Le soignant, seconde victime d’un événement grave
« Un cas de décès d’enfant “m’empoisonne” un peu beaucoup la vie depuis trois ans. Il n’y a pas eu de dépôt de plainte, mais je me pose toujours la question de ma responsabilité. J’ai fui la salle d’accouchement pendant presque deux ans et je m’oblige à y retourner maintenant. » Tel est le témoignage laissé par une sagefemme qui a répondu à l’enquête sur le burn-out de Didier Truchot et Adeline Morel courant mars (voir Dossier p. 14). « En cas de décès d’un patient, une prise en charge spécifique est prévue pour sa famille. Mais quid du soignant ? », s’interroge Ségolène Arzalier-Daret, médecin anesthésiste au CHU de Caen. Militante, elle s’active au sein de la commission Santé du médecin anesthésiste-réanimateur au travail (Smart) du Collège français des anesthésistes-réanimateurs (CFAR), très en pointe sur la souffrance au travail des soignants (voir encadré p. 28). Le CFAR contribue à faire reconnaître la problématique du soignant comme seconde victime d’un événement indésirable grave (EIG), véritable stresseur susceptible de contribuer au burn-out. « Notre spécialité est particulièrement concernée par la gestion des risques en général, explique Ségolène Arzalier-Daret. Comme les risques psychosociaux des soignants sont en lien avec les risques liés au soin, nous souhaitons lever certains tabous, en pensant aussi au patient au bout de la chaîne. Car un soignant fragile est une véritable grenade dégoupillée ! » UN CONCEPT RÉCENT L’idée qu’un soignant est tout autant victime d’un incident médical que le patient a été développée par le médecin américain Albert Wu, de l’université de Baltimore, en 2000. En France, la problématique reste méconnue. Les décès ou accidents concernant les patients, fautifs ou non, secouent bien sûr la personne concernée et ses proches. Mais les soignants sont aussi ébranlés. « L’erreur médicale peut conduire à un traumatisme chez le […]