Stéphanie Freisse, On est un peu sorcières…

Stéphanie est sage-femme libérale à Rambouillet depuis 18 ans. Avant cela, elle a été 15 ans hospitalière, dont 12 ans à l’hôpital Antoine-Béclère, puis 3 ans à Rambouillet. Pour Profession Sage-Femme, elle revient sur son parcours

Pourquoi sage-femme ?

Pendant la guerre, ma grand-mère s’était mise à accoucher les dames du coin dans le Cotentin. Elle était totalement autodidacte. Dans son village de pêcheurs, quand quelqu’un se blessait, c’était elle qui soignait. On venait la chercher quand un bonhomme se fichait un hameçon dans le pied, se coupait ou quand il y avait des piqûres à faire. Elle avait acheté une seringue en verre qu’elle faisait bouillir. Je ne sais pas où elle avait appris tout ça. On est un peu sorcières dans la famille (rires). Et puis ma mère parlait souvent de la sage-femme qui l’avait accouchée, une femme merveilleuse, disait-elle. Il y avait une photo d’elle à la maison, avec moi dans les bras. Ma vocation vient peut-être de là ! J’ai su que je voulais être sage-femme dès la classe de cinquième. À 12 ans, j’étais en vacances chez mon oncle pédiatre, quand je lui ai dit :
— Tonton, fais comme tu veux mais pendant mes vacances chez toi, je veux faire une garde avec une sage-femme.
Il a ouvert des yeux ronds et m’a répondu :
— Mais ça va pas la tête ? Tu es bien trop petite !
— T’es mon parrain, ça sert à ça un parrain !
Le lendemain il est revenu et m’a dit :
— Je t’ai arrangé le coup. Normalement tu n’as pas le droit de rentrer dans une salle d’accouchement. Ce soir, je t’emmène à 22 heures avec une sage-femme qui veut bien que tu passes la nuit avec elle, et je viens te chercher demain à 7 heures avant l’arrivée de la surveillante.
Donc, j’ai passé la nuit avec la sage-femme, j’ai vu deux accouchements. En rentrant chez lui, j’ai dit à mon parrain :
— Cette fois c’est sûr, c’est bien ça que je veux faire. Sauf les épisiotomies, je n’en ferai jamais !
Il m’a dit :
— Ok, mais on en reparlera pour l’épisiotomie.
J’étais très mauvaise en maths et physique et tous mes professeurs me poussaient vers les filières littéraires. Je me suis obstinée, j’ai redoublé ma première S exprès pour rester en filière scientifique. J’ai eu le concours du premier coup et je suis entrée à l’école Jeanne Sentubéry de Poissy. J’en suis sortie en 1991.

L’hôpital Antoine-Béclère

J’avais soif d’apprendre. Je voulais me frotter aux grosses pathologies. Je me suis battue pour travailler à Antoine-Béclère à Clamart, maternité de niveau 3. Je les ai harcelés et ils m’ont prise. J’y suis restée douze ans, aux côtés d’une personne hors du commun, le professeur René Frydman. Pour rappel, il a été le premier à réaliser une fécondation in vitro en France. Il a toujours été du côté des femmes et s’est engagé dans la lutte pour le droit à l’IVG, à l’époque du Manifeste des 343 salopes. Son livre Lettre à une mère
m’a beaucoup marquée. Je le conseille vivement à tout le monde. À Béclère, j’ai été servie côté pathologies, naissance de grands prématurés, interruptions thérapeutiques à tous les stades de la grossesse, etc. C’était extrêmement formateur. Il y avait une effervescence permanente. On baignait
dans les nouveaux protocoles, dans la recherche. Sans que je m’en rende vraiment compte, j’étais à la pointe du métier. Je m’en suis aperçue après, en arrivant à Rambouillet, une maternité de niveau 2 où accouchent des femmes aux grossesses plutôt normales.