Portrait

Stéphanie Freisse, On est un peu sorcières…

Pourquoi sage-femme ? Pendant la guerre, ma grand-mère s’était mise à accoucher les dames du coin dans le Cotentin. Elle était totalement autodidacte. Dans son village de pêcheurs, quand quelqu’un se blessait, c’était elle qui soignait. On venait la chercher quand un bonhomme se fichait un hameçon dans le pied, se coupait ou quand il y avait des piqûres à faire. Elle avait acheté une seringue en verre qu’elle faisait bouillir. Je ne sais pas où elle avait appris tout ça. On est un peu sorcières dans la famille (rires). Et puis ma mère parlait souvent de la sage-femme qui l’avait accouchée, une femme merveilleuse, disait-elle. Il y avait une photo d’elle à la maison, avec moi dans les bras. Ma vocation vient peut-être de là ! J’ai su que je voulais être sage-femme dès la classe de cinquième. À 12 ans, j’étais en vacances chez mon oncle pédiatre, quand je lui ai dit :— Tonton, fais comme tu veux mais pendant mes vacances chez toi, je veux faire une garde avec une sage-femme.Il a ouvert des yeux ronds et m’a répondu :— Mais ça va pas la tête ? Tu es bien trop petite !— T’es mon parrain, ça sert à ça un parrain !Le lendemain il est revenu et m’a dit :— Je t’ai arrangé le coup. Normalement tu n’as pas le droit de rentrer dans une salle d’accouchement. Ce soir, je t’emmène à 22 heures avec une sage-femme qui veut bien que tu passes la nuit avec elle, et je viens te chercher demain à 7 heures avant l’arrivée de la surveillante.Donc, j’ai passé la nuit avec la sage-femme, j’ai vu deux accouchements. En rentrant chez lui, j’ai dit à mon parrain :— Cette fois c’est sûr, c’est bien ça que je veux faire. Sauf les épisiotomies,...

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ce contenu est réservé aux abonnés formule numérique.
Already a member? Connectez-vous ici
Portrait

Isabelle Rauszer, sage-femme combative

Pourquoi sage-femme ? Je n’avais absolument pas ce que certains appellent « la vocation ». Après un baccalauréat scientifique, j’ai passé un Deug de mathématique/physique à l’université Paris 5 Jussieu sans connaître les débouchés dans ce domaine. C’est alors qu’une amie, étudiante en médecine, m’a parlé du métier de sage-femme et a même fait pour moi l’inscription au concours. Ma mère, qui n’avait jamais vu une sage-femme pour toutes ses grossesses, avait répondu à mon questionnement en me disant : « Une sage-femme, ça s’occupe des bébés. » J’ai très vite découvert que « les bébés » ne représentaient qu’une partie du métier !Mes études à l’hôpital Foch de Suresnes entre 1975 et 1978 sont restées dans mon souvenir comme trois ans de galère. L’encadrement policier, avec appel tous les matins, cahier d’absences et de retards, heures de colle, tenue avec port du voile (oui, le port du voile !), a été très difficile à supporter d’autant que j’avais connu le régime étudiant post-1968 de la faculté. Les sages-femmes en place, que je considérais plutôt comme des « matrones », étaient soumises à la toute-puissance du système médical qu’elles-mêmes imposaient aux patientes.Malgré un enseignement de grande qualité, la soumission à l’institution imposant des études infantilisantes m’a très vite ôté l’idée de continuer dans cette branche. Répétertoute ma vie « Poussez Madame, poussez ! » ne m’enthousiasmait pas.Mes réticences dans l’exercice de ce métier ont changé lorsque j’ai commencé à travailler à la Pitié-Salpêtrière en tant que remplaçante d’été en juillet 1978. L’accueil chaleureux au sein d’une équipe soudée m’a aidée à m’intégrer et à apprécier mon métier sous un angle différent. Et voilà que le fameux « bébé » de ma maman surgit à nouveau. Je découvre que le métier ne se résume pas à l’accouchement, il s’agit d’accompagner la...

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ce contenu est réservé aux abonnés formule numérique.
Already a member? Connectez-vous ici
Portrait

Valérie Dupouey, avec toute la bienveillance possible

Comment avez-vous choisi de devenir sage-femme ? Était-ce par vocation ? Non, pas réellement. En sortant du bac, j’hésitais sur la voie à prendre. Je savais juste que je travaillerais dans la santé. C’est ma soeur qui m’a guidée ! J’ai fait une garde d’initiation à l’hôpital Foch de Suresnes, où j’ai fait mes études par la suite. Cet aperçu du métier de sage-femme m’a emballée et j’ai continué.Diplômée en 1989, j’ai exercé dans plusieurs maternités d’Île-de-France. On m’a ensuite proposé un poste à Jean-Verdier, comme sage-femme en salle de naissance. J’y suis restée une quinzaine d’années. En 2008, j’ai pris une disponibilité d’un an pour partir en mission humanitaire avec Médecins sans frontières (MSF), dans le sud de la Chine, au Guangxi, région limitrophe avec le Viêt-Nam. Le voyage en Chine L’objectif de la mission était de former les accoucheuses traditionnelles dans les villages, afin qu’elles puissent procéder aux accouchements elles-mêmes et sur place. Elles avaient reçu la formation théorique par une sage-femme australienne. Je venais dans un second temps, pour assurer leur formation pratique. Ces villageoises étaient de minorités Miao et Dong. Quand nous arrivions dans les hôpitaux de la région, le racisme à leur égard était tel que nous n’avons même pas pu aller au bout de la mission. Les autres minorités et la majorité Han s’opposaient farouchement à ce qu’elles deviennent autonomes. Ce fut une grosse déception pour moi, mais aussi une expérience fondatrice. Notamment en ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse (IVG).L’accès à l’IVG était libre, en Chine, les patientes venaient à l’hôpital sans rendez-vous. J’ai pu observer le travail d’un gynécologue dans la ville voisine. Quelques minutes à peine après l’entretien, l’IVG était réalisée dans une salle attenante, par aspiration utérine, sans plus de cérémonie ni accompagnement d’aucune sorte. Il n’y avait ni...

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Ce contenu est réservé aux abonnés formule numérique.
Already a member? Connectez-vous ici