Dossier

« L’accouchement est politique ! »

Laëtitia Négrié et Béatrice Cascales ont cherché à comprendre pourquoi la question des violences obstétricales a été longtemps invisible et pourquoi les féministes françaises n’en ont pas fait un sujet d’étude et de revendication jusqu’ici. Plus profondément, faisant leur l’analyse de quelques féministes de la troisième génération, elles examinent pourquoi les mouvements féministes  ont délaissé l’étude de ce qui se joue entre les acteurs soignants et les femmes au moment de l’accouchement. Et pourquoi « la reconnaissance du caractère politique du privé semble ne pas concerner l’accouchement » ? En préambule, les deux femmes décrivent leur parcours personnel, amenant l’une de la maternité au féminisme et l’autre du féminisme à la maternité, révélant déjà les difficultés d’une génération de femmes à connecter ces aspects de leur vie. Dans un premier chapitre où les sages-femmes reconnaîtront les pratiques médicales actuelles, elles analysent les conditions du suivi de la grossesse et de l’accouchement, qui forment « une atteinte invisible au droit à disposer de son corps ». Cela a été rendu possible historiquement par une dissociation passée inaperçue entre le caractère intime et sexuel de l’accouchement et le travail procréatif. « D’un côté la sexualité est dissociée de la maternité, et cette dissociation participe à émanciper les femmes. De l’autre, l’accouchement est séparé de la sexualité, et cette dissociation-là participe à leur oppression », argumentent-elles. En outre, le pouvoir médical comme les féministes institutionnelles ont partagé une même vision d’un accouchement « naturellement » dangereux. Femmes incapables, inaptes dans leur essence à donner la vie sans assistance. Pourtant, paradoxalement, les mouvements féministes dominants ont délaissé la question de l’accouchement justement pour ne pas tomber dans l’essentialisme, dénoncé par ailleurs comme un outil de la domination patriarcale. Au final, la salle de naissance apparaît comme un « musée » du patriarcat, selon les auteures, permettant de révéler des rapports de domination. La surmédicalisation de...

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Violence obstétricale : de quoi parle-t-on ?

Épisiotomie sans consentement, touchers vaginaux abusifs, plaisanteries grasses ou propos humiliants, absence d’information ou de consentement, actes médicaux non expliqués ou non justifiés. Sur Internet, les femmes témoignent et les polémiques se multiplient. Comment en est-on arrivé là ? SCANDALES RÉPÉTÉS Février 2012, le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) lance une enquête en ligne sur le vécu de l’accouchement. Les analyses successives soulignent l’immense marge de progrès à combler en matière d’information et de consentement des patientes. Le 21 mars 2014, Agnès Ledig, sage-femme et romancière, révèle la pratique du point du mari, scandale repris dans les médias traditionnels et sur Internet. Le 9 novembre 2014, une étudiante en pharmacie lance le hashtag PayeTonUtérus sur Twitter, appelant à des témoignages de femmes sur les consultations gynécologiques. En 24 heures, 7 000 témoignages affluent. Le 28 janvier 2015, un pharmacien diffuse sur Twitter des documents de l’université de Lyon Sud sur la pratique des touchers vaginaux sur patientes endormies. Suite à ces révélations, en février 2015, le Tumblr (micro blogging participatif) intitulé « Je n’ai pas consenti » est lancé par Béatrice Kammerer, journaliste et fondatrice du blog lesvendredisintellos, Anne-Charlotte Husson, chercheuse à l’École normale supérieure de Lyon et auteure du blog Genre !, Clara de Bort, directrice d’hôpital et spécialiste des questions de violences en milieu de santé, et Marie-Hélène Lahaye, juriste et auteure du blog marieaccouchela. Là encore, les témoignages de maltraitances se multiplient jusqu’à la nausée. En parallèle, les quatre femmes publient une tribune sur le « Consentement, point aveugle de la formation des médecins », cosignée par 72 personnes et organisations, dont le Ciane et plusieurs associations féministes. L’affaire des touchers vaginaux sans consentement prend de l’ampleur jusqu’à une condamnation de ces actes par la ministre de la Santé dix mois plus tard. En avril 2016, l’Association française pour l’accouchement respecté,...

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