Monstera deliciosa, Caladium, Alocasia, Pilea, Calathea… Ces noms ne vous disent rien ? Il ne s’agit pas de bactéries saprophytes, mais du Top five des plantes d’intérieur ! Si un cabinet de sage-femme n’est pas n’importe quel lieu de travail puisqu’il accueille un public particulier et exige une hygiène irréprochable, il a lui aussi tout à gagner à se végétaliser.
L’agencement de l’accueil et de la salle d’attente d’un cabinet répond à des exigences pratiques et des contraintes spatiales qui ne sont pas toujours en faveur du bien-être des patients. Pourtant, accueillir des femmes qui viennent pour une visite médicale n’est pas un acte tout à fait neutre : elles peuvent ressentir une certaine anxiété avant la consultation. Or depuis quelques années, plusieurs études sérieuses ont montré que la présence de plantes vertes dans un espace dédié à la santé est un facteur de réduction du stress. Une étude publiée en 2008 dans Preventive Medicine par une équipe de l’Université de Twente (Pays-Bas) a conclu que chez des personnes hospitalisées, cet effet existe parce que les plantes vertes augmentent la sensation de bien-être, mais aussi l’attractivité d’une pièce, qu’il s’agisse d’une chambre d’hôpital, d’une salle d’attente ou d’examen. De précédents travaux avaient aussi conclu qu’en présence de plantes vertes, il y a une meilleure tolérance à l’inconfort, voire à la douleur pendant un examen médical. Enfin, en 2009, deux chercheurs de l’Université du Kansas (États-Unis) ont montré que des patients en soins postchirurgicaux qui ont des plantes vertes dans leur chambre déclarent souffrir moins, dormir mieux et sortent plus tôt de l’hôpital que ceux qui n’en ont pas.
Des bénéfices démontrés
Plus généralement, la présence de plantes vertes dans un espace de travail a aussi été associée à un bien-être plus important pour les travailleurs. En 2008, une étude norvégienne auprès de 385 employés de bureau a montré que plus il y a de végétaux, plus les salariés se déclarent productifs, moins stressés, et moins il y a d’arrêts de travail. Il semblerait aussi qu’il y ait un effet bénéfique sur le taux de créativité ! Enfin, d’un point de vue pratique, si elles sont en quantité suffisante, les plantes vertes ont l’avantage d’atténuer les bruits (jusqu’à – 5 décibels) et d’entretenir un certain taux d’humidité dans une pièce (un effet intéressant par exemple lorsqu’on chauffe avec des radiateurs électriques qui assèchent beaucoup l’air). En revanche, pour ce qui est d’un éventuel effet dépolluant, gare aux idées reçues ! Des recherches menées à l’Université de Drexel (États-Unis) ont estimé qu’il faudrait entre 10 et 1000 plantes par mètre carré de surface au sol pour rivaliser avec un système de traitement de l’air d’un bâtiment, ou même simplement quelques fenêtres ouvertes ! En France, l’Agence de transition écologique (Ademe) estime quant à elle que l’argument « plantes dépolluantes » n’a aucun fondement scientifique au regard de la qualité de l’air intérieur.
Du mini-cactus au ficus géant, en passant par les bouquets de saison ou les plantes en terrarium, il y en a pour tous les budgets. La dépense peut s’effectuer en une seule fois, mais il est possible d’opter pour un système d’abonnement : il existe par exemple des offres de location de plantes vertes, avec entretien inclus, ou de livraisons régulières de bouquets de fleurs. Privilégier dans ce cas les sociétés qui proposent des fleurs locales et de saison comme Monsieur Marguerite ou Fleurs d’ici. On voit aussi fleurir de plus en plus de ventes éphémères spéciales « petit budget » organisées dans différentes villes par des jardineries comme Plantes pour tous, Le Goût des plantes ou Maison Bouture (à suivre sur les réseaux sociaux pour connaître les dates des prochaines ventes). Toutes ces dépenses sont bien sûr déductibles à 100 % tant fiscalement que pour la TVA, puisqu’elles concernent l’aménagement du lieu de travail et l’accueil de la patientèle.
Un entretien irréprochable
Nul doute que les plantes vertes nécessitent un minimum d’engagement et de soins. C’est d’autant plus important qu’il faut aussi veiller à minimiser les risques sanitaires vis-à-vis des patientes. Dans les recommandations professionnelles de la HAS publiées en 2007 sur « l’hygiène et la prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical », on peut lire que « les plantes, vases, aquariums et fontaines décoratives ne sont pas recommandés dans les zones de soins », mais rien de plus. Si l’on veut des conseils d’entretien, il faut aller les chercher outre-Atlantique dans la documentation des Centers for Diseases Control & Prevention (CDC) ou en Suisse dans le Programme cantonal d’hygiène, prévention et contrôle de l’infection (HPCi) du Centre hospitalier universitaire vaudois. On lit par exemple que pour les fleurs en vase, il est conseillé d’éviter celles qui ont des odeurs fortes (lys, roses, freesias…) et/ou sont potentiellement allergisantes (graminées, marguerites, chrysanthèmes…), qu’il faut changer l’eau tous les jours afin d’éviter la prolifération de micro-organismes et sécuriser l’emplacement pour éviter les risques de chute.
Quant aux plantes en pot, différentes études menées dans les années 1980 aux États-Unis – les toutes premières études sur la présence de plantes vertes dans les hôpitaux – ont révélé que le substrat peut constituer un nid de bactéries. On peut y retrouver des bactéries Gram positifs (Clostridium tetani dans la terre, Bacillus cereus dans la terre et dans l’eau…), des bacilles non fermentant (Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa dans la terre et l’eau) et des champignons (Aspergillus spp). Pour réduire au maximum les risques infectieux, même si ceux-ci n’ont finalement jamais été réellement démontrés, il faut être très vigilant sur l’arrosage : ni trop ni trop peu, en fonction des besoins de chaque plante. De même : ne jamais laisser d’eau stagnante dans une coupelle, vérifier qu’il n’y a pas de moisissure à la surface de la terre et nettoyer régulièrement le feuillage. Bien sûr, il est fortement déconseillé d’utiliser des pesticides ou engrais chimiques, et il est recommandé de porter des gants lors de l’entretien des plantes et d’avoir ensuite une hygiène des mains irréprochable. Pour minimiser les risques et/ou l’entretien nécessaire, on peut aussi opter pour des plantes en terrarium fermé, des végétaux stabilisés ou encore des jardinières aux fenêtres !
Artificielles ou en poster, ça marche aussi !
Comment réduire les risques et l’entretien au minimum ? Il suffit de s’orienter vers des plantes artificielles tout en conservant les bienfaits d’un environnement végétalisé.
En 2016, des chercheurs de l’Université de Melbourne (Australie) ont mené une étude transversale dans un centre de lutte contre le cancer de leur ville : la salle d’attente a été aménagée avec des plantes artificielles, un jardin de rocailles et des lés de papier peint au décor végétal.
Résultats publiés dans Health Environments Research & Design : 81 % des patients et du personnel médical ont apprécié cet environnement et seulement 67 % ont remarqué qu’il s’agissait de fausses plantes. Surtout, les trois quarts ont déclaré qu’il valait mieux ça que pas de plantes du tout. Pour autant, cela demande un minimum d’entretien ne serait-ce que pour éviter l’accumulation de poussière. La solution ultime pourrait bien être les images de plantes vertes ! En 2012, une étude comparative conduite dans le service de radiologie d’un grand hôpital néerlandais, publiée dans Journal of alternative and complementary medicine, avait en effet conclu que de simples posters de plantes avaient la même efficacité en termes de réduction du niveau de stress des patients que de vraies plantes.
■ Émilie Gillet