Santé sexuelle : la nouvelle stratégie gouvernementale

Présentée début décembre, la nouvelle feuille de route pour la stratégie nationale de la santé sexuelle se concentre sur la prévention des IST et l’éducation des jeunes. Au passage, elle annonce une extension des compétences des sages-femmes.

Le nombre de personnes qui souffrent d’IST n’a cessé d’augmenter au fil des ans. D’ailleurs, sur le front des IST, l’année 2020, marquée par les confinements successifs, n’a pas constitué la parenthèse espérée. Selon les données de Santé publique France, la baisse du nombre des contaminations à VIH s’explique surtout par la baisse des dépistages. En outre, 30 % des infections à VIH ont été découvertes à un stade avancé, ce qui constitue une vraie perte de chance. Côté chlamydiae, le nombre d’infections diagnostiquées a baissé de 8 % dans les centres privés et de 31 % dans les Cegidd entre 2019 et 2020, mais le taux de positivité est resté stable, autour de 7 %. Pour les infections à gonocoque, le nombre de diagnostics positifs a également baissé, mais le taux de positivité a augmenté de 3,2 % en 2019 à 3,9 % en 2020. C’est donc à juste titre que la lutte contre les IST et le VIH constitue la première priorité du Gouvernement, selon la nouvelle feuille de route pour la stratégie nationale de santé sexuelle. Rendue publique par le ministère de la Santé début décembre 2021, elle vise les années 2021-2024.

LES SAGES-FEMMES ENCORE SOLLICITÉES

La généralisation de l’accès aux laboratoires de biologie médicale pour un test de dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais a été votée dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2022. Elle s’accompagne d’un renforcement du recours à la PrEP. Le Gouvernement veut aussi améliorer l’accessibilité au traitement post-infection du VIH. D’ailleurs, la feuille de route annonce la publication d’un décret, cette année, permettant aux sages-femmes de prescrire le traitement des IST pour les femmes et leurs partenaires. Et en 2023, le ministère veut évaluer l’intérêt d’étendre le champ de compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des IST à tous les hommes, au-delà des seuls partenaires de leurs patientes ! Le Gouvernement espère aussi que 75 % des jeunes seront vaccinés contre le VHB et 60 % contre le HPV d’ici à l’année prochaine. Pour cela, il compte encore sur les sages-femmes, puisqu’il espère élargir aux partenaires des femmes suivies leurs compétences en matière de vaccination VHB/HPV. 

En parallèle, les experts du ministère souhaitent mettre l’accent sur la promotion, l’éducation et l’information, annonçant que 100 % des jeunes auront reçu une éducation de qualité à la sexualité tout au long de leur cursus dès 2023. Engagées dans ces actions de longue date, les sages-femmes territoriales et quelques libérales risquent de s’étouffer. Elles connaissent en effet le manque de moyens sur le terrain et les difficultés de l’Éducation nationale à assurer cette mission. Pour sa part, le Gouvernement espère renforcer les connaissances des jeunes dans le cadre du Service national universel (SNU) et transformer la semaine de dépistage en semaine de promotion de la santé sexuelle. Et les sages-femmes, reconnues dans cette feuille de route comme « des acteurs/actrices majeurs en prévention et parcours de santé en santé sexuelle » sont habilitées à réaliser la consultation longue santé sexuelle. Destinée aux jeunes quel que soit leur genre, elle remplace la consultation longue IST/contraception dédiée jusqu’alors aux seules jeunes filles âgées de 15 à 18 ans.

Côté santé reproductive, le Gouvernement a déjà annoncé une semi-gratuité de la contraception pour les moins de 25 ans. Il espère aussi faciliter l’accès à l’IVG et le recours à la stérilisation définitive, vasectomie pour les hommes et stérilisation tubaire pour les femmes, des techniques encore taboues dans notre pays.

UNE STRATÉGIE INSUFFISANTE

Quelques jours seulement après ces annonces, se tenait l’un des plus grands rassemblements de sexologues. Les septièmes Journées Aius (Association interdisciplinaire postuniversitaire de sexologie)/Sexogyn ont réuni à Marseille 350 professionnels mi-décembre 2021. En introduction, son président, Pierre Bondil, s’est étonné des choix présentés dans cette feuille de route. S’il a reconnu l’importance de la lutte contre les IST et la promotion de la contraception, il a regretté que cette stratégie ne s’adresse qu’à une seule catégorie de population, allant jusqu’à déclarer que « la santé sexuelle n’est pas réellement prise en compte dans cette stratégie nationale ».

Le Gouvernement semble en effet avoir oublié bon nombre de personnes à la santé sexuelle parfois défaillante, comme celles qui souffrent de pathologies chroniques, tels le cancer ou d’autres maladies, ou de vieillissement. Le cancer n’est envisagé que dans le cadre de la prévention et de la vaccination contre les HPV. Le terme de ménopause, lui, est totalement absent de la feuille de route. Distillée ça et là, la lutte contre les violences sexuelles n’est pas spécialement mise en avant. Espérant que la prochaine feuille de route redressera le tir, le président de l’Aius a souligné un paradoxe français : en termes de santé sexuelle, « les demandes sont fortes, les besoins sont bien identifiés, les traitements sont souvent efficaces, mais les réponses soignantes demeurent très insuffisantes »

■ Géraldine Magnan