Les pionnières de la recherche en maïeutique

Indispensable à l'amélioration de la santé des femmes et des enfants, la recherche en maïeutique se développe en France, malgré une reconnaissance académique qui tarde. Les premières sages-femmes chercheuses ont lutté et bricolé pour l'émergence de la discipline. Les batailles ne sont pas encore terminées.

L’ épisiotomie doit-elle être systématique ? Les perfusions d’oxytocine au cours d’un travail spontané sont-elles en lien avec l’hémorragie du post-partum ? Quel est l’intérêt des postures pendant l’accouchement ? Existe-t-il des corrélations entre les pratiques cliniques et la taille de l’établissement ? L’origine géographique des femmes influence-t-elle leur prise en charge en maternité ? Autant de questions qui démontrent l’intérêt de conduire des projets de recherche en maïeutique. Terme équivalent à celui de midwifery, en anglais, il recouvre l’art des sages-femmes, autrement dit le suivi et la prise en charge des femmes enceintes à bas risques et de leurs bébés. À l’heure de la médecine fondée sur les preuves, la discipline est devenue incontournable. Elle permet de proposer des soins plus adaptés à un moindre coût. Pourtant, en France, les doctorats de maïeutique n’existent pas encore. Pour devenir chercheuses – et le rester -, les sages-femmes françaises ont emprunté des chemins détournés. Leurs bricolages ont cependant réussi à faire émerger la recherche en maïeutique et ont contribué à convaincre de son intérêt. Au point que la maïeutique devrait prochainement être reconnue comme une véritable discipline académique.

EN FRANCE, UNE DISCIPLINE INVISIBLE

Il était temps. « L’International Confederation of Midwives considère la recherche comme un composant essentiel de la maïeutique depuis les années 1980, rappellent Sophie Goyet et trois de ses consœurs sages-femmes chercheuses, qui signent un article sur le sujet dans la revue britannique Midwifery (1). Aux États-Unis, la recherche en maïeutique a été initiée par des sages-femmes, alors qu’elles devaient apporter les preuves des bénéfices de leurs interventions. Au Royaume-Uni, les sages-femmes étaient sous la pression des femmes qui questionnaient quelques-unes de leurs pratiques habituelles comme les lavements systématiques ou l’épisiotomie de routine. La Suède a commencé la recherche en maïeutique quand les universités ont intégré la formation des sages-femmes, en 1977. D’autres pays, comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suisse se sont engagés dans la recherche en maïeutique depuis 1989, après que soit reconnu “le besoin de faire de la recherche dans le but d’asseoir la maïeutique sur des preuves”. » Pour l’année 2016, les 4 autrices ont recensé 15 sages-femmes détentrices d’un doctorat. Depuis, ces dernières sont plus nombreuses. Leurs diplômes ont été principalement soutenus dans les champs de l’épidémiologie, de la santé publique, des sciences humaines et sociales ou des sciences de l’éducation.