Handigynéco,un déploiement en trois phases

  1. L’Étude Handigynéco_IDF (2016-2017)
  2. Handigynéco en pratique (2018-2020)
  3. La démarche Handigynéco (2022-2026)

Dans le champ des inégalités sociales et territoriales, les premières victimes sont les femmes et particulièrement les femmes en situation de handicap. En 2016-2017, l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France confie à Catherine Rey-Quinio, médecin et conseillère médicale à la direction de l’autonomie, la mission de concevoir un programme pour améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap. Elle s’y attelle avec la sage-femme Frédérique Perrotte.
Cette mission nécessite au préalable un état des lieux précis, c’est l’Étude Handigynéco.

Phase I – 2016-2017

Étude Handigynéco Île-de-France

Diagnostic de la filière de soins gynécologiques et obstétricaux accueillant des femmes en situation de handicap sur le territoire francilien

Des femmes en déshérence de suivi gynécologique

Menée auprès de 1000 femmes en situation de handicap, l’enquête met en lumière la déshérence dans laquelle elles se trouvent trop souvent, en ce qui concerne leur suivi gynécologique et la prise en compte de leur vie affective et sexuelle :

  • Seuls 34 % d’entre elles bénéficient d’un suivi gynécologique régulier sur la base des recommandations de la HAS (dont 88 % sont satisfaites) ;
  • 85 % déclarent n’avoir jamais eu de mammographie ;
  • 26 % n’avoir jamais eu de frottis.

Des recommandations

L’Étude Handigynéco relève un certain nombre de blocages et débouche sur cinq recommandations :

  1. L’information sur l’offre disponible.
    Il est essentiel d’améliorer l’accessibilité à cette information et sa diffusion (une cartographie des ressources pour le parcours gynécologique des femmes en situation de handicap est désormais accessible à tous et mise à jour constamment) ;
  2. Sensibiliser et communiquer sur l’importance du dépistage et des conseils en gynécologie.
    Cette recommandation ne concerne pas uniquement les femmes et les familles, elle vise également les établissements médico-sociaux et tous les acteurs concernés ;
  3. Améliorer l’organisation des soins, parer l’insuffisance de l’accès aux soins, l’insuffisance des partenaires ;
  4. Former les différents acteurs.
    Pour pouvoir intervenir auprès des femmes en situation de handicap, il faut être formé ;
  5. Supprimer les différents freins financiers.

Phase II – 2018-2020

Étude Handigynéco en pratique

Intervention de sages-femmes en établissements médico-sociaux franciliens
Cette recherche-action s’inspire des recommandations issues de l’étude Handigynéco Île-de-France et se déroule de juin 2018 à la mi-2020. L’objectif stratégique de Handigynéco en pratique est de rendre possible la construction d’un parcours gynécologique cohérent pour les femmes en situation de handicap.

Aller vers

Face à la difficulté de déplacer la population concernée et dans une démarche d’« aller vers », les sages-femmes spécialement formées aux spécificités du handicap se mobilisent pour intervenir dans les établissements médico-sociaux.
Deux types d’interventions sont mises en place, en consultations individuelles et sous forme d’ateliers collectifs sur la Vie affective et sexuelle (VAS) et les Violences faites aux femmes (VFF).
L’Étude Handigynéco en pratique permet de dépister 47 pathologies chez 37 femmes, dont 74 % de nature gynécologique.
Sur le volet vie affective et sexuelle, elle met en lumière les connaissances limitées des femmes :

  • 88 % des sondées ne se déclarent pas satisfaites de leur vie affective et sexuelle ;
  • 57 % ne savent pas à quoi sert un préservatif ;
  • 56 % ne savent pas à quoi sert une contraception ;
  • 48 % ne connaissent pas les différentes parties de leur corps ;
  • 43 % désirent un suivi gynécologique (dépistage et prévention).

L’étude met en lumière le rôle capital que les sages-femmes ont à jouer auprès de cette population pour la conseiller et l’informer sur la VAS.
Sur le volet dépistage des VFF, 25 % des femmes consultées déclarent avoir subi des violences de types divers : physiques, sexuelles, verbales. La parole se libère en consultation individuelle, permettant parfois la mise en place de l’accompagnement nécessaire. 21 femmes en font la demande.

Conclusion de Handigynéco en pratique

C’est une extension des pratiques professionnelles des sages-femmes qui se dessine. Les actions menées ont permis de combler l’insuffisance de suivi gynécologique des femmes en situation de handicap. Elles ont contribué à la construction d’un parcours gynécologique à court, moyen ou long terme pour ces femmes en déshérence de suivi. La venue des sages-femmes sur les lieux de vie, dans les ESMS, cette démarche d’« aller vers », a permis de dépister des pathologies, ainsi que des violences subies. Les ateliers de sensibilisation ont montré leur efficacité tant auprès des professionnels que des personnes accompagnées, notamment en ce qui concerne le volet VAS.

Phase III – La Démarche Handigynéco (2022-2026)

Le déploiement national

Basée sur les recommandations du comité scientifique de l’Étude Handigynéco en pratique, la Démarche Handigynéco prend le relais en 2022. Elle vise l’ensemble des établissements médico-sociaux (ESMS) médicalisés (FAM, MAS, etc. ) et se poursuivra jusqu’en 2026.
En 2022, la Démarche Handigynéco se déploie sur trois régions : Normandie, Île-de-France et Bretagne.

L’exemple de la région Île-de-France

Sur la région Île-de-France, 77 sages-femmes libérales sont ou seront formées entre 2022 et 2026. Elles rejoindront la vingtaine de sages-femmes déjà déployées. Elles interviendront dans les 232 établissements médicalisés franciliens. À raison d’une consultation individuelle par an, 2600 femmes franciliennes bénéficieront du dispositif. 2000 ateliers collectifs seront par ailleurs organisés.
Le 16 février 2024 une note parue au bulletin officiel Santé, Protection sociale, Solidarité précise les modalités* du déploiement national :

  • la formation d’un professionnel de santé pour trois Maisons d’accueil spécialisées (MAS) et/ou (Foyers d’accueil médicalisés) FAM ;
  • des sensibilisations collectives de l’ensemble des professionnels des établissements ;
  • un accompagnement collectif des usagers en matière de Vie affective et sexuelle et de prévention des Violences faites aux femmes (sous forme d’ateliers) ;
  • le financement de consultations gynécologiques individuelles longues pour les femmes ;
  • l’achat de matériel adapté pour les consultations et l’accompagnement à la vie affective et sexuelle.

Un déploiement étape par étape

Le déploiement régional s’organise de la façon suivante : d’abord, il faut opérer une sélection parmi les sages-femmes libérales volontaires. Ensuite, une formation leur est dispensée pour les préparer à leur mission. Enfin, il y a l’appariement entre les sages-femmes et les établissements. Dans chaque région, un chef de projet organise, anime et accompagne les interventions des sages-femmes en
établissements. Il est en relation avec les centres médicosociaux sélectionnés, pour faciliter l’opération. Le chef de projet aide également les sages-femmes à repérer les ressources disponibles sur leur région, afin qu’elles puissent proposer un parcours de soins adapté à chaque patiente, dans une logique de « gradation des soins ». Enfin, il met à leur disposition une boîte à outils conçue pour les aider dans leur activité.

Pratique de la consultation gynécologique et Animation d’ateliers sur la vie affective sexuelle auprès de femmes en situation de handicap

C’est l’intitulé de la formation. Elle est destinée aux sages-femmes libérales déjà formées au suivi gynécologique. Cette condition est un prérequis.
La formation s’étale sur 3 jours en présentiel, avec un maximum de 15 personnes par session, afin qu’elle reste interactive et permette de faire des jeux de rôles.
Cette formation est organisée par l’institut de formation ALVEÏS de VYV3 Île-de-France. Elle est prise en charge par l’ARS, dans le cadre d’une convention incluant l’engagement à rentrer dans la démarche Handigynéco.

Rythme des interventions

Une fois formée, chaque sage-femme volontaire est mise en relation avec environ 3 établissements et suivra en moyenne 34 femmes, à raison d’une consultation par an. Elle pourra réaliser quatre ateliers collectifs à destination des professionnels et plusieurs à destination des personnes en situation de handicap.
Ceci représente une activité de 1 à 2 demi-journées par mois. Chaque consultation individuelle, payée sur les bases de tarification de la Sécurité sociale, est abondée de 52 euros. Les ateliers collectifs sont également rémunérés à hauteur de 50 euros de l’heure. Leur durée est de 2 heures pour les personnes hébergées 3 heures pour les professionnels.