La patientèle constitue l’un des éléments du « fonds libéral », l’équivalent, avec le matériel médical, informatique et les locaux professionnels, d’un fonds de commerce pour les commerçants. La sage-femme « cédante » transfère sa patientèle à la sage-femme « cessionnaire » qui la lui achète. Il s’agit d’une opération particulière puisqu’il faut veiller au respect du libre choix de leur sage-femme par les patientes, évaluer financièrement la valeur de la patientèle, et déclarer la cession, afin de remplir les obligations administratives et fiscales qui en découlent.
Les obligations lors de la cession
La cession de patientèle libérale doit obligatoirement s’effectuer par contrat écrit.
Le Code de la santé publique prévoit certaines mentions qui doivent obligatoirement apparaître dans le contrat sous peine de nullité. Le Conseil de l’Ordre des sages-femmes met à disposition un modèle de contrat type, qui prévoit également des mentions obligatoires. Il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé ou un expert-comptable pour l’évaluation de la valeur de la patientèle et la rédaction du contrat.
Aucun texte n’encadre la fixation du prix de la patientèle libérale, d’où l’importance de consulter un spécialiste. En général, le prix est déterminé à partir de la moyenne du chiffre d’affaires brut des trois dernières années. Certains facteurs peuvent faire varier ce prix : région, local, ancienneté du cabinet, concurrence, etc. Le prix de vente est fixé à partir d’un pourcentage de la moyenne calculée.
La patientèle peut également être cédée gratuitement. Il faudra alors obligatoirement le mentionner dans le contrat. Cependant, cette cession se rapproche d’une donation entre tiers. Lors d’une cession gratuite, les droits de mutation sont à hauteur de 60 % de la valeur de la patientèle.
NB : Des taxes sont à prévoir lors de la cession d’un fonds libéral : sur le matériel, les plus-values de cession de patientèle sont imposées à un taux de 31,5 %.
Le contrat de cession doit inclure plusieurs éléments :
- l’objet du contrat : cession totale ou partielle ;
- la date de prise d’effet du contrat : il convient de prévoir une durée de présentation, c’est-à-dire un moment pendant lequel la sage-femme cédante va présenter aux patientes la nouvelle sage-femme, avant que la cession soit effective ;
- les modalités d’informations de la patientèle : informations sous forme d’affichage, présentation de la sage-femme successeure.
L’acheteur doit faire enregistrer l’acte de cession auprès des impôts dans le mois qui suit la signature et s’acquitter alors des droits d’enregistrement calculés sur la valeur de la cession. La patientèle peut être cédée dans le cadre d’une cession totale du fonds libéral, ou elle peut être cédée seule, généralement dans le cadre de l’installation d’un nouvel associé.
La cession totale d’un fonds libéral correspond à la cession de tous les éléments du fonds : la sage-femme cédante transmet à la sage-femme cessionnaire, en même temps que la patientèle, le matériel,
le mobilier, le droit au bail… la totalité de son cabinet.
Dans le contrat de cession totale, le droit au bail est obligatoirement transféré à la sage-femme cessionnaire, dans des conditions identiques. Le bailleur ne peut s’opposer à ce droit. En cas de cession totale, la sage-femme cédante doit s’engager à ne pas se réinstaller dans le secteur où elle exerçait. Une indemnité supplémentaire peut être fixée pour compenser cette obligation de non-concurrence que la sage-femme cédante s’engage à respecter. La sage-femme cédante doit également mettre à disposition de la sage-femme cessionnaire sa ligne téléphonique et les fichiers des patientes, et faire en sorte que la cessionnaire puisse exercer directement son activité.
La cession partielle consiste à céder seulement une partie du fonds libéral, par exemple la patientèle, d’un professionnel libéral. L’opération de cession partielle d’un fonds correspond généralement à l’association d’un nouveau collaborateur au sein du cabinet d’exercice libéral. Il faut au préalable obtenir l’accord des autres associés dans le cabinet et gérer ensemble les nouvelles conditions d’exercice (contrat d’exercice en commun…).
Le libre choix des patientes de choisir leur sage-femme
La cession de patientèle est un acte un peu particulier puisque les patientes sont libres de choisir leur sage-femme. La relation créée avec la sage-femme se construit au cours des consultations et la cession ne peut garantir que toutes les patientes poursuivront la relation avec la nouvelle sage-femme.
La sage-femme cédante doit préalablement informer ses patientes du changement et de leur droit de ne pas poursuivre leur relation avec la nouvelle sage-femme. Pour respecter la continuité des soins, tous les documents administratifs et les dossiers médicaux sont transmis à la nouvelle sage-femme cessionnaire.
Le rachat de patientèle permet de démarrer une activité libérale sereinement, sans l’angoisse de la page blanche sur le carnet de rendez-vous. Mais il doit être préparé soigneusement, avec l’aide de professionnels, pour fixer un prix juste et effectuer toutes les démarches nécessaires à une transaction en bon ordre.
■ Marie Josset-Maillet, avocate