Covid-19 : Dans l’Est, des soignants immunisés

L’analyse d’échantillons prélevés chez une petite cohorte de personnes ayant développé une forme mineure de Covid-19 montre que l’immense majorité d’entre elles ont développé une immunité potentiellement protectrice.

Bonne nouvelle sur le front de l’épidémie : à Strasbourg, presque tous les soignants qui ont récupéré de symptômes modérés de Covid-19 semblent désormais immunisés contre la maladie. Ils auraient même, pour l’essentiel, développé des anticorps neutralisant le virus. C’est tout au moins ce que tend à montrer une nouvelle étude sur le sujet, même s’il faut prudence garder, car la publication, parue sur un site de « preprint », n’a pas encore été revue par les pairs. Si elle est vérifiée, l’information est importante car jusqu’à présent, on pensait que les personnes ayant eu des symptômes mineurs étaient peu ou pas immunisées. Et l’on ne savait pas non plus si cette immunité protégeait d’une hypothétique réinfection. 

Réunis sous la houlette d’Olivier Schwartz, du département de virologie de l’Institut Pasteur, à Paris, et d’Arnaud Fontanet, de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur, également à Paris, vingt-deux médecins et chercheurs, dont la moitié œuvrent à Strasbourg, ont été réunis pour ce travail. 

PAS DE SAGE-FEMME CONCERNÉE

Entre le 6 et le 8 avril, tous les soignants des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui ont eu une rt-PCR positive pour le Sars-Cov-2 ont été invités à participer. A priori, aucune sage-femme n’était concernée. Seuls « des médecins, des infirmières, des kinésithérapeutes, des dentistes, des étudiants en médecine, des aides-soignantes, des assistants et du personnel administratif » ont participé. Au total : 162 personnes. Mais deux personnes ont ensuite été exclues de la cohorte car leurs symptômes se sont aggravés et elles ont dû être hospitalisées. Globalement, la population concernée était jeune, entre 26 et 44 ans, avec un âge médian de 32 ans. Un tiers d’hommes et deux tiers de femmes. Les professions les plus touchées étaient des internes (28 %), des médecins (20 %) et des infirmières (19 %).

En plus des informations habituelles sur son état de santé, chacun a dû fournir des détails sur son infection, comme la date du test, la date du début des symptômes et une description de ces derniers. Un échantillon sanguin a également été prélevé sur chaque participant. 

Pour les auteurs de l’article, ce cluster survenu parmi le personnel hospitalier de Strasbourg résulterait de la réunion évangélique qui avait rassemblé 2500 personnes à Mulhouse entre le 17 et le 24 février, un événement désormais qualifié de « supercontaminant.» Les soignants contaminés déclarent quant à eux, pour une petite moitié (46 %), avoir eu un contact avec un patient Covid + en salle de soins ou d’urgence. Un petit quart (24 %) déclarent de leur côté avoir eu des contacts avec un cas Covid + à l’extérieur des salles de soins. La quasi-totalité des soignants (96,9 %, soit 155 personnes sur 160) ont déclaré des symptômes typiques de la maladie (toux sèche, fièvre, dyspnée, anosmie ou agueusie). Pour la moitié d’entre eux, seuls 2 jours se sont écoulés entre le début des symptômes et le test de détection du génome viral par rt-PCR, puis 24 jours pour le test sérologique.

Tous les échantillons sanguins ont été examinés à l’aide de deux tests sérologiques : un test rapide développé par Biosynex, chargé de détecter le domaine de liaison de l’anticorps qui reconnaît la protéine Spike à la surface du Sars-Cov-2, et un autre plus lent, baptisé S-Flow et développé par l’Institut Pasteur, qui repose sur de la cytométrie de flux et mesure les anticorps qui se lient à la protéine Spike. Le test rapide est présenté comme ayant une spécificité estimée à 99,4 % pour les IgM (ces immunoglobulines qui apparaissent alors que l’infection est encore en cours), 100 % pour les IgG (celles qui sont censées protéger l’organisme à plus long terme) et 99,4% pour les résultats combinés IgG/IgM. Des échantillons sanguins prélevés avant l’épidémie ont permis de comparer les résultats.

DES ANTICORPS NEUTRALISANTS

Le test lent par cytométrie de flux a permis de détecter des anticorps chez 159 patients sur 160, avec une spécificité de 99,4 %. Globalement, ce test a mis en évidence un signal plus élevé sur les échantillons prélevés entre 28 et 41 jours après le début des symptômes, comparés à ceux prélevés entre 13 et 20 jours. L’échantillon qui n’a pas donné de réponse a été prélevé 18 jours après le début des symptômes. Le test rapide paraît quant à lui mieux détecter les IgM que les IgG.

« La proportion d’échantillons avec une activité neutralisante augmente avec le temps », écrivent les auteurs de l’étude, pour atteindre un maximum sur la dernière période, entre 28 et 41 jours après le début des symptômes.

Pour aller plus loin, les auteurs ont noté de nombreux facteurs et les ont passés à la moulinette statistique de l’analyse multivariée. S’ils ne notent aucune association entre l’activité neutralisante des anticorps et l’agueusie, l’anosmie ou la fièvre, ils auraient en revanche mis en évidence une association entre une « haute activité neutralisante » et une toux sèche, le sexe masculin, un IMC élevé.