Beaucoup de jeunes sages-femmes envisageaient un travail salarié à la fin de leur formation, après que leurs études se soient déroulées quasi exclusivement à l’hôpital. Leur motivation initiale était souvent de « faire des naissances » et la pratique hospitalière les confirmait dans une vision technique de la naissance, le top étant les gardes « bloc obstétrical » et l’accompagnement pendant quelques heures de femmes et de bébés dont on ne connaît ni le passé ni l’avenir (même si ce moment fort manifeste qu’ils sont sous-jacents), mais où l’on pense exercer une toute-puissance médicale. Les conditions actuelles de l’exercice salarié dans des maternités surchargées, avec une mauvaise reconnaissance de leur autonomie et de mauvaises conditions salariales, motivent au contraire les défections des sages-femmes hospitalières. Attaché à un système hospitalier sous le contrôle exclusif des gynécologues-obstétriciens, le Pr Nizan a commis une tribune dans Le Monde tentant d’opposer sages-femmes hospitalières, et plus généralement salariées, aux libérales qui bénéficieraient de conditions de travail et de rémunérations enthousiasmantes. Évidemment, on en est loin ! Ce serait selon lui cette séduction perverse qui expliquerait la désertion des sages-femmes hospitalières, plus que leurs conditions de travail et leur manque de reconnaissance ! Diviser pour mieux régner… C’est en fait l’ensemble de la prise en charge des grossesses physiologiques et la possibilité pour les sages-femmes d’exercer leurs compétences médicales pour répondre aux aspirations des femmes et améliorer la sécurité obstétricale et postnatale qui est à repenser. Dominique Barranger-Adam. © D.R. De quelle vision de la santé des femmes a-t-on hérité ? Les problèmes de santé publique et les représentations culturelles sur lesquels s’est construite l’organisation de la santé des femmes après la Seconde Guerre mondiale ne sont plus du tout ceux d’aujourd’hui, pourtant nous traînons ces représentations. Au sortir de la guerre, des régions entières connaissaient un problème de reconstruction, avec des logements sans…
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Dossier partagé informatisé, le cas unique de l’Auvergne
TweetL’existence d’un dossier informatisé périnatal, partagé entre professionnels de la ville et de l’hôpital en Auvergne, semble être un cas unique en France. En 2006, le Pr Didier Lémery, président du Réseau de santé en Périnatalitéd’Auvergne (RSPA), avec l’appui de Françoise Vendittelli, obstétricienne engagée dans l’association Audipog, profitent de crédits du Fonds européen de développement régional (Feder) pour financer la création d’un outil informatique. Ils s’appuient sur le modèle papier du dossier Audipog, très complet. Les financements permettent à la fois de créer l’outil logiciel et d’équiper les maternités en ordinateurs. D’emblée, le logiciel Icos Maternité, développé par la société Medicode, est proposé à la fois aux maternités de la région et aux professionnels libéraux impliqués. Il est déployé de façon opérationnelle en 2008. « C’est un dossier médico-psychosocial, comprenant un volet sur les vulnérabilités, témoigne Anne Debost-Legrand, médecin au RSPA. Il est partagé entre les professionnels de la périnatalité de l’hôpital, installés en libéral ou professionnels territoriaux de PMI, mais aussi avec des psychologues, psychiatres ou infirmières spécialisées. Seule différence entre ces professionnels : tous ne disposent pas des mêmes droits d’accès ou d’intervention sur le dossier. » UN OUTIL DE BASE… Gratuit et archivé via le système informatique du groupement de coopération sanitaire Sara, l’outil est désormais employé par 10 maternités sur les 11 établissements d’Auvergne. Près de 100 % des jeunes sages-femmes installées en libéral l’utilisent et 90 % des sages-femmes installées de longue date. « Nous n’avons quasiment plus de gynécologues-obstétriciens en libéral et peu de généralistes suivent les grossesses. Mais tous ceux qui le font utilisent Icos Maternité », rapporte la docteure Anne Debost-Legrand. Pour les professionnels, le logiciel est devenu un outil indispensable. « Le dossier informatisé partagé a de nombreux avantages par rapport au dossier papier classique, note Julie Duclos, une des sages-femmes coordinatrices du RSPA, exerçant aussi en libéral. Sur papier, les...



Responsabilité et matériel médical
TweetUn médicament ou un dispositif médical peut être à l’origine d’un dommage chez un patient. Dans ce cas, ce dernier mettra généralement en cause en premier lieu la responsabilité du praticien qui a effectué l’acte médical (prescrit le médicament ou posé le dispositif), car il n’identifie pas que le dommage est lié au produit de santé. Pourtant, dans certains cas, ce n’est pas l’acte de soin pratiqué par le professionnel qui cause le dommage, mais bien le matériel utilisé : un médicament ou un dispositif médical. Les dispositifs médicaux recouvrent un large éventail de produits : pansements, orthèses, matériel implantable, lecteurs de glycémie, cannes, prothèses, fauteuils roulants, dispositifs intra-utérins, préservatifs, certains objets connectés santé, etc. Selon l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes de soin que lorsqu’ils ont commis une faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé. RESPONSABLE, MAIS PAS COUPABLE Il s’agit alors d’une « responsabilité sans faute », issue d’une directive européenne du 25 juillet 1985, transposée dans la loi française le 19 mai 1998, qui avait pour but de protéger les consommateurs en facilitant la mise en cause des responsabilités des intervenants professionnels en cas de dommage. On considère que le professionnel de santé étant le fournisseur du produit de santé défectueux, il peut être déclaré responsable de ce défaut et du dommage subi par le patient, même s’il n’a commis aucune faute. Mais le Code civil français a apporté par la suite par deux lois n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 et n° 2006-406 du 5 avril 2006, une modération à ce principe de « responsabilité sans faute », extrêmement sévère pour les professionnels de santé : en cas de défaut d’un produit de santé, le professionnel de santé qui […]


Éducation à la sexualité : le grand bazar
Tweet« L’éducation à la sexualité permet d’inscrire la prévention des violences sexuelles à l’école et permettra de libérer davantage la parole, expliquait Sylvie Ferrara, médecin conseillère technique du recteur d’Ajaccio, en Corse, aux Journées francophones de sexologie et de santé sexuelle, qui se tenaient à Montpellier en septembre dernier. Elle permet également de réduire les inégalités sociales de santé. Elle aborde l’égalité filles-garçons, femmes-hommes, la relation aux autres, les violences sexistes et sexuelles, le cybersexisme, le respect de soi, la pornographie. L’éducation à la sexualité permet aussi de parler aux jeunes des IST, de la contraception, du dépistage et de la prévention. Elle tient compte de l’environnement social. Elle est adaptée à l’âge des élèves et à leur degré de maturité, basée sur des informations scientifiques sans jugement de valeur, fondée sur l’égalité des sexes. » Quel beau programme ! On ne peut qu’acquiescer. Pourtant, sur le terrain, la réalité semble bien différente. À peine quelques miettes d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), comme on l’appelle désormais, paraissent distribuées ci et là. Souvent trop tard. Malgré les textes, les circulaires, les arrêtés, les lois, les enquêtes et les rapports, qui s’empilent les uns aux autres dans une nébuleuse de structures financées par l’État ou les collectivités locales, l’éducation à la sexualité ne remplit ni ses obligations ni ses objectifs. Les multiples structures, Éducation nationale en tête, se trouvent ainsi dans l’illégalité. La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception prévoit en effet qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes ». Depuis plus de 20 ans, chaque année, chaque élève aurait donc dû recevoir au moins 3 heures d’enseignement à la...