Une confrontation brutale avec la mort L’analyse de huit études qualitatives a permis de faire émerger une métaphore globale résumant l’expérience vécue : « Être touchée par la mort tout en donnant naissance à la vie ». Trois grands thèmes ont été identifiés, à commencer par « Quand la mort rôde », qui relate le basculement soudain d’un moment de vie vers une lutte pour la survie. L’HPP est décrite comme une expérience sensorielle et psychique extrême : une peur aiguë de mourir, une douleur insoutenable et un sentiment de déconnexion du corps. Une femme témoigne : « J’avais perdu tellement de sang si rapidement que j’étais, en fait, en train de mourir et je pouvais me sentir mourir et m’éloigner en quelque sorte. » Certaines ont comparé la douleur à celle d’un acharnement physique : « Je me souviens que beaucoup de personnes se sont relayées pour me frapper l’estomac… J’essayais de les repousser. » Les gestes médicaux d’urgence – compression utérine, manœuvres manuelles – bien que nécessaires, sont vécus comme traumatiques et marquent durablement la mémoire corporelle. À cette souffrance s’ajoute la peur de laisser derrière soi un nouveau-né et un partenaire : « À la suite de ce que j’ai ressenti comme un frôlement de la mort, je suis plus anxieuse à l’idée de perdre mon partenaire ou mon bébé… » © istockphoto-1307751887 Une cicatrice émotionnelle durable Le second thème, « Vivre avec une cicatrice émotionnelle », décrit les répercussions post-traumatiques de l’HPP : fatigue persistante, difficultés à s’occuper du bébé, cauchemars, évitement d’une nouvelle grossesse. L’épreuve laisse un sentiment d’échec, de culpabilité et de solitude : « Je dois admettre que l’idée d’accoucher à nouveau me fait peur. J’ai presque l’impression d’avoir trompé la mort une fois et je ne veux pas tenter le sort. » Certaines femmes évoquent une forme de dissociation pendant l’hémorragie, avec un sentiment de vide ou d’absence. Pour d’autres, l’allaitement devient un…
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Comment dépister et accompagner les femmes victimes de violences ?
Assise sur la table de consultation, la patiente a une brûlure dans le dos. « J’ai lâché ma bouilloire », assure-t-elle à sa sage-femme. Cette sage-femme, c’est Claire Laval, plus jeune de quelques années. Ne sachant que dire, que faire, elle n’ose poser plus de questions. Elle sent bien pourtant que ce n’est pas cohérent. Aujourd’hui, Claire Laval ne réagirait plus de la même manière. Elle est désormais directrice de la Maison de soie à Brive et a intégré le réseau périnatalité Nouvelle-Aquitaine (RPNA) où elle intervient dans le champ des violences faites aux femmes. Avec Sabine Borel, sage-femme à l’hôpital de Bayonne, elles forment, mettent des outils à disposition et font du lien pour que tous les professionnels apprennent à mieux comprendre, repérer et orienter les victimes, y compris les sages-femmes et notamment pendant la grossesse. Poser la question Sabine Borel rappelle les trois notions clés pour une telle prise en charge : savoir, savoir-être et savoir quoi en faire. « Savoir, c’est se former pour comprendre pourquoi et comment on en arrive là. Dépasser la question qui vient d’emblée : « pourquoi elle reste ? »Ou « elle est déjà partie une fois, alors pourquoielle revient ? » », explique-t-elle.Elle ajoute : « Savoir, c’est comprendre les mécanismes d’emprise et les stratégies mis en place par l’auteur. » Claire Laval rappelle par exemple que les femmes font en moyenne sept allers–retours avant de quitter définitivement leur domicile.« Le savoir-être, reprend Sabine Borel, c’est savoir adopter la bonne posture : on n’est pas là pour être le grand sauveur, ni pour stigmatiser. » Enfin, le savoir quoi en faire consiste à réagir en adéquation avec la situation : faut-il appeler la police ? Faut-il l’orienter vers des associations ? Tout commence par le dépistage. Les recommandations — à commencer par celles de la Haute Autorité de santé (HAS) qui existent depuis 2020 – préconisent de poser la question systématiquement. Des outils existent...

Pas d’écran avant 6 ans : le cri d’alerte pour protéger le cerveau des enfants
Des dégâts bien visibles dans le quotidien Langage en retard, troubles de l’attention, sommeil perturbé, agitation motrice… « les professionnels de la petite enfance constatent les dégâts quotidiennement ». Longtemps, le message était : pas d’écran avant 3 ans. Mais les auteurs de la tribune appellent à étendre cette vigilance jusqu’à 6 ans. Leur message est limpide : « En 2025, le doute n’est plus permis ». Ce n’est ni la technologie de l’écran ni le contenu diffusé — même dit éducatif — qui est en cause, mais bien le principe même de l’exposition à un âge aussi vulnérable. « L’enfant n’est pas un adulte en miniature : ses besoins sont différents. » Le cerveau en développement : une mécanique fine, vite perturbée Le neurodéveloppement repose sur une alchimie subtile entre génétique et interactions multisensorielles avec le monde réel. L’enfant apprend en mobilisant tout son corps, tous ses sens, en lien avec des personnes, des objets, des sons concrets. Or, les écrans, au contraire, imposent un flot d’images rapides, de stimuli sonores et lumineux trop intenses, qui saturent l’attention sans nourrir la compréhension. « Ce flux compromet les connexions neuronales non encore consolidées, pouvant altérer durablement le fonctionnement de son cerveau. » En d’autres termes, l’enfant est sursollicité, mais mal stimulé. L’écran ne propose que des interactions appauvries, en deux dimensions, sans logique sensorielle ni communicative. Moins d’écrans, plus de liens Autre effet collatéral : la diminution des échanges au sein de la famille. Or, c’est dans ces moments partagés que se construisent les compétences langagières, sociales et émotionnelles. En réduisant ces interactions, les écrans « coupent le lien d’apprentissage du langage et des compétences socio-relationnelles ». Des risques physiques tout aussi préoccupants Les conséquences ne sont pas seulement cognitives. Les auteurs alertent aussi sur les effets physiques. L’exposition prolongée aux écrans peut provoquer une myopisation précoce, altérer la rétine en raison de la lumière bleue et...

Infléchissement de courbe pondérale inexpliqué : enquête au cœur d’un allaitement idéal
Cas clinique Anton* est né à terme, suite à un déclenchement par Syntocinon pour dépassement de terme. À la naissance, il est eutrophe, en bonne santé, et l’allaitement démarre sans difficulté particulière. Mme J.*, sa mère, avait suivi avec assiduité une préparation à la naissance, incluant un accompagnement spécifique à l’allaitement, afin de mettre toutes les chances de son côté. En effet, son premier allaitement avait été marqué par une prise de poids insuffisante à partir de la fin du troisième mois. Cela avait conduit à l’introduction de préparations pour nourrissons, puis au sevrage rapide face à une lactation devenue insuffisante. Pour éviter un nouvel échec, Mme J. a choisi d’être suivie par une sage-femme IBCLC dès le début de sa seconde grossesse. Un accompagnement régulier est donc mis en place dès la naissance, avec l’objectif de soutenir Mme J. et de prévenir toute baisse de lactation. Les trois premiers mois, tout semble parfait : transfert de lait efficace, succion optimale, aucune douleur lors des tétées. La prise de poids et les autres indicateurs d’une lactation satisfaisante sont au vert. Pourtant, au cours du deuxième trimestre, la courbe de poids d’Anton commence à s’infléchir progressivement, sans qu’aucune cause évidente ne soit identifiée. La lactation paraît toujours efficace. Un ECBU est prescrit pour rechercher une infection urinaire : il revient stérile. Face à la réapparition de cette problématique dans un contexte pourtant optimal, une anamnèse approfondie est reprise. Aucun trouble hormonal n’est détecté (le bilan thyroïdien est normal) et aucune anomalie anatomique (type hypoplasie mammaire) n’est suspectée. La succion d’Anton reste bonne. C’est alors que nous explorons l’alimentation de la mère. Mme J précise qu’elle est végane et qu’elle a cessé sa supplémentation en vitamines après l’accouchement. La reprise d’une complémentation en vitamine B12 est aussitôt recommandée. Un dosage biologique viendra confirmer la...