Il est d’usage que des professionnels soumettent des propositions aux élus de la nation, soit directement sous forme d’amendements pré-rédigés, soit lors d’auditions parlementaires. Il est moins classique qu’un groupe professionnel rédige une proposition de loi entière. Dénonçant l’état préoccupant de la périnatalité, de la santé des femmes et de la situation des sages-femmes, les syndicats et associations de sages-femmes ont pris le parti de le faire. Le texte a été rendu public le 5 mai dernier, à l’occasion de la Journée internationale des sages-femmes. Une campagne visuelle a aussi été déclinée sur les réseaux sociaux pour faire connaître l’initiative.
DES PROPOSITIONS AMBITIEUSES
L’Anesf, l’ANSFC, l’ANSFL, l’ANSFT, la CNEMa, le CNSF, l’ONSSF, l’UNSSF et l’Ordre des sages-femmes se sont mis d’accord sur pas moins de 22 articles. Seules la Société française de maïeutique, peu active et peu visible, et l’Association pour l’accompagnement de l’accouchement à domicile (Apaad) n’ont pas signé le texte. Alors que les divisions entre organisations ont desservi la profession jusqu’ici, la publication de cette proposition de loi (PPL) est une affirmation publique d’union.
Dans la lignée du Livre blanc des sages-femmes, le texte propose d’abord de demander un rapport sur la santé sexuelle et reproductive des femmes, préalable à la tenue d’États généraux sur ce thème. Pour améliorer la santé des femmes, elle demande que chaque projet régional de santé comporte un volet dédié à la santé génésique des femmes. Elle plaide notamment pour la mise en place de trois rendez-vous de santé sexuelle aux différents âges de la vie, la création de consultations de gynécologie adaptées pour les personnes en situation de handicap, l’élargissement de la durée de l’assurance maternité à 100 % pour y intégrer les entretiens prénataux et postnataux, le remboursement à 100 % des consultations post interruption -spontanée ou volontaire de grossesse réalisées par une sage-femme. Elle propose aussi la mise en place de mesures pour garantir la liberté de choix du lieu d’accouchement, sans pourtant mentionner l’accouchement à domicile. Le texte plaide également pour une définition juridique des violences gynécologiques et obstétricales.
Pour améliorer la situation des sages-femmes, la proposition de loi entend renforcer les effectifs dans les maternités, supprimer la liste limitative de prescription médicale de la profession et permettre aux sages-femmes de prescrire des arrêts de travail sans limitation d’indication ou de durée. Elle demande aussi la reconnaissance du caractère médical de la profession via l’amélioration des rémunérations et la valorisation des actes, ainsi qu’une reconnaissance statutaire. « L’obtention du statut de praticien hospitalier, à l’instar des autres professions médicales, avec un droit d’option pour les professionnelles en exercice, est plus que jamais nécessaire », souligne le communiqué de presse commun.
BASE DE TRAVAIL
Il est trop tôt pour connaître l’accueil qui sera réservé par les députés et sénateurs à cette proposition de loi, rendue publique début mai. Les élus apprécient-ils qu’on s’attribue leur rôle législatif à ce point ? La vague féministe est-elle propice à une bonne réception de ces propositions ? Une chose semble certaine : étant donné la longueur du texte, il est peu probable que la proposition soit reprise et portée intégralement par des élus, mais elle pourrait constituer une base de travail. « La réception des députés est positive et plusieurs se montrent intéressés, nous a indiqué l’attachée de presse du CNOSF. Certaines parties du texte pourraient être intégrées dans d’autres propositions de loi de parlementaires qui seront prochainement débattues. »
■ Nour Richard-Guerroudj