Comment est née l’idée de CoPa ?
C’est un projet que j’avais en tête depuis 2016. Je réfléchissais à un système qui permette un meilleur accompagnement des mères et des couples en post-partum, adapté à notre culture. Il ne s’agissait pas de se substituer au Prado, encore en place, mais d’aller plus loin. Le projet a été pensé avant que la commission des 1000 premiers jours de l’enfant ne soit constituée. Le programme CoPa n’est qu’une brique dans un parcours périnatal et pourrait s’insérer, à terme, et selon des modalités à définir, dans le cadre de la politique des 1000 premiers jours.
Dans différents pays, le portage familial de la jeune accouchée et des jeunes parents est très important. Ce soutien s’est réduit en France pour de multiples raisons historiques et culturelles. Alors que la durée moyenne de séjour est aujourd’hui plus courte, la sortie de la maternité à J3 ou J5 tombe en pleine phase d’adaptation de la mère. En maternité, cela laisse peu de temps aux professionnels pour informer les femmes et ces dernières ne sont pas en mesure de tout intégrer. Les informations sont souvent données par paquets et les femmes ont encore des questions ensuite, une fois confrontées seules à la réalité de leur enfant. Par ailleurs, les pères, qui ont un congé paternité plus long, sont aussi perdus et ont besoin de soutien. De nombreux parents apprennent à se débrouiller par des tutos vidéos, mais, en pratique, ils apprécient l’accompagnement en présentiel par une professionnelle. D’autres parents ne vont pas chercher les informations. Le binôme sage-femme/auxiliaire de puériculture m’a paru pertinent pour accompagner les parents à leur retour à domicile. Il s’agit de créer un dialogue et de s’adapter à leurs besoins, de les conseiller, tout en leur donnant confiance dans leur rôle. Cela passe donc par une information de base sur les compétences et l’éveil du nouveau-né, son besoin d’être porté et de communiquer. Ces actions d’information et de prévention renforcent l’attachement et le lien entre les parents et l’enfant.
Le projet permet-il de mieux dialoguer entre la ville et l’hôpital ?
L’hôpital reste support, tout comme la cellule de pilotage des projets entrant dans le cadre de l’article 51 de l’agence régionale de santé. Nous espérons constituer sur notre territoire une seule équipe périnatale, sans forcément passer par une communauté des professionnels territoriale de santé (CPTS). Le projet CoPa est fédérateur. Son comité de pilotage réunit la PMI, les sages-femmes libérales et les directions et agents des hôpitaux.
Comment voyez-vous la place de la sage-femme libérale dans CoPa ?
J’estime que la sage-femme libérale demeure au centre. Chaque femme doit avoir rencontré sa sage-femme libérale au moins une fois en anténatal. Les auxiliaires de puériculture hospitalières ont pour consigne d’adresser les femmes vers la sage-femme libérale, et non vers l’hôpital, en cas de soucis d’allaitement ou de problème médical. C’est bien la sage-femme, professionnelle médicale, qui a le plus de responsabilité juridique.
Sur ce point, le projet a suscité des réticences au départ, car chaque corps professionnel avait peur que l’autre n’empiète sur ses missions. Or les rôles sont clairs et distincts. Les sages-femmes libérales assurent le suivi médical en post-partum. Elles ont moins l’habitude que les auxiliaires de puériculture d’aborder les questions d’éveil du nouveau-né, de prévention face aux écrans… Les intervenants de la PMI n’ont pas la possibilité de proposer tout cela dans notre territoire, faute d’effectifs suffisants. L’objectif était donc de dédier les auxiliaires de puériculture hospitalières à cet accompagnement, tout en leur demandant de faire un relais personnalisé avec une puéricultrice de PMI ensuite. C’est aussi une façon de prolonger en ville le binôme sage-femme/auxiliaire de puériculture qui existe en maternité.
Si le programme CoPa venait à être généralisé au niveau national, comme l’envisage l’expérimentation, le débat sur le rôle de chaque professionnel ressurgira. Pour la minorité de femmes qui bénéficient d’un suivi global par une sage-femme (avec un accouchement à domicile, en maison de naissance ou en plateau technique, NDLR), il ne sera pas question d’introduire une auxiliaire de puériculture si la femme ou la sage-femme ne le souhaite pas, par exemple. Mais pour la majorité, il serait important d’assurer un accompagnement des parents avec un programme qui réponde à leurs besoins.
■ Nour Richard-Guerroudj