Le Pr Rozenberg revient sur l’affirmation selon laquelle la mortalité infantile serait multipliée par deux au-delà de 45 minutes de trajet vers une maternité. Il rappelle qu’elle repose sur une étude régionale ancienne, « mal interprétée » et sans lien de causalité démontré, et que cette thèse a été ensuite amplifiée par un ouvrage11 très médiatisé puis reprise à l’Assemblée nationale et au CESE. En s’appuyant sur les travaux des sociétés savantes et plusieurs études nationales, il souligne qu’aucune ne montre d’augmentation de la mortalité néonatale en lien avec la fermeture des petites maternités. Au contraire, les pays européens qui ont le plus restructuré leur réseau de maternités figurent aujourd’hui parmi ceux où la mortalité infantile est la plus basse. « La parole des professionnels de terrain et des chercheurs n’est pas écoutée ! », martèle-t-il. La surmortalité néonatale, un phénomène surtout urbain et social Deux études récentes, publiées en 2025, sont au cœur de son argumentaire. La première montre que, de 2001 à 2017, la mortalité néonatale reste stable en zone rurale, alors que l’augmentation observée en France est « exclusivement le fait des zones urbaines », en particulier les plus défavorisées. La seconde confirme que la hausse se concentre dans les communes au niveau de vie le plus bas, comme en Seine-Saint-Denis, où les taux sont parmi les plus élevés de métropole. Pour le président du CNGOF, ces résultats indiquent que « l’augmentation de la mortalité néonatale est ainsi liée à des conditions socio-économiques précaires, et non à la durée du trajet jusqu’à la maternité ». Ne pas « jouer avec la vie des mères et des nouveau-nés » Constatant que la France se situe désormais « tout en bas du classement européen et que nos services sont en grande difficulté », le Pr Rozenberg plaide pour « un débat rationnel et serein pour redresser la barre », fondé sur les faits, non…
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Étudiant·e·s sages-femmes et déjà engagé·e·s
« Le métier a un côté féministe : on soutient la santé et le droit des femmes. Naturellement, la filière attire des profils qui sont, à la base, engagés. Il n’y a pas de sage-femme qui ne le soit pas d’une certaine façon ou d’une autre », raconte Chloë Grunenwald, présidente de l’Association nationale des étudiant·e·s sages-femmes (ANESF). À 22 ans, elle a pris une année de césure pour honorer son mandat. Ses causes, c’est la reconnaissance des sages-femmes et la lutte contre la précarité des étudiant.e.s. Dernier chantier : la réforme de la formation « qui va bientôt sortir ! Cela aura pris deux ans ! », s’exclame-t-elle. Et de conclure :« Aucune d’entre nous ne s’engage pour elle-même. On a des études suffisamment prenantes. Pour nous, c’est coûteux, c’est du sommeil en moins. On le fait pour la profession. » Elle est animée par une véritable vocation à défendre les étudiant.e.s sages-femmes (ESF). Une vocation parmi tant d’autres. L’engagement associatif, bénévole et militant des ESF est pluriel. Il dépasse largement les revendications corporatistes. C’est un engagement civique et solidaire, caractérisé par la convergence des luttes et l’intersectionnalité, les enjeux environnementaux et climatiques, le souci de la santé publique, de l’autre, tout simplement. “ Aucune d’entre nous ne s’engage pour elle-même. […] On le fait pour la profession ” Aider les personnes à la rue C’est ce à quoi se consacre Sterenn Lesaux, en troisième année de maïeutique. On la retrouve une soirée par semaine, devant les finances publiques de Rennes, ou à Saint-Melaine, les deux points fixes de la Croix-Rouge de la capitale bretonne. Elle y distribue des boissons chaudes, des couvertures : « Comme l’hiver approche, on a fait une récolte à Décathlon pour récupérer des gants, des bonnets, des duvets. Beaucoup de -chaussettes aussi. » On entre dans la période critique que Sterenn redoute. L’année dernière, il y a eu plusieurs décès. ...
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La révision de la loi de bioéthique avait pour but de mettre fin au « tourisme procréatif » vers l’étranger, où l’autoconservation coûte entre 2 000 et 3 000 euros. Mais l’accès reste limité : en 2024, plus de 15 500 demandes pour 5 127 prises en charge et des délais dépassant treize mois, avec parfois un refus des femmes de 35 ans et plus, pourtant les premières concernées. Il faut dire que l’âge auquel les femmes ont leur premier enfant ne cesse d’être repoussé : en 2024, il atteignait en moyenne 29 ans, soit cinq ans de plus qu’en 1974. L’anthropologue médicale Yolinliztli Pérez-Hernández note que beaucoup ne projettent pas réellement d’utiliser leurs ovocytes : « Toutes ne veulent pas d’enfant, et la plupart espèrent une maternité dite plus naturelle, sans aide médicale. » Le profil typique est celui d’une femme de 34-35 ans, hétérosexuelle, blanche, de classe moyenne ou supérieure, cadre, qui congèle « au cas où », souvent en l’absence de partenaire. Pour Y. Pérez-Hernández, « on assiste à une médicalisation de l’incertitude et de l’indécision ». Entre empowerment, capitalisme reproductif et pression démographique Pour la démographe Élise de la Rochebrochard, la procédure est moins émancipatrice qu’il n’y paraît : « C’est certes un choix pour les femmes, mais cela les assigne plus que jamais à la maternité car elles n’ont désormais plus d’excuses pour ne pas avoir d’enfants. » Aux États-Unis, de grandes entreprises financent des traitements de fertilité, voire la congélation ovocytaire, incitant à différer la maternité pour des raisons de carrière. Selon Y. Pérez-Hernández, « la congélation s’y inscrit dans une logique néolibérale de la mère travailleuse, où le management de la fertilité est un projet sur lequel investir son temps et son argent ». En France, malgré l’encadrement strict de l’Agence de la biomédecine, le vocabulaire de « capital fertilité » et de « stock d’ovocytes » traduit une vision du corps comme ressource à optimiser, dans un contexte...
