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Sophie Garcia, passion et formation

Après un passage en médecine et un Deug de biologie, je me suis intéressée au métier de sage-femme. La santé des femmes m’intéressait et je sentais que l’on pouvait être assez autonome dans notre travail. Je suis entrée à l’école de sagesfemmes de Besançon (Doubs). Pendant quatre ans, on alternait les stages et l’école, c’était assez chargé. Et il y avait beaucoup de pression – parfois inutile – de la part des enseignants et des sages-femmes encadrantes. Nous étions vingt-et-une, on a terminé le cursus à quinze… J’ai été diplômée en 2003. Mon mémoire portait sur la formation des étudiants sages-femmes à l’annonce d’un handicap. Je trouvais que l’on n’était pas tellement accompagnées lorsque l’on découvrait une particularité à la naissance. Et il fallait pourtant accompagner les parents. « En libéral, on se sent parfois isolée » Une fois diplômée, j’ai postulé à l’hôpital public de Chambéry, où j’avais déjà effectué un stage. Du fait de la fermeture de la maternité d’Aix-les-Bains et de la construction d’une nouvelle structure, nous sommes passés de 1 800 accouchements par an à plus de 3 000. Malgré un temps partiel, il était difficile de se faire embaucher à temps plein -, j’étais fatiguée. Je me suis installée en libéral à Montmélian, toujours en Savoie. À l’époque, ce n’était pas si fréquent, mais j’ai été très bien accueillie. J’ai collaboré avec les médecins et les services de protection maternelle infantile (PMI) du secteur. C’était la période de mise en place du réseau périnatalité des 2 Savoie, j’ai contribué à des groupes de travail. C’était un bon soutien, car en libéral, on se sent parfois isolée. Et une façon de se former : l’une des médecins était aussi consultante en lactation. Ces sessions de formation m’ont permis de soutenir des allaitements longs. « Si tu […]

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Stéphanie Freisse : « On est un peu sorcières… »

Pourquoi sage-femme ? Pendant la guerre, ma grand-mère s’était mise à accoucher les dames du coin dans le Cotentin. Elle était totalement autodidacte. Dans son village de pêcheurs, quand quelqu’un se blessait, c’était elle qui soignait. On venait la chercher quand un bonhomme se fichait un hameçon dans le pied, se coupait ou quand il y avait des piqûres à faire. Elle avait acheté une seringue en verre qu’elle faisait bouillir. Je ne sais pas où elle avait appris tout ça. On est un peu sorcières dans la famille (rires). Et puis ma mère parlait souvent de la sage-femme qui l’avait accouchée, une femme merveilleuse, disait-elle. Il y avait une photo d’elle à la maison, avec moi dans les bras. Ma vocation vient peut-être de là ! J’ai su que je voulais être sage-femme dès la classe de cinquième. À 12 ans, j’étais en vacances chez mon oncle pédiatre, quand je lui ai dit :— Tonton, fais comme tu veux mais pendant mes vacances chez toi, je veux faire une garde avec une sage-femme.Il a ouvert des yeux ronds et m’a répondu :— Mais ça va pas la tête ? Tu es bien trop petite !— T’es mon parrain, ça sert à ça un parrain !Le lendemain il est revenu et m’a dit :— Je t’ai arrangé le coup. Normalement tu n’as pas le droit de rentrer dans une salle d’accouchement. Ce soir, je t’emmène à 22 heures avec une sage-femme qui veut bien que tu passes la nuit avec elle, et je viens te chercher demain à 7 heures avant l’arrivée de la surveillante.Donc, j’ai passé la nuit avec la sage-femme, j’ai vu deux accouchements. En rentrant chez lui, j’ai dit à mon parrain :— Cette fois c’est sûr, c’est bien ça que je veux faire. Sauf les épisiotomies, […]

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Isabelle Rauszer, sage-femme combative

Pourquoi sage-femme ? Je n’avais absolument pas ce que certains appellent « la vocation ». Après un baccalauréat scientifique, j’ai passé un Deug de mathématique/physique à l’université Paris 5 Jussieu sans connaître les débouchés dans ce domaine. C’est alors qu’une amie, étudiante en médecine, m’a parlé du métier de sage-femme et a même fait pour moi l’inscription au concours. Ma mère, qui n’avait jamais vu une sage-femme pour toutes ses grossesses, avait répondu à mon questionnement en me disant : « Une sage-femme, ça s’occupe des bébés. » J’ai très vite découvert que « les bébés » ne représentaient qu’une partie du métier !Mes études à l’hôpital Foch de Suresnes entre 1975 et 1978 sont restées dans mon souvenir comme trois ans de galère. L’encadrement policier, avec appel tous les matins, cahier d’absences et de retards, heures de colle, tenue avec port du voile (oui, le port du voile !), a été très difficile à supporter d’autant que j’avais connu le régime étudiant post-1968 de la faculté. Les sages-femmes en place, que je considérais plutôt comme des « matrones », étaient soumises à la toute-puissance du système médical qu’elles-mêmes imposaient aux patientes.Malgré un enseignement de grande qualité, la soumission à l’institution imposant des études infantilisantes m’a très vite ôté l’idée de continuer dans cette branche. Répétertoute ma vie « Poussez Madame, poussez ! » ne m’enthousiasmait pas.Mes réticences dans l’exercice de ce métier ont changé lorsque j’ai commencé à travailler à la Pitié-Salpêtrière en tant que remplaçante d’été en juillet 1978. L’accueil chaleureux au sein d’une équipe soudée m’a aidée à m’intégrer et à apprécier mon métier sous un angle différent. Et voilà que le fameux « bébé » de ma maman surgit à nouveau. Je découvre que le métier ne se résume pas à l’accouchement, il s’agit d’accompagner la […]

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Valérie Dupouey, avec toute la bienveillance possible

Comment avez-vous choisi de devenir sage-femme ? Était-ce par vocation ? Non, pas réellement. En sortant du bac, j’hésitais sur la voie à prendre. Je savais juste que je travaillerais dans la santé. C’est ma soeur qui m’a guidée ! J’ai fait une garde d’initiation à l’hôpital Foch de Suresnes, où j’ai fait mes études par la suite. Cet aperçu du métier de sage-femme m’a emballée et j’ai continué.Diplômée en 1989, j’ai exercé dans plusieurs maternités d’Île-de-France. On m’a ensuite proposé un poste à Jean-Verdier, comme sage-femme en salle de naissance. J’y suis restée une quinzaine d’années. En 2008, j’ai pris une disponibilité d’un an pour partir en mission humanitaire avec Médecins sans frontières (MSF), dans le sud de la Chine, au Guangxi, région limitrophe avec le Viêt-Nam. Le voyage en Chine L’objectif de la mission était de former les accoucheuses traditionnelles dans les villages, afin qu’elles puissent procéder aux accouchements elles-mêmes et sur place. Elles avaient reçu la formation théorique par une sage-femme australienne. Je venais dans un second temps, pour assurer leur formation pratique. Ces villageoises étaient de minorités Miao et Dong. Quand nous arrivions dans les hôpitaux de la région, le racisme à leur égard était tel que nous n’avons même pas pu aller au bout de la mission. Les autres minorités et la majorité Han s’opposaient farouchement à ce qu’elles deviennent autonomes. Ce fut une grosse déception pour moi, mais aussi une expérience fondatrice. Notamment en ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse (IVG).L’accès à l’IVG était libre, en Chine, les patientes venaient à l’hôpital sans rendez-vous. J’ai pu observer le travail d’un gynécologue dans la ville voisine. Quelques minutes à peine après l’entretien, l’IVG était réalisée dans une salle attenante, par aspiration utérine, sans plus de cérémonie ni accompagnement d’aucune sorte. Il n’y avait ni […]

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Anne Mercadier, sage-femme devenue accoucheuse… d’émotions (2e partie)

Comment as-tu géré la transition sur les plans professionnel et personnel ? En parallèle de mon métier de sage-femme hospitalière, je m’étais formée à l’art du conte pendant cinq ans. C’était uniquement pour me faire plaisir, pas pour en faire ma profession. J’avais tout de même créé mon association, indispensable pour intervenir en médiathèque, signer des contrats avec les municipalités, animer dans les collèges. Avec cette structure juridique, je pouvais développer mon activité de conteuse. Encouragée par mon mari, je me suis jetée à l’eau, et ai eu la chance de pouvoir partir en préretraite grâce à mes trois enfants. Initialement, je ne voulais pas arrêter complètement d’être sage-femme. J’ai essayé l’intérim en salle de naissance… mauvais souvenir. Travaillant souvent les week-ends, je succédais à des collègues épuisées, héritant de dossiers transmis à la hâte dans un environnement inconnu, avec une équipe que je ne connaissais pas. J’étais mal à l’aise, c’était dangereux. De plus, j’ai découvert que ni l’agence d’intérim ni l’établissement ne m’assuraient. Je devais m’acquitter d’une prime annuelle de 2 500 € pour un salaire de 20 €/heure. L’équation financière était insoutenable, ça ne tenait pas debout, j’ai arrêté l’intérim. J’ai tenté l’exercice libéral, mais ça ne collait pas non plus. Dans la configuration qui m’intéressait, c’est-à-dire à temps très partiel, les charges étaient disproportionnées. J’avais calculé que je devais travailler de janvier à septembre, rien que pour les couvrir. Je commençais à gagner de l’argent seulement le dernier trimestre. Bref, sage-femme, c’était à plein temps ou rien. Qu’à cela ne tienne, je serai conteuse ! Avec l’association Les Conteurs de Sèvres, je m’étais formée et j’avais vécu des expériences magnifiques en scolaire, médiathèques et Ehpad. Puis je suis allée conter en Pologne, en Suède, j’ai monté un spectacle de marionnettes, j’ai conté avec un quatuor à cordes, etc. Pour gagner en […]

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Anne Mercadier, sage-femme devenue accoucheuse… d’émotions

Pourquoi sage-femme ? Ma mission de vie, je l’ai décelée à l’adolescence. J’avais ce refrain récurrent en moi : « J’ai envie d’aider les autres. » Et je voulais être au cœur de la vie des gens, dans leur vérité nue, là où l’on met bas les masques, là où la rencontre est sincère de bout en bout. Enfin, j’adorais les sciences naturelles, j’avais une véritable fascination pour le vivant. Être au début de la vie, à la lisière, aux portes de l’inconnu, m’attirait plus que tout autre chose. J’hésitais entre pédiatre, gynécologue-accoucheur ou sage-femme. J’ai décidé d’être sage-femme parce que, les études étant plus courtes, je pouvais aller plus vite sur le terrain. Quels ont été les premiers défis dans ce métier ? Les études, d’abord, m’ont semblé difficiles. J’ai étudié à l’ESF de l’hôpital Foch, à Suresnes. À l’époque, c’était concours d’entrée, plus trois ans de cursus. Je me suis retrouvée immédiatement en salle de naissance, ou en stage infirmier en cancérologie, en pneumologie, avec des incontinents, des grabataires, des stades avancés de cancer. Je faisais les soins de corps en souffrance. J’ai découvert la réalité des odeurs, de la laideur, de la douleur… Nous avions 18 ans, aucune préparation, aucun soutien psychologique. On se débrouillait toutes seules. Quand j’y repense, c’était incroyable. Sans parler de l’âpreté des rapports avec nos aînées les sages-femmes, souvent maltraitantes avec les jeunes élèves.  Nous avions peu de vacances, nous n’étions pas rémunérées, les promotions n’étaient pas mixtes, bref… ce n’était pas drôle. Pourtant, j’aimais ça. À aucun moment je n’ai pensé arrêter.  Après les études, d’autres défis m’attendaient. À 21 ans, j’ai commencé par travailler six mois dans une clinique privée parisienne, en gardes de 24 heures. J’avais les clefs de l’établissement. La nuit, j’étais toute seule à gérer la salle de naissance, et les quinze lits de suites […]