L’article L1111-2 du Code de la santé publique dispose :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. (…) » |
Le respect du consentement éclairé du patient fait partie de ses droits fondamentaux.
Afin d’obtenir un consentement éclairé du patient, pour chaque acte médical, le professionnel de santé doit lui délivrer une information loyale, claire et adaptée à son degré de compréhension.
L’information du patient est donc l’étape indispensable, fondamentale et préalable à tout acte médical.
La délivrance de l’information est bien souvent un automatisme. Mais en cas de mise en cause de sa responsabilité dans le cadre d’une procédure judiciaire, la sage-femme doit pouvoir prouver qu’elle a fourni à la patiente les informations nécessaires, et ce n’est pas toujours aisé, dans une pratique quotidienne, de penser à se protéger en faisant figurer au dossier des patientes les informations délivrées.
Le contenu de l’obligation d’information
Avant chaque acte médical, le patient doit recevoir une information portant sur les risques « normalement prévisibles », c’est-à-dire connus au regard de l’état de la science, parce qu’ils sont« graves » ou parce qu’ils sont« fréquents ». Concrètement, seuls les risques exceptionnels sans gravité échappent finalement à l’obligation d’information.
Les risques « graves » sont les risques « de nature à avoir des conséquences mortelles, invalidantes ou même esthétiques graves compte tenu de leurs répercussions psychologiques ou sociales. La notion de conséquence invalidante doit s’entendre comme celle qui aboutit à la perte ou à la forte diminution d’une fonction (perte totale ou partielle de la vue, du goût, de l’usage d’un ou plusieurs membres, du contrôle des fonctions urinaires ou fécales, de la sexualité…) ».
La sage-femme doit délivrer une information qui prend en compte la situation de la patiente, dans ses dimensions psychologiques, sociales et culturelles. Elle porte tant sur des éléments généraux que sur des éléments spécifiques, tenant compte des connaissances médicales avérées :
• l’état de santé de la personne et son évolution le plus souvent observée.
• la description, le déroulement et l’organisation des investigations, des soins, des actes envisagés et l’existence ou non d’une alternative ; leurs objectifs, leur utilité, leur degré d’urgence ; les bénéfices escomptés ; les suites, les inconvénients, les complications et les risques fréquents ou graves habituellement prévisibles ; les conseils à la personne et les précautions qui lui sont recommandées ;
• le suivi et ses modalités en fonction des solutions envisagées.
Il est essentiel de présenter les différents choix possibles, pour permettre à la personne de se représenter les enjeux de sa décision, quelle qu’elle soit.
L’information autour de l’accouchement
En ce qui concerne par exemple l’information autour de l’accouchement par voie basse, jusqu’en 2019, la jurisprudence considérait que l’accouchement par voie basse étant un processus naturel et non un acte médical, le fait de ne pas informer une patiente sur son déroulement et les risques encourus lors d’un tel accouchement n’était pas une faute.
Depuis 2019, les juges décident que « la circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas le professionnel de santé de l’obligation d’information ».
Le professionnel qui suit la grossesse et prépare à l’accouchement doit notamment informer la femme enceinte des risques de l’accouchement par voie basse lorsque son état de santé, celui du fœtus ou ses antécédents médicaux entrainent une majoration des risques (diabète gestationnel, utérus cicatriciel, macrosomie fœtale…)
En clair : une obligation d’information existe en matière d’accouchement par voie basse, mais elle n’est pas systématique. Celle-ci ne sera obligatoire que lorsque la mère et l’enfant sont exposés à des risques particuliers. |
Dans cette décision de la Cour de cassation, la patiente avait accouché d’un enfant macrosome qui a gardé des séquelles d’une lésion du plexus brachial suite à une dystocie des épaules. Les juges ont considéré que la patiente aurait dû être informée des risques particuliers de l’accouchement par voie basse en raison de la macrosomie de son enfant. Elle aurait ainsi pu prendre, en connaissance de cause, la décision de choisir d’accoucher par voie basse ou par césarienne.
L’information au cours de la pratique courante
Pour les consultations de pratique courante (contraception, IST, pose de DIU, frottis, examens courants de la grossesse type HGPO, marqueurs sériques, PV de fin de grossesse…), les informations à donner sont nombreuses.
D’après la législation et les recommandations de la HAS notamment, ces informations doivent être délivrées oralement, au cours d’un entretien, pendant lequel la patiente peut être accompagnée si elle le souhaite. Cet entretien oral permet d’adapter l’information à la patiente, en fonction de son âge, de sa personnalité et de ses capacités, et de répondre aux éventuelles questions.
La difficulté est qu’en cas de réclamation de la patiente, si elle estime ne pas avoir bénéficié d’une information loyale, claire et appropriée, c’est la sage-femme qui devra apporter la preuve de la bonne délivrance de l’information.
Lorsque les échanges sont uniquement oraux, il peut être compliqué de démontrer non seulement la réalité de l’information, mais également la qualité de cette dernière.
Il peut donc être intéressant d’établir une « routine » lors des consultations et de systématiquement mentionner sur le dossier les informations délivrées à la patiente. Quelques mots suffisent, la mention du fait que l’information a été délivrée, d’un délai de réflexion, d’une question posée par la patiente.
En ce qui concerne les examens de routine de la grossesse et les consultations de contraception par exemple, des documents explicatifs peuvent être remis à la patiente, reprenant les informations essentielles sur les objectifs des examens, leur utilité, leur degré d’urgence ; les bénéfices escomptés ; les suites, les inconvénients, les complications et les risques fréquents ou graves habituellement prévisibles ; les conseils et précautions à prendre.
Les documents remis ne constituent pas automatiquement une preuve que l’information a bien été délivrée, mais ils peuvent être utiles pour la patiente et permettent à la sage-femme d’aborder les différents éléments essentiels, en ayant une trace dans le dossier médical.
Par exemple, dans le cadre d’une consultation sur la contraception et les IST, la sage-femme peut remettre des documents sur les différents types de contraception en les présentant à sa patiente. Si la patiente l’interroge plus particulièrement sur la pilule et l’implant, la sage-femme peut noter au dossier « documents contraception remis et expliqués » « questions pilule et implant – réponses et explications sur l’oubli – fonctionnement implant et effets secondaires ». |
Idem pour les examens courants de grossesse (HGPO, marqueurs sériques, PV de fin de grossesse…) ou hors grossesse (FCV…) : la sage-femme peut remettre des documents d’information, en donnant oralement les explications habituelles, et noter au dossier « document d’information remis » « explications données » « questions/réponses sur les effets du diabète gestationnel, sur la marche à suivre en cas de PV positif ». |
La préparation de ces documents à remettre est bien sûr un investissement en temps important en amont, et il faut les mettre à jour. Mais cela permet de délivrer une information pérenne aux patientes et d’établir un commencement de preuve que la sage-femme a bien délivré les informations nécessaires.
Marie Josset-Maillet, juriste
* Rapport de P. Sargos, Cour de cassation.
** Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 janvier 2019, 18-10.706
*** Délivrance de l’information à la personne sur son état de santé (Recommandations de bonne pratique – 2012)