Dossier

Contenir l’épidémie mondiale de césarienne

En quinze ans, le nombre d’enfants nés par césarienne a doublé. En 2015, 29,7 millions de naissance ont eu lieu par voie haute dans le monde. Cela correspond à un taux de 21 %, quand l’OMS juge inadaptés les taux qui débordent de la tranche de 10 % à 15 %. En 1990, le taux mondial de césarienne était de 6 %. Depuis 2000, chaque année, ce taux augmente de 4 %. Aujourd’hui, les spécialistes évoquent une « épidémie ». Cela ne doit pas pour autant cacher d’énormes inégalités territoriales. Dans l’ouest et le centre de l’Afrique, le taux est inférieur à 5 %, tandis qu’il atteint les 60 % dans plusieurs pays d’Amérique latine. En République dominicaine, une femme a 14 fois plus de risques d’accoucher par césarienne qu’en Afrique de l’Ouest. Chaque année, 6,2 millions de césariennes sont réalisées dans le monde sans aucune raison médicale. La moitié de ces interventions a lieu au Brésil et en Chine. La France n’est pas épargnée. Si son taux de césarienne s’est stabilisé ces dernières années, supérieur à 20 %, il reste trop élevé. Quelles sont les conséquences sur la santé des femmes et des enfants ? Peut-on stopper cette épidémie ? Comment s’y prendre ? Lancée à l’occasion du congrès annuel de la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (Figo), mi-octobre 2018, à Rio de Janeiro, au Brésil, une série de la revue médicale The Lancet fait le point (1). AUGMENTATION GLOBALE En travaillant à partir des données de 169 pays, une large équipe internationale a évalué l’épidémiologie de la césarienne dans le monde. Les chercheurs pensent avoir couvert 98,4 % des naissances. Pour y parvenir, ils ont mis à jour les bases de données de l’OMS et de l’Unicef avec des données publiées avant le 1er janvier 2018 et […]

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Ici et ailleurs

“La profession de sexologue n’existe pas”

La sexologie est-elle une spécialité ? Officiellement, les diplômes de sexologie, qui sont des diplômes interuniversitaires nationaux, ne sont pas professionnalisants. La sexologie n’est donc pas une spécialité et le métier de sexologue n’est pas ce qu’on appelle une profession initiale. La sexologie est une complémentarité de formation. C’est important de le souligner à l’heure actuelle, où il y a un débordement et où de plus en plus de personnes se déclarent sexologues sans formation spécifique dans le champ de la santé sexuelle. Il faut dire que le titre n’est pas protégé. Dans ce contexte, les personnes ayant suivi un DIU de sexologie ne doivent pas se revendiquer uniquement sexologues, mais décliner leur profession initiale, dont le terme sexologue n’est que le qualificatif. Elles indiquent ainsi qu’elles ont été formées à la sexologie. Pour être membre titulaire de l’Association interdisciplinaire postuniversitaire de sexologie (Aius) et participer à l’évolution de l’association, en plus d’être adhérent de l’association et de participer aux congrès, il faut être médecin, sage-femme, pharmacien, kinésithérapeute, infirmier ou psychologue et avoir été formé à la sexologie. Autrement dit, il faut être un professionnel du soin, de l’éducation ou de l’accompagnement, comme les conseillers conjugaux, les assistantes sociales ou les éducateurs à la santé sexuelle. Tous les professionnels qui peuvent avoir accès au sexe ou à la sexualité des personnes sont concernés.

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Pratiques

Un Grand Prix Évian 2018 entre pairs

Créé en 1992, le Grand Prix Évian des écoles de sages-femmes a tenu sa 27e édition à Paris le 28 septembre dernier. Six lauréates étaient en lice, sélectionnées par le jury parmi 38 synopsis de mémoires adressés par les écoles, sur quelque 900 mémoires soutenus en 2018. Cette sélection ne représente pas les meilleurs mémoires de France, mais un échantillon des travaux de qualité. Les présentations des lauréates ont parfois été l’occasion pour les membres du jury d’adresser des messages plus généraux. UN JURY FÉMININ Le jury 2018 regroupait uniquement des femmes, avec comme présidente Isabelle Derrendinger, directrice de l’école de sages-femmes de Nantes. À ses côtés siégeaient Anne Chantry, enseignante à l’école de Baudelocque et chercheuse à l’Inserm, Martine Chauvière, sage-femme coordinatrice au CH de Saint-Malo, Isabelle Hervo, sage-femme sociologue et Marie-Sophie Chavet, pédiatre à l’hôpital Trousseau à Paris. Pour la première fois, la composition du jury dérogeait à la tradition  : aucun gynécologue-obstétricien n’y siégeait. « Lorsque les organisateurs du Grand Prix m’ont sondée, je leur ai suggéré un jury composé essentiellement de sages-femmes et d’une médecin pédiatre. C’est une façon symbolique de valoriser la profession par les pairs et pour les pairs », souligne Isabelle Derrendinger.

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Recherche

Les obstétriciens, plus interventionnistes

Les obstétriciens sont plus interventionnistes que les sages-femmes. Ce n’est pas une surprise, mais cette fois, c’est une étude de cohorte qui le montre. Mené en Lituanie auprès de 1384 femmes ayant accouché en 2012 et de 1283 femmes ayant donné la vie courant 2014, ce travail démontre un taux de césariennes doublé chez les femmes dont la grossesse et l’accouchement ont été accompagnés par un obstétricien plutôt que par une sage-femme. Toutes les patientes retenues avaient eu une grossesse à bas risque. Qu’elles soient nullipares ou multipares, leur travail était spontané, avec un fœtus singleton en position céphalique. Les scientifiques ont d’emblée exclu les multipares ayant eu une césarienne auparavant. Seule différence notable entre les deux groupes, les femmes qui avaient choisi un obstétricien dès le début de leur grossesse étaient légèrement plus âgées, avec une moyenne de 29 ans contre 28 ans pour celles qui avaient choisi une sage-femme. Résultat : en 2012, le taux de césariennes de la cohorte s’élevait à 4,4 % dans le « groupe sages-femmes », contre 10,7 % dans le « groupe obstétriciens ». En 2014, la différence entre les deux groupes était du même ordre : 5,2 % dans le « groupe sages-femmes » contre 11,8 % dans le « groupe obstétriciens ». Et il en allait de même pour d’autres interventions observées dans la cohorte. En 2012, les patientes suivies par des sages-femmes avaient moins d’amniotomies (27,5 % contre 36,1 % pour le groupe obstétriciens), moins d’oxytocine (27,3 % contre 33,1 %), moins de péridurales (22,6 % contre 33,8 %). Les données de 2014 sont similaires. En revanche, les auteurs n’ont noté aucune différence significative en termes de durée totale du travail, d’épisiotomie ou de déchirures périnéales.

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Chiffres

L’AMP en 2018, et demain ?

En 2018, l’AMP concernera toujours très peu de naissances. En tenant compte du pourcentage d’accroissement de ce mode de conception au cours des dernières années, le chiffre des naissances issues d’AMP en 2018 est estimé à 3,4 %, soit 1 enfant sur 30. Surtout, contrairement à ce que l’imaginaire collectif véhicule, la très grande majorité de ces enfants sont conçus avec les gamètes de leurs deux parents, soit 95 %. Élise de La Rochebrochard, de l’université de Versailles-Saint-Quentin, a mené une analyse pour le compte de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Outre un bilan, elle envisage les conséquences d’une ouverture plus grande de l’AMP. LA FIV, REINE DES MÉTHODES Parmi les techniques utilisées en AMP, la Fiv domine largement, représentant 70 % des conceptions, devant les inséminations artificielles. Depuis 1992 et la mise au point de l’injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), la Fiv permet de pallier tout autant les infertilités masculines que féminines. Sur la période 2012-2015, 2 Fiv sur 3 recourraient à l’ICSI. D’où son essor. « La proportion d’enfants conçus par Fiv progresse de + 0,5 % tous les 7 à 8 ans. En 2011, 2 % des enfants étaient conçus par Fiv, et si la tendance se poursuit, la proportion atteindra 2,5 % en 2018, soit 1 enfant sur 40 (plus de 20 000 enfants) », précise l’étude. NAISSANCES MULTIPLES Dans les premières années de la Fiv en France, les médecins transféraient quatre embryons ou plus à la fois dans l’espoir d’augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Cela concernait 39 % des cas en 1988. Fiv et grossesses multiples ont ainsi été associées au début des années 1990, où il naissait 130 enfants pour 100 accouchements suite à une Fiv.

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Actus

Bébés nés sans bras : une affaire à rebondissements

Toute l’affaire débute en 2014. Le Remera, ou Registre des malformations en Rhône-Alpes, identifie sept cas d’agénésie des membres supérieurs de nouveau-nés, durant la période 2009-2014, dans un rayon de 17 kilomètres autour d’un village de l’Ain. Dans cette même zone, des veaux naissent aussi sans queue. Pour Emmanuelle Amar, qui dirige le Remera, le taux de malformation enregistré est supérieur au taux normalement attendu, à la fois sur une telle période et dans une si petite zone. Cela signe l’existence d’un agrégat spatio-temporel de cas, dénommé aussi cluster. Le Remera prévient aussitôt ses tutelles, dont Santé publique France. PREMIÈRE ALERTE En décembre 2016, soit presque trois ans plus tard, Emmanuelle Amar publie un éditorial dans la revue Environnement, risques et santé pour dénoncer l’absence de réactivité des autorités sanitaires. Elle rappelle alors l’affaire concomitante de la Dépakine, suite à laquelle la ministre de la Santé Marisol Touraine s’était engagée à renforcer la surveillance des malformations congénitales. Concernant les dégâts provoqués par le valproate de sodium, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait dénoncé dans un rapport de 2015 le fait que les données du Remera avaient été ignorées par les instances sanitaires. L’Igas recommandait aussi de pérenniser les financements des six registres des malformations existants. Car ces structures, souvent associatives, ne bénéficient pas de ressources pérennes. En 2017, le Remera apprenait que plusieurs de ses sources de financement ne seraient pas reconduites, selon les informations rapportées par le journaliste Stéphane Foucart, du Monde. C’est d’abord la région Auvergne-Rhône-Alpes qui annonce mettre fin à sa contribution annuelle de 100 000 euros, soit près de la moitié du budget de l’association.

Dossier

Les pionnières de la recherche en maïeutique

L’ épisiotomie doit-elle être systématique ? Les perfusions d’oxytocine au cours d’un travail spontané sont-elles en lien avec l’hémorragie du post-partum ? Quel est l’intérêt des postures pendant l’accouchement ? Existe-t-il des corrélations entre les pratiques cliniques et la taille de l’établissement ? L’origine géographique des femmes influence-t-elle leur prise en charge en maternité ? Autant de questions qui démontrent l’intérêt de conduire des projets de recherche en maïeutique. Terme équivalent à celui de midwifery, en anglais, il recouvre l’art des sages-femmes, autrement dit le suivi et la prise en charge des femmes enceintes à bas risques et de leurs bébés. À l’heure de la médecine fondée sur les preuves, la discipline est devenue incontournable. Elle permet de proposer des soins plus adaptés à un moindre coût. Pourtant, en France, les doctorats de maïeutique n’existent pas encore. Pour devenir chercheuses – et le rester -, les sages-femmes françaises ont emprunté des chemins détournés. Leurs bricolages ont cependant réussi à faire émerger la recherche en maïeutique et ont contribué à convaincre de son intérêt. Au point que la maïeutique devrait prochainement être reconnue comme une véritable discipline académique. EN FRANCE, UNE DISCIPLINE INVISIBLE Il était temps. « L’International Confederation of Midwives considère la recherche comme un composant essentiel de la maïeutique depuis les années 1980, rappellent Sophie Goyet et trois de ses consœurs sages-femmes chercheuses, qui signent un article sur le sujet dans la revue britannique Midwifery (1). Aux États-Unis, la recherche en maïeutique a été initiée par des sages-femmes, alors qu’elles devaient apporter les preuves des bénéfices de leurs interventions. Au Royaume-Uni, les sages-femmes étaient sous la pression des femmes qui questionnaient quelques-unes de leurs pratiques habituelles comme les lavements systématiques ou l’épisiotomie de routine. La Suède a commencé la recherche en maïeutique quand les universités ont intégré la formation des sages-femmes, en 1977. D’autres […]

Dossier

Fœtus en danger : faut-il signaler ?

« Annoncer aux parents une séparation quand leur bébé vient juste de naître, c’est impensable. Cela bouscule tout le monde. C’est émotionnellement très difficile », raconte Estelle Russeil. Cette éducatrice est coordinatrice entre le service de protection maternelle et infantile (PMI) et celui de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), où les enfants peuvent être placés sur décision judiciaire après avoir été séparés de leur famille par mesure de protection. Le poste est rare, mais dans la Vienne (86), c’est elle qui vient chercher les nouveau-nés à la maternité lorsque le procureur de la République, après une alerte des équipes de PMI et de la maternité, estime que l’enfant ne peut pas rester avec sa mère. Les situations peuvent être dramatiques, « avec beaucoup de violence, de cris, de pleurs », poursuit l’éducatrice. Mais depuis quelques années, elle constate que ces séparations se passent mieux que par le passé. À la maternité, la violence a baissé. Elle attribue ce phénomène au protocole mis en place dans son département au sujet de la transmission d’une information préoccupante prénatale : l’IP prénatale. Une sage-femme en est le pivot. Dans le cadre de ce dispositif, présenté lors des dernières journées d’étude de l’Association nationale des sages-femmes territoriales, en juin 2018, à Poitiers, les inquiétudes sont transmises au magistrat avant même la naissance de l’enfant.   Des cas rares Les cas sont plutôt rares. En 2013, avant la mise en place du dispositif, les informations préoccupantes prénatales concernaient 0,3 % des naissances du département. Entre 2014 et 2017, il y a eu 51 IP prénatales, soit 0,27 % des naissances. « Sur les quatre années de recul, les chiffres sont stables », constate Agnès Chauvet, gynécologue-obstétricienne de la PMI de la Vienne, qui a directement participé à l’élaboration du protocole. Dans presque la moitié des cas (46 %), les mères souffraient […]

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Chiffres

Alcoolisation fœtale : au moins un nouveau-né trinque chaque jour

3207 nouveau-nés ont été dépistés avec un syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) ou une affection en lien avec l’alcoolisation maternelle entre 2006 et 2013. Il s’agit d’estimations de Santé publique France (SPF), qui a sonné l’alarme en marge du 9 septembre, Journée mondiale du syndrome d’alcoolisation fœtale. Jusqu’ici, aucune étude nationale n’avait évalué l’incidence et l’impact de l’alcoolisation fœtale à la naissance. L’étude souligne qu’au moins un enfant naîtrait ainsi chaque jour avec des séquelles liées à son exposition à l’alcool in utero. En réalité, bien plus d’enfants sont concernés, les troubles allant des formes sévères de SAF à des problèmes neuro-développementaux non repérables à la naissance.   Premières estimations Les chercheurs ont travaillé à partir des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique (PMSI-MCO), pour toute la France, hors Mayotte. Seules les hospitalisations survenues entre la naissance et les 28 premiers jours de vie ont été retenues. À plus de 90 %, les cotations étaient effectuées à la naissance et dans 3,4 % des cas au-delà de deux jours après l’accouchement. Entre 2006 et 2013, un codage de SAF a été posé pour 452 nouveau-nés, soit une incidence de 0,07 pour 1000 naissances vivantes. Durant la même période, l’étude relève 2755 codages de « fœtus et nouveau–nés affectés par l’alcoolisme de la mère », nommés « autre cause de l’alcoolisation fœtale (aCAF) » dans l’étude, soit une incidence de 0,41 pour 1000. Au total, les chercheurs évaluent l’incidence des troubles liés à l’alcoolisation fœtale (TCAF) à la naissance à 0,49 pour 1000 naissances vivantes. Pour aller plus loin, l’analyse a cherché à identifier d’éventuelles évolutions des diagnostics dans le temps. Entre les périodes 2006-2009 et 2010-2013, les codages de SAF ont diminué de façon significative. À l’inverse, entre ces deux périodes, les codages d’autres troubles associés à l’alcoolisation fœtale […]

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Recherche

Dépression postnatale : la prévention manque sa cible

Les programmes de prévention ne touchent pas suffisamment ceux qui en ont le plus besoin. Cette assertion est en passe de devenir une loi générale en santé publique. En périnatalité, il en va de même concernant l’entretien prénatal précoce (EPP) et la préparation à la naissance et à la parentalité (PNP). Conçues comme outils de prévention en santé physique et mentale, ces interventions ne parviennent pas à prévenir la dépression du post-partum. Telle est la conclusion à laquelle aboutit Séverine Barandon, sage-femme doctorante au sein de l’unité Inserm Bordeaux Population Elfe, qui a mené l’enquête. Ses premiers résultats ont été rendus publics, parmi d’autres, lors de la deuxième Journée scientifique de la cohorte Elfe le 11 septembre dernier.   Évaluations croisées Les investigations ont porté sur 16 411 mères de la cohorte Elfe (Étude longitudinale française depuis l’enfance), qui inclut plus de 18 000 enfants depuis 2011. En maternité, les mères ont rempli un questionnaire indiquant si elles ont suivi ou non un EPP et la PNP. Deux mois après leur accouchement, leurs symptômes dépressifs ont été évalués grâce à l’échelle de dépression postnatale d’Édimbourg (EPDS), outil de dépistage le plus courant. Dans cette étude, et conformément à la norme française, un score d’EPDS supérieur à 10 correspondait à des symptômes dépressifs légers ou des difficultés psychologiques et un score supérieur à 12 à des symptômes intenses, proches de la dépression caractérisée. Au total, 35 % des mères ont bénéficié des deux interventions préventives, 31 % ont bénéficié uniquement des séances de PNP et 8 % uniquement de l’EPP. Plus d’un quart des femmes (26 %) n’a bénéficié d’aucun des deux dispositifs. Au niveau psychologique, 20 % des mères ont eu un score d’EPDS supérieur à 10. Le fait d’avoir assisté à l’EPP ou à la PNP est relativement protecteur […]