Le contrôle d’activité par l’Assurance Maladie 

L’Assurance Maladie a fait de la lutte contre la fraude un axe d’actions prioritaires depuis une dizaine d’années, les dépenses de santé financées par la solidarité nationale s’élevant à près de 230 milliards d’euros par an. Elle contrôle les assurés, afin de vérifier qu’ils ont bien droit aux prestations versées, mais également les professionnels de santé, afin de lutter contre toute dépense indue ou frauduleuse.

En septembre 2022, l’Assurance Maladie a présenté sa nouvelle stratégie globale de lutte contre la fraude, afin de multiplier les contrôles, grâce notamment à des moyens de détection et de contrôle modernisés (outils prédictifs, travail sur les données, mise en place de task forces nationales…).

Depuis 2012, 2,2 milliards d’euros de préjudices financiers ont été détectés et stoppés, dont près de 220 millions d’euros en 2021 et 315,8 millions d’euros en 2022. L’objectif de l’Assurance Maladie est d’atteindre 500 millions d’euros de préjudices financiers détectés et stoppés par an. 

© D.R.

CONTRÔLES PLUS NOMBREUX

En 2023, les contrôles ont donc été amplifiés auprès des assurés comme des professionnels. De nouveaux outils sont utilisés, par exemple la possibilité de mener des cyber-enquêtes ou de déconventionner temporairement ou en urgence un professionnel fraudeur.

L’activité d’un professionnel de santé libéral peut donc être contrôlée à tout moment par les services de ­l’Assurance Maladie. Le contrôle peut s’inscrire dans le cadre d’un programme thématique de contrôles établi par l’Assurance Maladie ou être déclenché par la détection d’activités atypiques statistiquement ou d’incohérences, voire faire suite à un signalement ou un témoignage.

C’est généralement une activité atypique ou une hyperactivité du professionnel qui va déclencher le contrôle d’activité, par exemple lorsque le professionnel a un chiffre d’affaires jugé trop important par rapport à la moyenne régionale.

Si les sages-femmes sont pour l’instant moins concernées par ces contrôles que les infirmières, les kinésithérapeutes ou les chirurgiens dentistes, un contrôle d’activité peut être une véritable épreuve, pour laquelle il faut être informée et accompagnée. Même si, dans la majorité des cas, la fraude n’est pas établie (c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’intention frauduleuse de la part du professionnel), la procédure peut être complexe, les délais pour se défendre sont extrêmement courts et les sanctions peuvent être lourdes. 

À la suite de ce contrôle d’activité, l’Assurance Maladie peut engager diverses procédures à l’encontre du professionnel contrôlé. Le contrôle d’activité peut être effectué par les services administratifs de l’Assurance Maladie ou par le service du contrôle médical. 

Lorsque les services administratifs de l’Assurance Maladie effectuent un contrôle d’activité, ils vérifient la réalité et la qualité de la dispensation des soins : il s’agit d’un contrôle sur pièces (données issues du système d’information de l’Assurance Maladie) sans examen médical du patient. Aucune appréciation d’ordre médical ne pourra être faite. Des agents agréés et assermentés, placés sous la responsabilité du directeur de la caisse, sont alors envoyés par les organismes de sécurité sociale auprès des patients pour recueillir leur témoignage quant à la réalité des soins effectués par le praticien (constatations opérées par eux, prise de témoignages, questionnaire avec indication de la nature des soins et leur date). 

De son côté, le service du contrôle médical est composé de médecins conseils nationaux, régionaux et praticiens conseils de l’échelon local d’une caisse. Lorsqu’ils effectuent un contrôle, ils peuvent examiner les données issues du système d’information de l’Assurance Maladie, consulter les dossiers médicaux, entendre et examiner les patients. 

Le service du contrôle médical :

  • vérifie la réalité des actes cotés, 
  • détermine si les soins étaient justifiés, 
  • constate la bonne ou mauvaise qualité des soins, 
  • recueille des informations des patients sur la manière dont les soins ont été effectués.

LE DÉBUT DU CONTRÔLE 

Lorsque le service médical entend procéder à un contrôle de l’activité d’une sage-femme, elle en est avisée par lettre recommandée avec accusé de réception. Cet avis de contrôle contient également des informations sur le déroulement et la Charte du contrôle d’activité des professionnels de santé réalisée par l’Assurance Maladie. Le service du contrôle médical doit également informer la sage-femme de l’identité des patients qui seront auditionnés et lui fournir la liste de ces patients. 

Ces informations ne seront pas délivrées par le service du contrôle médical dans le cas où une fraude est suspectée. L’absence d’information doit alors être justifiée par la caisse qui doit établir en quoi le contrôle d’activité a pour but de démontrer une fraude.

NB : 
• Dès que la sage-femme est informée de la liste des patients qui seront auditionnés, il est recommandé qu’elle les contacte afin de recueillir elle-même des attestations auprès de ces patients (réalisées sur formulaire Cerfa n° 11527*03) et/ou de leurs proches.
• Il est essentiel de conserver une copie de l’ensemble des courriers (ainsi que les enveloppes faisant foi de la date d’envoi ou de réception) adressés par les organismes de sécurité sociale, que le contrôle soit réalisé par le service administratif ou le service médical. Cela permet de s’assurer du respect par l’organisme de contrôle des délais prévus par le Code de la Sécurité sociale. 

LE CONTRÔLE D’ACTIVITÉ EN PRATIQUE

Le contrôle d’activité lui-même n’est soumis à aucun délai et peut donc s’étaler sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Il porte sur deux éléments : 

  • le service médical analyse les éléments détenus par les organismes de sécurité sociale et ceux fournis par la sage-femme. Il est en droit de demander à la sage-femme l’ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à la période d’activité examinée ; 
  • le service médical entend et examine les patients.

NB : La sage-femme doit s’attacher à produire tout ce qui est sollicité par le service du contrôle médical, mais n’a pas forcément intérêt à fournir davantage d’éléments qui pourraient venir remettre en cause la régularité d’un acte fourni.

L’ISSUE DU CONTRÔLE D’ACTIVITÉ 

Si une absence d’anomalie est constatée par le service médical, la sage-femme en est avisée et cela met un terme à la procédure. 

En cas d’anomalie constatée, ce qui est généralement le cas, le service médical informe la CPAM des irrégularités constatées. 

¬ La notification des griefs 

À l’issue du contrôle, le service du contrôle médical informe la sage-femme concernée de ses conclusions et la caisse détaille les anomalies constatées par rapport aux règles législatives, réglementaires ou conventionnelles régissant la couverture des prestations sociales. 

La caisse notifie alors à la sage-femme les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. 

En général, les griefs retenus par le service médical se décomposent ainsi : 

  • Actes non constatés ou non réalisés, 
  • Doubles facturations d’actes, 
  • Abus d’actes (actes non médicalement justifiés), 
  • Facturation d’actes hors nomenclature et actes non remboursables, 
  • Actes non conformes aux données acquises de la science, 
  • Facturations non conformes à la NGAP ou à la CCAM.

¬ La demande d’entretien

À compter de la réception de la notification des griefs, la sage-femme a un mois pour demander à être entendue par le service du contrôle médical, afin de pouvoir s’expliquer et argumenter sur les dossiers des patients examinés et les griefs formulés à son encontre.

NB : 
• La sage-femme a tout intérêt à accepter l’entretien proposé. À défaut, le délai de trois mois, imparti à l’organisme de sécurité sociale pour informer des suites qu’elle envisage de donner aux griefs, courra à l’expiration du délai d’un mois de la notification de ces mêmes griefs. C’est une étape importante qui permet à la sage-femme de se défendre.
• La sage-femme a la faculté de faire des observations pour chacun des griefs qui lui sont faits. Il est important de reprendre chaque patient et chaque grief et de répondre de façon détaillée sur ce qui est reproché. Pour ce faire, la sage-femme est en droit d’exiger la communication par le service médical des procès-verbaux d’audition des patients et des attestations recueillies.

¬ L’entretien à l’issue du contrôle d’activité 

Pendant cet entretien, la sage-femme peut s’expliquer sur les griefs qui lui ont été notifiés. Il sera basé sur les conclusions du contrôle d’activité et sur les observations formulées en réponse par la sage-femme. 

Lors de l’entretien, la sage-femme peut se faire assister par un membre de sa profession.

Cet entretien fait l’objet d’un compte-rendu qui sera adressé à la sage-femme, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours. 

À compter de sa réception, la sage-femme dispose d’un délai de quinze jours pour le renvoyer signé, accompagné d’éventuelles réserves. À défaut, il est réputé approuvé. 

NB : Il est dans l’intérêt de la sage-femme de renvoyer ce compte-rendu signé, en confirmant qu’elle maintient ses observations en réponse à chacun des griefs.

¬ L’avis donné par l’organisme de sécurité sociale quant aux suites envisagées 

À l’expiration du délai de quinze jours de la réception du compte-rendu d’entretien, l’organisme de sécurité sociale dispose d’un délai de trois mois pour faire connaître à la sage-femme les suites qu’il entend donner aux griefs initialement notifiés. 

Dans son avis faisant suite au contrôle d’activité réalisé, la CPAM indique la ou les procédure(s) qu’elle entend poursuivre à l’encontre de la sage-femme. Plusieurs procédures peuvent être mises en œuvre par les organismes de sécurité sociale : 

  • le recouvrement de l’indu correspondant auprès du professionnel de santé, 
  • les pénalités financières, 
  • la plainte devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de l’Ordre des sages-femmes (ou contentieux du contrôle technique), 
  • la plainte devant la chambre disciplinaire de l’Ordre des sages-femmes, 
  • la procédure conventionnelle, 
  • la procédure pénale, 
  • la transaction.

Le contrôle d’activité peut survenir à tout moment pour une sage-femme libérale. C’est une procédure qui peut être lourde, en termes de charge de travail et de conséquences. Il est fondamental de ne pas le prendre à la légère et de se faire assister par un membre de sa profession qui connaît la procédure ou par un avocat compétent en la matière. Il faut apporter des réponses précises et des arguments détaillés pour se défendre et prêter une grande attention aux délais qui sont courts. 

Si dans la majorité des cas les professionnels contrôlés sont de bonne foi et qu’aucune fraude (intentionnelle) ne peut être établie, les anomalies constatées résultent en général d’une pratique jugée non conforme par les services de contrôle de l’Assurance Maladie qui perdure. Même si le professionnel est de bonne foi, les actes mal cotés ou qualifiés d’injustifiés seront déclarés indus et devront être remboursés par le professionnel à l’Assurance Maladie. Les sommes peuvent être très importantes et des pénalités financières peuvent y être ajoutées. 

■ Marie Josset-Maillet, avocate