Nathalie Piquée : pour une IA périnatale ancrée dans l’expérience et l’unicité

La dépression du post-partum touche environ une mère sur cinq, avec des formes cliniques parfois silencieuses, souvent sous-diagnostiquées. Si la parole s’est libérée ces dernières années, le tabou persiste dès lors que les affects exprimés contredisent l’imaginaire social d’une maternité épanouie. La souffrance psychique maternelle peut s’exprimer par des plaintes somatiques, de l’agacement envers l’enfant, de la culpabilité diffuse ou un retrait affectif. Autant de signaux silencieux que les sages-femmes, en première ligne, sont appelées à capter avec finesse.

Mais ces signaux sont difficiles à repérer d’emblée. La souffrance se camoufle souvent derrière un  « ça va » de façade ou dans une posture parentale sur-adaptée qui masque l’effondrement intérieur. Les professionnel-les manquent parfois de repères concrets pour identifier ces zones grises où la parole ne suffit pas. Pour les 3 000 professionnel-les qui la connaissent, c’est dans cette optique que la cartographie Urkind®* a été développée : un outil visuel et relationnel permettant aux parents d’exprimer des états internes difficiles à verbaliser. En révélant l’invisible, cette cartographie ouvre une écoute éthique vers la reconnaissance d’une souffrance parentale.  Mais parfois ce temps d’écoute est bousculé. Par manque de temps, de formation ou parce que les récits maternels résonnent douloureusement avec les propres failles du soignant. Accompagner une mère en souffrance, c’est s’exposer à ses ambivalences, à ses silences. C’est aussi contenir ses projections, tout en restant présent sans se dissoudre, c’est mobiliser des compétences relationnelles et émotionnelles inopérantes dans les grilles d’évaluation classiques. La clinique périnatale engage un haut niveau de présence. Elle requiert une capacité d’accordage à l’autre, mais aussi à soi-même. Et pourtant, peu d’espaces sont offerts aux professionnels pour interroger cette présence, pour affiner leur posture dans les situations complexes, pour éprouver en sécurité ce que réveille l’accompagnement de la douleur psychique. Dans ce contexte, de nouveaux outils émergent. Loin des fantasmes de robotisation du soin, l’IA peut, lorsqu’elle est pensée avec éthique et sens clinique, soutenir chacun dans un travail d’ajustement. Non pas en remplaçant la relation, mais en la préparant. En aidant à reconnaître les signaux silencieux. En renforçant les capacités d’empathie active et de régulation émotionnelle. Une IA immersive au service de l’alliance thérapeutique Dans un contexte où l’IA suscite autant d’espoir que de crainte, la méfiance des sages-femmes est légitime. Comment une machine pourrait-elle saisir la…

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