Le Collège national des sages-femmes de France s’est associé au réseau périnatal Oréhane, à l’URPS des sages-femmes des Hauts-de-France et aux PMI des cinq départements de la région pour la seconde édition de la Journée régionale Sages-femmes, qui s’est déroulée le 15 septembre à Amiens. Sous le titre « Être suivi par une sage-femme dans les Hauts-de-France en 2023 – Quels accompagnements pour les femmes et les couples ? », la journée se voulait dédiée aux retours d’expériences de terrain. Ainsi, l’après-midi s’est concentrée sur l’accompagnement à la naissance physiologique et à la sortie de maternité dans les Hauts-de-France.
DES PROGRÈS EN PHYSIO
Aujourd’hui, 1 femme sur 5 souhaiterait accoucher en maison de naissance (MDN) en France selon un sondage Ipsos. « Alors que les Hauts-de-France comptent le plus fort taux de natalité, l’offre de soins en maison de naissance est inexistante », a rappelé Armelle Boucher, sage-femme libérale à Saint-Quentin. Avec sa consœur Coralie Debeauvois, installée à Amiens, elles ont présenté le projet de MDN baptisé Naissance en N’Or. Cette dernière sera attenante à la maternité de Tourcoing. Reste à obtenir la validation de l’Agence régionale de santé et à réunir 1,5 million d’euros pour lancer les travaux. L’association compte recourir au mécénat privé, aux financements participatifs et à des subventions pour y parvenir.
En l’absence de MDN, la région dispose tout de même d’une petite offre d’accompagnement à la naissance physiologique. Élisabeth Le Meur, chargée de projets au réseau Oréhane, a recensé 28 salles natures et 5 ouvertures de plateaux techniques aux sages-femmes libérales, sur les 44 maternités des Hauts-de-France. Par exemple, la maternité de Tourcoing, de type 2A, qui réalise 1500 accouchements par an, dispose d’une baignoire de dilatation depuis 2007, du label IHAB depuis 2010 et d’une salle nature depuis 2018. Le plateau technique est ouvert aux libérales depuis 2019. Au total, le taux d’accouchement par voie basse sans péridurale s’y élève à 27 %. Et depuis avril 2021, la maternité est la première de la région à proposer les accouchements dans l’eau.
À la maternité des Hôpitaux publics de l’Artois, à Lens, les équipes ont douze ans de recul concernant l’utilisation de salle nature. Le protocole initial a été assoupli en 2017. Désormais, son recours est contre-indiqué uniquement aux femmes présentant une grossesse multiple, en siège, des anomalies du rythme cardiaque fœtal ou des antécédents psychiatriques majeurs. Près de soixante femmes y accouchent chaque année, soit 2 % des parturientes. Du côté de la maternité Jeanne-de-Flandre, du CHU de Lille, une salle nature est ouverte depuis 2022. « Nous pouvons accompagner un accouchement physiologique dans n’importe quelle salle, pour ne pas créer de déception en cas d’indisponibilité de la salle nature, souligne toutefois Marie Dumond, sage-femme clinicienne. En réalité, la physiologie n’est pas liée à une salle ou du matériel, mais surtout à la préparation à la naissance, à un accompagnement global en amont, à la présence continue d’une sage-femme et à l’implication de l’accompagnant. » De janvier à août 2023, le CHU répertorie 243 accouchements céphaliques à terme sans péridurale, soit 8,7 % des naissances, dont 47 % ont eu lieu en salle nature, avec 1 sage-femme pour 1 femme « presque tout le temps ». Alors que la maternité a pour projet de s’agrandir, l’ambition est que les vingt salles de naissance envisagées soient, « comme la salle nature », équipées d’un lit rond et de chaises d’étirement.
RETOUR À DOMICILE
En matière d’accompagnement du retour à domicile, sujet sensible depuis le désengagement des CPAM du Prado durant la pandémie de Covid-19, Laurent Gaucher, sage-femme membre du CNSF, a présenté les résultats d’une étude publiée en janvier dernier dans Gynécologie Obstétrique Fertilité et Sénologie (1). Au total, l’analyse des données de 1 297 646 dyades mère-enfant en bonne santé ayant accouché en France entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 a permis de comparer les issues concernant les dyades accompagnées dans le cadre du Prado et celles qui n’en ont pas bénéficié. Les mères et les enfants bénéficiant du Prado étaient respectivement 14,4 % et 6,28 % moins souvent réhospitalisés au cours du premier mois et les femmes étaient moins susceptibles de recourir à des soins psychiatriques. « Globalement, le programme d’aide à la prise de rendez-vous avant la sortie de l’hôpital a permis d’économiser 123 euros par dyade mère-enfant d’un point de vue sociétal à un an du post-partum », soulignait Laurent Gaucher. De leur côté, Estelle Poignet, sage-femme libérale et membre de l’URPS des sages-femmes des Hauts-de-France, et Marie-Agnès Delescluse, sage-femme territoriale et directrice adjointe de la PMI Nord, sont revenues sur l’historique de l’organisation des accompagnements des retours à domicile dans la région. Le retrait de la CPAM dans cette organisation a contraint les maternités à travailler directement avec les sages-femmes libérales et les PMI, mais des inégalités demeurent d’un département à l’autre. Alors que l’objectif est d’atteindre un taux de 80 % de suivi en post-partum dans les sept jours, une affiche a été réalisée avec la CPAM du Hainaut pour informer les femmes de la possibilité de ce suivi. Et un travail sur le parcours des femmes est en cours d’élaboration avec les CPAM des cinq départements de la région pour harmoniser les pratiques et ajouter des informations dans le calendrier de la grossesse fourni par la CPAM. Dans la même veine, la PMI du Nord a mis sur pied un groupe de travail pour s’approprier les recommandations en matière d’entretien postnatal précoce et diffuser un guide aux professionnels de santé. Ainsi, la journée a permis de partager des initiatives locales, témoignant des forces et des freins dans chaque territoire.
Activité physique : le Collège propose de nouveaux outils
À la suite de ses très riches RPC sur les interventions pendant la période périnatale, rendues publiques voilà deux ans (voir Profession Sage-Femme n° 271, mai 2021), le Collège national des sages-femmes propose des outils simples pour favoriser l’activité physique des femmes. Une affiche et des flyers, que l’on peut trouver en ligne sur le site du Collège, rappellent via des messages simples les bienfaits et contre-indications du sport et de l’activité physique pendant la grossesse tout comme après l’accouchement. Un troisième flyer est destiné aux sportives de haut niveau. Chaque flyer s’accompagne de courtes vidéos qui rappellent les messages clés, en ligne sur la chaîne YouTube du CNSF.
■ Nour Richard-Guerroudj
Pour en savoir plus :
(1) A. Caron, A. Rousseau, A. Brisacier, L. Courouve, L. Gaucher. Planification des retours à domicile après la naissance : évaluation clinique et économique du suivi d’un million de dyades mère-enfant pendant un an. Gynécologie Obstétrique Fertilité et Sénologie, Vol. 51, n° 1, p. 79 – janvier 2023