĂ© de gĂ©rer administrativement les sorties de maternitĂ© avec un relais en ville, dans le cadre du Prado. Les HUS ont donc pris le relais. Une sage-femme cadre enceinte, confinĂ©e Ă  son domicile, s’est chargĂ©e de faire la liste des sages-femmes en activitĂ©, ces derniĂšres Ă©tant aussi confrontĂ©es Ă  de multiples contraintes du fait de l’épidĂ©mie et de la dĂ©sorganisation du systĂšme de santĂ© (lire ici).

Avec un dĂ©bit accĂ©lĂ©rĂ©, le dimanche 22 mars, la sage-femme coordinatrice du pĂŽle listait les nombreuses tĂąches de l’équipe d’encadrement : « D’ici la fin de la semaine, nous devons nous occuper de dĂ©velopper les hospitalisations Ă  domicile pour les sorties de maternitĂ© des femmes atteintes par le Covid, envisager comment les Ă©quiper en masques, car elles doivent en porter pour s’occuper de leur bĂ©bĂ©. Et quand il n’y aura plus de sages-femmes hospitaliĂšres disponibles parce que nous serons dĂ©bordĂ©s, les libĂ©rales devront sans doute prendre le relais. Par ailleurs, sur 44 lits, nous n’avons que 20 lits occupĂ©s en moyenne, comme nous avons rĂ©duit la voilure. Nous allons sans doute devoir rouvrir un secteur pour les femmes Covid-19 cĂ©sarisĂ©es, selon leur degrĂ© de stabilitĂ©. » Et il fallait encore solutionner la question de la photothĂ©rapie en hĂŽpital de jour, pour les nouveau-nĂ©s ayant une jaunisse


AVERTIR LES COLLÈGUES, RASSURER LES PATIENTES

TrĂšs tĂŽt confrontĂ©s au Covid-19, Philippe Deruelle et Nadine Knezovic ont eu Ă  cƓur d’informer et de sensibiliser leurs collĂšgues obstĂ©triciens et sages-femmes d’autres Ă©tablissements. Ils informent ou alertent depuis le 16 mars. « Nous Ă©changeons abondamment, via plusieurs canaux, forums ou groupes sur les rĂ©seaux sociaux, tĂ©moigne Philippe Deruelle. Et nous savons dĂ©sormais qu’il faut ĂȘtre trĂšs vigilants face au risque d’aggravation rapide des malades en dĂ©tresse respiratoire, dont l’oxygĂ©no-dĂ©pendance s’accentue. Â»

Nadine Knezovic abonde : « Nous avons mis en garde nos collĂšgues de rĂ©gions moins touchĂ©es que le Grand-Est, pour qu’ils en fassent deux fois plus. Les coordinatrices rigides, qui ne sortent pas de leur cadre de rĂ©fĂ©rence, ne tiendront pas. Nous ne sommes plus dans un monde normal. Si plus tard on me dit que nous en avons trop fait, je n’aurais pas de regret pour autant. » Un webinar a Ă©tĂ© programmĂ© pour le vendredi 27 mars par le professeur Deruelle, pour partager l’expĂ©rience de Strasbourg avec d’autres soignants. Quelques jours avant la date, il Ă©tait dĂ©jĂ  complet.

En parallĂšle, l’obstĂ©tricien comme la sage-femme ont continuĂ© Ă  rassurer les patientes. DĂšs le dĂ©but du confinement, les rĂ©seaux sociaux ont fait Ă©tat de maternitĂ©s n’acceptant plus aucun accompagnant Ă  l’accouchement. Les femmes sont trĂšs inquiĂštes, des rumeurs circulent et les sages-femmes Ă©changent les informations sur les protocoles de leurs maternitĂ©s respectives.

« Ă€ Strasbourg, nous nous battons encore pour autoriser la prĂ©sence d’un seul accompagnant en salle d’accouchement, assure Nadine Knezovic. À condition qu’il soit asymptomatique et qu’il accepte les rĂšgles d’hygiĂšne plus draconiennes, que nous prenons le temps de lui expliquer. Ce sera la seule entorse Ă  tous nos principes de prĂ©caution, tant que nous pourrons le faire. Car il est primordial qu’une femme enceinte soit accompagnĂ©e si c’est son souhait. On doit prĂ©server, tant que possible, le sentiment de sĂ©curitĂ© de la femme et les premiers liens familiaux. Â»

Philippe Deruelle, chef du pÎle de gynécologie-obstétrique, relaie en direct les informations sur les réseaux sociaux, pour informer ses collÚgues, faire un point sur les fakenews

D’autres rumeurs laissent entendre qu’en raison de la crise du Covid-19, les hĂŽpitaux pourraient ne plus assurer les IVG. Laurence Rossignol, sĂ©natrice de l’Oise et ancienne ministre, dĂ©pose mĂȘme un amendement le jeudi 19 mars pour rallonger le dĂ©lai lĂ©gal pour pratiquer un avortement. Cet amendement est rejetĂ© le lendemain par le ministre de la SantĂ©, Olivier VĂ©ran, et la ministre du Travail, Muriel Penicaud. De son cĂŽtĂ©, Philippe Deruelle doit rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© face au fakenews.

Pour faire circuler l’information et inciter d’autres Ă©tablissements Ă  faire de mĂȘme, Philippe Deruelle a pris la peine de publier sur LinkedIn et Twitter le protocole des HUS concernant les accouchements, de mĂȘme qu’un questions-rĂ©ponses pour les femmes enceintes.

Les Ă©quipes du professeur ont par ailleurs rĂ©alisĂ© deux vidĂ©os expliquant les manifestations cliniques observĂ©es, les modalitĂ©s de prise en charge des grossesses, de l’accouchement et de la pĂ©riode du post-partum, et prodiguant des conseils importants aux futures mamans.

Les HUS mettent des vidĂ©os d’information Ă  disposition des femmes enceintes.

« Ă€ toutes nos patientes, nous expliquons que leur accouchement va se dĂ©rouler dans des circonstances particuliĂšres, nous les rassurons sur nos rĂšgles de sĂ©curitĂ© et d’hygiĂšne, leur assurons qu’une sage-femme sera auprĂšs d’elles comme pour tout accouchement, insiste Nadine Knezovic. Nous expliquons pourquoi le compagnon ne peut rester en suites de couches. Nous tentons de les maintenir dans leur bulle de femmes enceintes en les rassurant, pour leur bien-ĂȘtre. »

« L’HÔPITAL SERA NOYÉ »

À nos confrĂšres du Point, le directeur des HUS, Christophe Gautier, confiait en milieu de journĂ©e, le mercredi 25 mars, que 280 des 12 500 salariĂ©s de l’ensemble des services avaient contractĂ© le virus et ne pouvaient plus venir travailler. Un chiffre chaque jour en augmentation.

Le jeudi 26 mars, dans le pĂŽle de gynĂ©cologie-obstĂ©trique, le service d’hospitalisation en onco-gynĂ©cologie a Ă©tĂ© fermĂ© sur le site du CMCO et regroupĂ© sur celui d’Hautepierre. « Il s’agissait d’avoir du personnel disponible ailleurs, prĂ©cise Nadine Knezovic le lendemain. Les infirmiĂšres du service vont ĂȘtre formĂ©es en urgence pour pouvoir intervenir dans le service de rĂ©animation, oĂč il manque du monde. Des sages-femmes sont volontaires aussi pour suivre cette formation et Ă©pauler leurs collĂšgues. » Le matĂ©riel manque. Les blouses dĂ©perlantes ont Ă©tĂ© rĂ©servĂ©es au service de rĂ©animation tandis qu’en obstĂ©trique, les soignants portent une blouse classique et un tablier au contact des femmes Covid-positives.

Vendredi 27 mars, le pĂŽle de gynĂ©cologie-obstĂ©trique comptait 3 mĂ©decins testĂ©s positifs de mĂȘme que 7 sages-femmes. Et 8 sages-femmes Ă©taient en Ă©viction, dans l’attente du rĂ©sultat de leur test. À ce jour, 28 femmes malades du Covid ont Ă©tĂ© suivies aux HUS. Parmi elles, quatre ont accouchĂ© sans complication et sont rentrĂ©es chez elle. Mais six ont dĂ» ĂȘtre cĂ©sarisĂ©es et hospitalisĂ©es en rĂ©animation pour dĂ©tresse respiratoire. Cinq d’entre elles ont vite rĂ©cupĂ©rĂ© et en sont sorties. La sixiĂšme Ă©tait toujours en rĂ©animation, cinq jours aprĂšs son admission.

« La panique ne sert Ă  rien et peut ĂȘtre dĂ©lĂ©tĂšre pour les patients, assure Nadine Knezovic. Nous sommes dĂ©sormais prĂȘts avec ce que les Ă©quipes de mĂ©decins et soignants, rĂ©actifs, dĂ©vouĂ©s et hyper adaptables, ont mis en place. Nos mĂ©decins de nuit ont Ă©tĂ© formĂ©s pour pratiquer les prĂ©lĂšvements et tests sur les femmes suspectĂ©es de Covid et l’organisation permet dĂ©sormais de recevoir plusieurs patientes symptomatiques Ă  la fois. Mais que ferions nous si 50 % de nos Ă©quipes Ă©taient elles-mĂȘmes malades ? Chacun viendra travailler s’il est valide et s’il n’excrĂšte pas. Quand nos lignes successives tomberont, qui prendra la relĂšve ? MalgrĂ© ce stress, dĂ©sormais, en obstĂ©trique, les Ă©quipes sont rassurĂ©es et la situation est stabilisĂ©e. Au prix de toutes ces rĂ©organisations en profondeur, nous sommes en mesure de faire face et de prendre en charge les complications. »

Le TGV mĂ©dicalisĂ©, qui a permis le transfert de vingt patients Ă  Angers le jeudi 26 mars, et l’accueil de patients dans en Ă©tat grave en Allemagne, ont un peu soulagĂ© les services de rĂ©animation. MalgrĂ© cela, ce vendredi 27 mars, les capacitĂ©s dans le service de rĂ©animation arrivent Ă  saturation. « Les malades arrivent en masse en rĂ©animation. Les chiffres indiquĂ©s par nos cellules de crise donnent des fourchettes basses et hautes du pic qui pourrait ĂȘtre atteint en rĂ©animation dans quelque temps. MĂȘme la fourchette basse est dix fois supĂ©rieure Ă  nos capacitĂ©s sur le Grand-Est. Le delta, ce sera le nombre de dĂ©cĂšs Â», tĂ©moigne Nadine Knezovic. « Nous redoutons les choix Ă©thiques au sein du service de rĂ©animation, poursuit Philippe Deruelle. Nous savons que les femmes enceintes seront prioritaires, car la grossesse est sanctuarisĂ©e et que ces patientes ont de grandes chances de s’en sortir. Mais au dĂ©triment de qui ? Â»

Entretiens réalisés entre le vendredi 15 et le vendredi 27 mars 2020