Enceinte après un inceste dans l’enfance

Quand les violences sexuelles sont vécues dans le cadre de la famille, la future parentalité s’en trouve forcément affectée. Relations de couple, grossesse, accouchement, soins au nouveau-né… Tout peut raviver les douleurs et faire déraper la future mère. La présence des professionnels à ses côtés peut être déterminante.

Alors qu’elles étaient encore mineures, quatre millions de personnes, au moins, avaient connu
l’inceste en France, en 2015. Probablement sous-estimé, le chiffre vient d’une enquête en ligne menée par l’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI), qui s’était associée à l’institut Harris Interactive. En 2009, le même type d’enquête chiffrait à deux millions le nombre de victimes. 9 % des femmes et 6 % des hommes. Aujourd’hui, la France compterait donc plus de trois millions de filles et de femmes survivantes de l’inceste. Certaines sont vos patientes. Pour la plupart d’entre elles, les conséquences sur leur santé et sur leur vie sont gigantesques. Comment devenir mère lorsqu’on a été agressée au sein de sa propre famille ?


DEUX FORMES D’INCESTE

L’inceste est une agression sexuelle de la part d’un membre de sa propre famille : un père, une mère, un oncle, une tante, un grand-père, une grand-mère… Parmi les agresseurs, les hommes dominent largement la scène, mais les femmes n’en sont pas absentes. Comme pour les autres maltraitances sexuelles, la violence peut être brutale, arriver subitement. La victime subit alors toutes les conséquences associées (voir Profession Sage-Femme n° 215, mai 2015, et n° 223, mars 2016), syndrome de stress post-traumatique en tête. « Pendant des années, on n’a pas réalisé les effets neurologiques d’un stress aussi aigu, note la psychiatre Catherine Bonnet. Mais aujourd’hui, il ne faudrait pas que le sujet de
la mémoire traumatique vienne occulter les autres formes d’inceste, plus insidieuses. » Dans ce dernier cas, très commun lorsque l’agression survient dans un cadre familial, la prise de conscience des abus est lente. Ces derniers apparaissent sous couvert de soins ou d’éducation, dans un continuum de gestes déplacés sur le corps de l’enfant. Il peut s’agir de toilettes vulvaires trop fréquentes, de décalottages intempestifs, de prises de température inutiles plusieurs fois par jour, etc. On parle parfois de « nursing pathologique ». La tendresse initiale se prolonge par des attouchements et des viols. Devenue adulte, la victime vit dans une grande confusion. Manipulée au cours de son enfance, elle ne distingue pas l’amour filial de la sexualité, ignore tout des gestes de tendresse normaux envers un enfant. Ici, l’intrusion inopinée de mauvais souvenirs par le biais de flashbacks, une des caractéristiques du syndrome de stress post-traumatique, cède la place à des troubles du comportement plus difficiles à repérer.