Une appli pour prévenir la dépression

Depuis le 1er juillet, le ministère de la Santé met à disposition des parents une application pour smartphone afin de les accompagner, de la conception jusqu’au trois ans de leur enfant, et prévenir la dépression du post-partum.

L’application téléphonique des 1000 premiers jours, à destination des futurs parents, a été lancée de façon opérationnelle le 1er juillet, sans grande officialisation à ce stade. Pour autant, elle avait déjà été téléchargée par 6819 personnes à la date du 13 août 2021. Élaborée en collaboration avec des professionnels de santé, des partenaires institutionnels et des parents et financée par le ministère de la Santé, l’application propose plusieurs fonctionnalités.

ALLÉGER LA CHARGE MENTALE

Tout d’abord, l’application permet d’accéder à des articles en lien avec les 1000 premiers jours de l’enfant. Les informations vont à l’essentiel, afin d’être lisibles sur un écran de téléphone, et proposent des liens vers des articles plus fouillés ou des sites spécifiques. Des vidéos interactives sont aussi disponibles. Un calendrier permet également de centraliser les rendez-vous et de prévoir des rappels par le biais de notifications ou d’alertes concernant les différentes consultations médicales du parcours : suivi de grossesse, suivi pédiatrique, vaccinations de l’enfant, rééducation périnéale ou congés maternité et paternité. « Il s’agit d’alléger la charge mentale des parents », souligne Lauren Tron, chargée du déploiement de l’application. Cette dernière peut être personnalisée selon la période d’inscription (grossesse ou enfant déjà né), permettant d’éviter les étapes non nécessaires pour coller au plus près des besoins des parents. L’application permet aussi de géolocaliser les professionnels de santé et les ressources utiles à proximité.

PRÉVENTION DE LA DÉPRESSION

Le plus important réside dans la fonctionnalité préventive de l’application. Elle sensibilise les parents aux symptômes évocateurs de la dépression du post-partum, les invitant à en parler à un professionnel de santé. Elle propose l’échelle de dépression du post-partum d’Edimbourg (EPDS), sans la nommer telle quelle, incitant les parents à s’interroger sur leur état émotionnel. Aucun score ni diagnostic ne leur est présenté à l’issue du questionnaire, mais un seuil a été défini pour que leur soit proposée une mise en contact avec l’association Maman Blues, qui est partenaire. Pour l’instant, ce seuil est fixé à un score de 15 à l’EPDS, qui représente les situations les plus aigües. Il devrait évoluer vers le score standard de diagnostic de la dépression, fixé à 12.

Une convention a été passée entre le ministère de la Santé et Maman Blues pour défrayer une répondante. Entre le 26 juillet et le 13 août, Élise Marcende, présidente de l’association, a reçu 19 demandes, soit une par jour en moyenne. « Mon rôle est de répondre au premier message envoyé par toute personne ayant eu un score supérieur ou égal à 15 à l’EPDS en proposant un rendez-vous téléphonique, détaille-t-elle. Il était important que les réponses concernant l’EPDS ne soient pas robotisées pour donner la possibilité à la personne recherchant de l’aide de pouvoir se livrer en toute confiance. L’objectif est de savoir précisément ce qu’elle traverse, d’identifier les relais éventuels dont elle dispose et de savoir si une prise en charge est déjà effective ou non. Selon la situation, je vais lui fournir des coordonnées en lien avec ses besoins (psychologues libéraux, unité parent-enfant, travailleuse sociale de l’intervention sociale et familiale, PMI) et je vais également lui parler de ce que Maman Blues propose, à savoir un forum et des groupes de parole. » 

Tous les parents reçoivent des indications adaptées et sont encouragés à contacter un professionnel de santé si besoin. De nombreuses informations, des ressources de soutiens, des liens vers des sites dédiés sont aussi disponibles. Il leur est également préconisé de repasser l’EPDS 15 jours plus tard, pour mesurer l’évolution de leur état psychologique. « Cette application numérique n’a pas vocation à remplir les fonctions des professionnels de santé mais doit permettre aux parents de trouver l’information complète dont ils ont besoin et d’être mis en relation avec les ressources recherchées », souligne Élise Marcende. Banaliser la dépression, pour en finir avec les stigmates, serait ainsi facilité par l’application.

APPLI ÉVOLUTIVE

À l’issue des six mois de convention passés avec Maman Blues, il est envisagé de mettre en place une cellule d’écoute spécialisée composée de plusieurs intervenants : psychologues, sages-femmes ou infirmières puéricultrices. « Lors de nos sondages préalables, nous avions constaté que les parents étaient partagés sur le fait d’être mis en relation avec un professionnel de santé ou avec une association d’usagers, souligne Lauren Tron. En revanche, un contact avec la PMI ne recueillait pas de nombreux suffrages. »

Plus globalement, c’est toute l’application qui sera susceptible d’évoluer, d’être enrichie et mise à jour régulièrement. « Les retours que nous aurons sur les réseaux sociaux et à travers un panel de parents nous serons précieux pour faire évoluer l’application de façon collaborative », précise Lauren Tron. Une deuxième phase est envisagée, consistant à créer un site d’appui destiné aux professionnels de santé.

Expérimentation des référents parcours en périnatalité dans quatre territoires
Éviter les ruptures de suivi, limiter les doublons et redondances, améliorer la coordination ville-hôpital, rendre l’offre de soins plus lisible pour les usagers, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins de santé, prévenir la dépression du post-partum et réduire les prises en charge complexes coûteuses : tels sont les objectifs ambitieux des « référents parcours en périnatalité » ou « Répap ». Le dispositif est issu des préconisations de la commission des 1000 premiers jours, rendues publiques en novembre 2020. Porté par la Direction générale de la santé, il sera d’abord expérimenté dans quatre territoires : Guyane, Pays Loire Touraine, Centre Essonne, Drôme. Dans chaque territoire, les porteurs de projets hospitaliers ou de ville doivent identifier les professionnels de santé susceptibles d’être Répap. Ces professionnels seront tenus de signer une charte d’engagement, de participer à une session de sensibilisation et à une formation. Interlocuteur privilégié de tous les acteurs intervenant autour du couple parental, le Répap est censé assurer quatre entretiens de coordination de 45 minutes en présentiel pour un parcours standard : entretien prénatal précoce, à 8 mois de grossesse, à 15 jours et à 3 mois et demi en post-partum. Entre ces consultations, un travail de coordination téléphonique d’un total de deux heures est prévu. L’expérimentation prévoit aussi un suivi renforcé de trois heures supplémentaires en cas de vulnérabilités spécifiques. Les Répap seront rémunérés au forfait : 165 euros (198 en Guyane) pour tout parcours standard et 99 euros supplémentaires (119 euros en Guyane) pour les parcours renforcés. Le budget global de l’expérimentation, qui prévoit 6000 inclusions, est de 1,6 milliard d’euros. Ce montant inclut le développement d’outils de partage et d’échange d’informations entre les acteurs.

■ Nour Richard-Guerroudj