Recommandations pour la pratique clinique – Interventions pendant la période périnatale – Collège national des sages-femmes de France – 2021

Chloé Barasinski, Rémi Béranger, Catherine Salinier, Cécile Zaros, Julie Bercherie, Jonathan Y. Bernard, Nathalie Boisseau, Aurore Camier, Corinne Chanal, Bérénice Doray, et al.

Pour citer le texte :
Chloé Barasinski, Rémi Béranger, Catherine Salinier, Cécile Zaros, Julie Bercherie, et al.. Recommandations pour la pratique clinique : “ Interventions pendant la période périnatale ”.  Synthèse.  [Rapport de recherche] Collège national des sages-femmes de France. 2021. hal-03283227v2

COORDINATION DES RPC

Chloé Barasinski1, Rémi Béranger2, Catherine Salinier3, Cécile Zaros4

GROUPE DE TRAVAIL

Julie Bercherie5, Jonathan Y. Bernard6, Nathalie Boisseau7 Aurore Camier6, Corinne Chanal8,9, Bérénice Doray10,11, Romain Dugravier12, Anne Evrard13,14, Anne-Sophie Ficheux15, Ronan Garlantézec2, Manik Kadawathagedara2, Anne Laurent-Vannier16, Marion Lecorguillé6, Cécile Marie17, Françoise Molénat18,19, Fabienne Pelé20,21, Brune Pommeret de Villepin22, Virginie Rigourd23, Mélie Rousseau24, Laurent Storme25, Stéphanie Weiss26

AFFILIATIONS 

1. Université Clermont Auvergne, CHU Clermont-Ferrand, CNRS, SIGMA Clermont, Institut Pascal, Axe TGI-DecisipH, F-63000 Clermont-Ferrand, France

2. Univ Rennes, CHU Rennes, Inserm, EHESP, Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail) – UMR_S 1085, F-35000 Rennes, France

3. Association française Pédiatrie ambulatoire, 45000 Orléans, France

4. French Institute for Demographic Studies (Ined), French Institute for Medical Research and Health (Inserm), French 

Blood Agency, ELFE Joint Unit, F-93320 Aubervilliers, France

5. Médecin généraliste, 75018 Paris, France

6. Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress), Inserm, INRAE, Université de Paris, F-75004 Paris, France

7. Université Clermont Auvergne, laboratoire AME2P, F-63000 Clermont-Ferrand, France.

8. Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU Montpellier, 34295 Montpellier Cedex 5, France ;

9. Réseau de périnatalité Occitanie Espace Henri Bertin Sans, 34080 Montpellier, France

10. Service de génétique, CHU de La Réunion, 97405 Saint-Denis Cedex, France

11. Centre Ressource Troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) – Fondation Père Favron, 97410 Saint-Pierre, France

12. Centre de psychopathologie périnatale, boulevard Brune – GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, 75014 Paris, France

13. Association Bien Naître, 69003 Lyon, France

14. Association Ciane (Collectif interassociatif autour de la naissance), 75011 Paris, France.

15. Univ. Brest, LIEN, F-29200, Brest, France.

16. Hôpitaux de Saint-Maurice, Service de rééducation des enfants après atteinte cérébrale acquise, Centre de suivi et d’insertion après lésions cérébrales acquises, F-94410 Saint-Maurice.

17. Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, 241 rue Garibaldi CS 93383, 69418 Lyon Cedex 03

18. Association de formation et de recherche sur l’enfant et son environnement (AFREE), 34000 Montpellier, France

19. Société francophone de psychologie périnatale, 34090 Montpellier, France

20. Département de médecine générale, Université de Rennes 1, Rennes, France

21. Université de Rennes, CHU Rennes, Inserm, CIC 1414 (Centre d’investigation clinique de Rennes), F-35000 Rennes, France

22. Service gynécologie-obstétrique, Centre hospitalier de Tourcoing, 155 rue du Président-René-Coty, 59200 Tourcoing, France

23. Lactarium Île-de-France, Hôpital Necker-Enfants malades, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 75015 Paris, France

24. Association pour la prévention de la pollution atmosphérique (APPA), Loos, France

25. Univ. Lille, ULR 2694 METRICS, Department of Neonatology, CHU Lille , F-59000 Lille, France

26. Centre hospitalier Métropole Savoie, F-73000 Chambéry

Correspondance 

Rémi Béranger, Bâtiment Irset,

9 avenue du Pr Léon-Bernard,

35000 Rennes 

remi.beranger@univ-rennes1.fr

RÉSUMÉ

Ces recommandations de pratique clinique (RPC) ont pour but de définir les messages et les interventions de prévention à délivrer aux femmes et aux coparents par les différents professionnels de la périnatalité. Les recommandations sont divisées en dix chapitres, réparties sur quatre axes : 1/ l’adaptation des comportements maternels (activité physique, substances psychoactives) ; 2/ les comportements alimentaires ; 3/ l’exposition domestique aux agents toxiques (usages domestiques, cosmétiques) ; 4/ la promotion de la santé de l’enfant (allaitement maternel, liens d’attachement, écrans, mort inattendue du nourrisson, syndrome du bébé secoué). Une hiérarchie des différents messages de prévention a été proposée selon les périodes afin de tenir compte des contraintes de temps rencontrées par les professionnels.

Mots-clés : période périnatale ; interventions en santé ; professions de santé ; femme enceinte ; nouveau-né.

1. INTRODUCTION

L’importance de la période périnatale sur la santé future des familles est régulièrement mise en avant depuis plus de trois décennies. En 1986, le médecin anglais David J Barker et son équipe publièrent leurs travaux suggérant un lien entre la « sous-nutrition périnatale » et le risque de maladie cardio-métabolique pendant la vie adulte [1]. Ce qui fut initialement nommé « l’hypothèse de Barker », puis les hypothèses DOHaD [Developmental Origins of Health and Disease] (« origine développementale de la santé et des maladies ») ont été confirmées par la suite par différents travaux scientifiques ; les plus connus étant certainement ceux basés sur les survivants de « l’hiver de la faim », un épisode de famine majeur aux Pays-Bas durant la Seconde Guerre mondiale. Les femmes enceintes au moment de l’épisode de famine ont donné naissance à des enfants plus à risque de troubles métaboliques, de maladies cardiovasculaires, d’hypertension artérielle, de pathologies pulmonaires et rénales, mais aussi de troubles affectifs au cours de leur vie d’adulte [2].

Outre la question de la nutrition, les hypothèses DOHaD portent sur l’environnement en général, incluant à la fois les notions d’exposition à des agents chimiques, biologiques ou physiques, à des comportements, à des aspects socioéconomiques ou encore à l’environnement affectif [3]. Cette période périnatale concerne les 1 000 premiers jours de vie (depuis la conception jusqu’à la fin de la 2e année de vie) pour inclure les effets sur les organes toujours en cours de développement après la naissance, comme le cerveau [4]. Ces thématiques sont également rejointes par le concept de « salutogénèse », qui vise à former un continuum allant vers la santé et le bien-être. Plusieurs mécanismes ont été avancés pour expliquer comment des expositions survenues précocement dans la vie pouvaient induire des maladies chez l’adulte. Historiquement, c’est l’impact direct d’agents toxiques (composés tératogènes) altérant la formation des organes en développement qui était considéré. La nature et l’étendue des lésions sont directement liées au stade développemental de l’embryon ou du fœtus au moment de l’exposition (voir Figure 1), allant de la malformation, voire de la fausse couche pour les expositions les plus précoces, à des altérations plus fines du fonctionnement des organes pour les expositions plus tardives [5]. Plus récemment, l’implication de mécanismes épigénétiques a été mise en avant dans ce contexte [2]. Si l’épigénétique permet à l’organisme de s’adapter à son environnement en modulant l’expression des gènes, elle permettrait également à l’environnement de moduler cette même expression. Par ce biais, l’environnement relationnel de l’enfant pourrait également influer sur la santé émotionnelle, la régulation des systèmes de réponse au stress, le système immunitaire et la mise en place de comportements adaptés. La santé maternelle, néonatale et de l’enfant va également jouer un rôle capital sur la survenue ultérieure de maladies non transmissibles (MNT) comme l’obésité, le diabète ou les maladies cardiovasculaires [6].

En 2019, 753 000 bébés sont nés en France [7]. En moyenne, les femmes bénéficient de dix consultations prénatales (hors consultations en urgence), qui sont autant d’opportunités de s’assurer du déroulement normal de la grossesse et de délivrer des informations et des messages de prévention [8]. Cependant, la dernière enquête nationale périnatale menée en 2016 pointait une prévalence élevée ou en augmentation de plusieurs facteurs de risque périnatals comme l’âge maternel ou la consommation de substances psychoactives. Concernant les expositions domestiques des femmes enceintes françaises, une enquête de 2015 retrouvait une moyenne de 18 utilisations de cosmétiques par jour [9], alors que les cosmétiques peuvent exposer à de multiples substances potentiellement délétères pour la fertilité et le développement de l’enfant [10]. Béranger et al. (2018) rapportaient une exposition fréquente à de nombreux pesticides (entre 25 et 65 pesticides ou métabolites détectés par échantillon de cheveux) dans un groupe de 311 femmes venant d’accoucher [11]. Plusieurs molécules à usage domestique et potentiellement toxiques pour le développement figuraient parmi les composés les plus retrouvés dans cette étude. Malgré ces éléments, une récente étude française visant les professionnels de la périnatalité de la région Auvergne suggérait que la majorité d’entre eux n’abordait pas la question des usages domestiques de produits de consommation pendant la grossesse avec les femmes enceintes [12]. Concernant la promotion de la santé de l’enfant, 74 % des femmes avaient choisi d’allaiter à la maternité, mais elles n’étaient que 39 % à allaiter 3 mois après la naissance [13], alors que les bénéfices de l’allaitement pour la santé de l’enfant sont maintenant bien établis et que l’OMS recommande un allaitement maternel exclusif pendant au moins 4 à 6 mois en Europe [14].

Au final, il existe un réel besoin de formaliser un socle d’informations et d’actions de prévention à délivrer aux femmes [15], depuis la période préconceptionnelle jusqu’au post-partum, afin de mieux guider les femmes dans leurs habitudes de vie, mais aussi les professionnels sur le contenu de leurs interventions. La nécessité de former les professionnels pour accompagner les parents est clairement identifiée dans le 4e plan national Santé-Environnement (« Mon environnement, ma santé » (2020-2024)), notamment dans l’Axe 1 (action 4 : « Approfondir les connaissances des professionnels sur les liens entre l’environnement et la santé » ; action 5 « Se renseigner sur les conseils de prévention avant et après la grossesse ») [16]. Il est intéressant de noter que plus la prévention des MNT est faite tôt, plus le risque de présenter ces maladies au cours de la vie semble diminuer [6]. Le centre sur le développement de l’enfant de l’Université Harvard rappelle que la bonne santé de l’enfant depuis la conception, et plus largement de la future mère en amont de la grossesse, sont les bases pour la mise en place d’une architecture cérébrale solide et l’acquisition d’un large éventail de compétences et de capacités d’apprentissage [17]. Quatre dimensions complémentaires étaient mises en avant pour améliorer le bien-être physique et mental des enfants : 1/ la biologie de la santé ; 2/ les fondements de la santé ; 3/ les capacités des soignants et des collectivités à promouvoir la santé et à prévenir les maladies ; et 4/ les politiques et les programmes qui peuvent influer sur les résultats de santé (Figure 2 page 30). Le récent rapport rendu par la commission ministérielle des « 1 000 premiers jours » propose également une approche centrée sur les besoins de l’enfant, mais également son entourage et plus particulièrement sur ses parents puisqu’ils nécessitent d’être davantage soutenus socialement afin de profiter de cette fenêtre d’opportunité pour la santé [18]. Cependant, le temps de consultation ou de soin est souvent très contraint, que ce soit en libéral ou en structure hospitalière et les messages de prévention à transmettre sont nombreux. Ainsi, à la nécessité de délivrer des messages de prévention s’oppose la question de la faisabilité pour les professionnels [19, 20].

L’objectif de ces recommandations de pratique clinique (RPC) était de définir les messages et les interventions prioritaires et secondaires à délivrer aux femmes, ainsi qu’aux pères ou coparents, par les différents professionnels de la périnatalité. Une hiérarchie des différents messages de prévention a été proposée afin de tenir compte des contraintes de temps rencontrées par les professionnels.

2. MÉTHODE

Ces RPC ont été conduites en suivant la méthode proposée par la Haute Autorité de santé [21]. Deux membres (CB, RB) du comité d’organisation ont été désignés par le Collège national des sages-femmes de France, promoteur de ces RPC, afin d’élaborer les questions précises et de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire pour y répondre. Quatre axes ont été définis, incluant au total 10 chapitres :

Axe 1 : L’adaptation des comportements maternels autour de la grossesse

• Chapitre n°1 partie 1 : Activité physique et santé maternelle

• Chapitre n°1 partie 2 : Effets bénéfiques de l’activité physique maternelle durant la grossesse sur la santé du fœtus, du nouveau-né et de l’enfant

• Chapitre n°2 : Consommation de substances psychoactives et périnatalité

Axe 2 : Les comportements alimentaires de la femme enceinte et allaitante

• Chapitre n°3 : Variations de poids, apports nutritionnels essentiels et contaminants, et supplémentation chez les femmes enceintes et en âge de procréer

Axe 3 : L’exposition domestique aux agents toxiques pour la grossesse et le développement

• Chapitre n°4 : Expositions domestiques aux agents chimiques : produits ménagers, matériaux de construction, décoration et pesticides

• Chapitre n°5 : Utilisation de produits cosmétiques pour les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les jeunes enfants

Axe 4 : La promotion de la santé de l’enfant

• Chapitre n°6 : Initiation et soutien à l’allaitement maternel

• Chapitre n°7 : La mise en place des liens d’attachement du nouveau-né selon ses rythmes et besoins, l’accompagnement adapté des parents

• Chapitre n°8 : Le jeune enfant et les écrans

• Chapitre n°9 : Prévention de la mort inattendue du nourrisson

• Chapitre n°10 : Le syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement

Les experts du groupe de travail comprenaient des chercheurs et des professionnels de santé issus de différents corps professionnels en lien avec la périnatalité (sage-femme, médecin généraliste, pédiatre, pédopsychiatre), ainsi que des représentants des différentes sociétés, agences et associations partenaires (Collège de médecine générale ; Association française de pédiatrie ambulatoire), incluant une association de patients et d’usagers (Collectif interassociatif autour de la naissance). Les experts ont répondu aux questions à partir d’une analyse de la littérature existante, en se basant (par ordre de priorité) sur les RPC internationales ou nationales existantes, sur les méta-analyses, les revues de la littérature, ou les articles scientifiques disponibles. Les études disponibles ont été classées selon le niveau de preuve (NP) scientifique en suivant la classification de la Haute Autorité de santé [21]. Cependant, ce classement étant uniquement basé sur le type d’étude, certains NP ont pu être dégradés afin de prendre en compte d’éventuelles limites méthodologiques ou éléments de contexte. Un grade a été attribué à chaque phrase de recommandations en tenant compte du NP. En l’absence de littérature scientifique pertinente, un accord d’experts a pu être formulé. La discussion des NP, les grades et la formulation des phrases de recommandations ont été discutés jusqu’à obtention d’un consensus.

Dans le cadre de la prévention, la littérature scientifique est relativement riche sur les actions et interventions qui peuvent être standardisées (ex. : activité physique, intervention diététique, mesures de prévention de la mort inattendue du nourrisson). Concernant les messages de prévention en lien avec les comportements, comme sur les questions en lien avec les expositions chimiques (usages domestiques, cosmétiques) ou sur le relationnel (partie sur l’attachement et le rythme du nouveau-né), les données interventionnelles sont beaucoup plus limitées. La littérature fournit principalement des éléments sur les expositions et sur les risques associés, mais très peu d’études permettent d’évaluer l’efficacité réelle de messages délivrés par les professionnels sur l’exposition, voire sur le niveau de risque des familles. Par ailleurs, pour certaines questions émergentes, que ce soit en matière de recherche (usages domestiques, cosmétiques) ou de connaissance de l’impact sur la santé (chapitre sur l’attachement et le rythme du nouveau-né), un socle de connaissances théoriques est nécessaire pour accompagner les professionnels de santé susceptibles d’y être confrontés. Enfin, les discussions entre experts ont fait ressortir le besoin de se positionner sur la manière de délivrer l’information, en particulier sur les stratégies de communication. Pour ces différentes raisons, le groupe d’experts a fait le choix de s’appuyer sur des « accords d’experts » pour un certain nombre de points, y compris sur des sujets pour lesquels aucune littérature n’était disponible, d’autant qu’une multitude de messages, parfois contradictoires, sont actuellement véhiculés auprès des familles. Les textes (un ou deux par chapitre) ont été transmis à un groupe de lecture composé de 85 membres volontaires, experts sur la thématique ou praticiens travaillant en secteur hospitalier, libéral ou territorial. Ce groupe était chargé de donner un avis formalisé sur le fond et la forme de la version initiale des recommandations, en particulier sur son applicabilité, son acceptabilité et sa lisibilité. Chaque commentaire du groupe de lecture a été pris en compte par le groupe d’experts lors de la finalisation des textes.

Chaque texte fait l’objet d’un article publié indépendamment. Un texte court a été rédigé avec pour objectifs de reprendre les principales recommandations émises dans les dix chapitres, et de proposer une hiérarchisation des messages de prévention en fonction de différentes périodes de la préconception au post-partum. La hiérarchie des messages proposés a été établie par les experts en trois étapes : un premier vote en ligne pour chaque période identifiée (préconception, 1er trimestre de grossesse, 2e – 3e trimestre de grossesse, post-partum), les votes et commentaires du groupe de lecture, et une validation des changements éventuels par le groupe de travail (vote en ligne). Ces hiérarchies tiennent compte du contexte actuel et des bénéfices potentiels en matière de santé publique associés à chaque recommandation.

3. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS AU COURS DE LA PÉRIODE PRÉNATALE

Cette partie recense les principales recommandations au cours de la période périnatale. La liste complète des recommandations et les argumentaires sont présentés dans les textes associés.

Axe 1 : L’adaptation des comportements maternels autour de la grossesse

ACTIVITÉ PHYSIQUE

En période préconceptionnelle :

Il est recommandé de proposer aux femmes des mesures hygiéno-diététiques incluant des conseils nutritionnels et un niveau d’AP (activité physique) satisfaisant avant toute grossesse, en particulier pour les femmes en situation de surpoids, d’obésité et/ou de diabète de type 2 (DT2) (Grade A). Il est également recommandé de proposer un temps d’AP d’intensité modérée à élevée au moins 5 jours par semaine, en évitant de rester 2 jours consécutifs sans activité (Grade A). Un temps de pratique de 30 minutes à 1 heure par jour peut être proposé (Grade B). Le temps de sédentarité est à limiter au maximum, si possible ≤ 7 heures par jour (Accord d’experts). Pour enrayer les effets délétères de la sédentarité, il est préconisé de se lever et bouger au moins 1 minute toutes les 30 minutes (Accord d’experts).

Pendant la grossesse :

Il est recommandé aux femmes enceintes : de commencer ou de maintenir une AP d’intensité modérée ≥ 150 minutes par semaine avec au moins trois sessions d’une durée supérieure à 30 minutes (Grade A) ; de commencer ou maintenir des exercices de renforcement musculaire impliquant de grands groupes musculaires (1 à 2 fois par semaine) (Accord d’experts) ; de limiter le temps de sédentarité (≤ 7heures par jour) (Accord d’experts).

En post-partum :

En l’absence de contre-indication médicale, il est recommandé de poursuivre une AP (Grade A) (au moins 30 minutes par jour (Accord d’experts)) en post-partum, tout en limitant le temps de sédentarité (≤ 7 heures par jour) (Accord d’experts), tout comme en période périnatale. Les mêmes recommandations s’appliquent chez la femme allaitante (Grade A).

CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES ET PÉRINATALITÉ

Afin d’identifier les possibles consommations de substances psychoactives (SPA) au cours des consultations de suivi, il est recommandé de questionner les consommations de SPA à chaque consultation de la femme et du conjoint ou coparent (Accord d’experts).

En période préconceptionnelle :

En cas de consommation de SPA chez une femme en âge de procréer, proposer une information sur l’impact des SPA sur la grossesse et l’enfant et conseiller l’arrêt de la consommation. Si nécessaire, lui proposer une orientation vers une consultation spécialisée. En l’absence de projet de grossesse, proposer une contraception efficace (Accord d’experts).

Pendant la grossesse :

Il est recommandé d’évaluer la consommation de la femme enceinte avant de délivrer des conseils d’abstinence (Accord d’experts). Il convient d’interroger la femme enceinte sur ses consommations, y compris lors de la période autour de la conception (Accord d’experts). En cas de situation simple et de risque faible ou léger (voir ci-dessous), le professionnel peut gérer seul la situation. Dans tous les autres cas, un travail en réseau coordonné est recommandé (Accord d’experts). En cas de consommation à risque pour la grossesse (niveau léger à élevé), il est recommandé de solliciter l’avis d’un gynécologue-obstétricien pour adapter les modalités de suivi de grossesse (Accord d’experts). En cas de consommation à risque pour le nouveau-né (niveau modéré ou élevé), il est recommandé de solliciter un avis pédiatrique pour la prise en charge de l’enfant à la naissance et l’organisation de son suivi (Accord d’experts). En cas de consommation problématique pour la santé de la femme ou de son enfant à naître, le professionnel proposera une orientation vers un professionnel du soin en addictologie (Accord d’experts).

Les situations simples et complexes sont définies dans le Chapitre n°21. Les différents niveaux de risque correspondent à différentes consommations :

1. Risque faible :

• absence de consommation de substance psychoactive hors alcool ou arrêt > 1 an avant la grossesse

• consommation d’alcool inférieure ou égale au seuil OMS (moins de 2 verres par jour et moins de 10 verres par semaine) arrêtée avant la grossesse ou au cours des trois premières semaines de grossesse

2. Risque léger :

• consommation de cannabis arrêtée lors de la découverte de la grossesse

• antécédent de consommation de cocaïne, amphétamines ou opiacés, arrêtée depuis plus d’un an

• consommation d’alcool supérieure au seuil OMS et arrêtée avant la 3ème semaine de grossesse.

3. Risque modéré :

• consommation d’alcool inférieure au seuil OMS et poursuivie après la 3ème semaine de grossesse

• cannabis : consommation < 1 joint/j ou < 4 joints en 1 occasion poursuivie après la 3ème semaine de grossesse

• consommation de cocaïne, amphétamines ou d’opiacés dans l’année précédant la grossesse et un seul type de produit consommé hors tabac

4. Risque élevé :

• consommation en cours de grossesse de quantités importantes d’alcool (> 30-40 g par occasion ou > 70 g d’alcool par semaine ; un verre d’alcool standard correspondant à 10 g d’alcool)

• antécédent d’enfants avec troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale

• consommation à risque modéré, associée à des troubles psychiatriques ou des violences physiques/sexuelles au cours de cette grossesse

• cannabis : consommation ≥ 1 joint/j ou > 7 joints/semaine et/ou > 4 joints/occasion poursuivie après la découverte de la grossesse

• héroïne, cocaïne : toute consommation pendant la grossesse

• polyconsommation (quelles que soient les quantités)

À l’accouchement :

Concernant les interactions avec les produits utilisés en anesthésie, les anesthésies loco-régionales sont possibles quel que soit le produit consommé en l’absence de contre-indication médicale (Accord d’experts). La prescription d’antalgique doit tenir compte d’une dépendance et/ou d’antécédent de dépendance aux opioïdes (Accord d’experts). Il est rappelé que la nalbuphine (NUBAIN®) est contre-indiquée en cas de prise de méthadone ou buprénorphine.

En post-partum :

En cas de consommation de traitements de substitution aux opiacés, d’alcool, de cocaïne ou d’amphétamines à proximité de la naissance, il est recommandé de :

• surveiller la survenue de syndrome d’imprégnation et/ou de sevrage du nouveau-né (Accord d’experts).

• prioriser la proximité parents-enfant et les méthodes non médicamenteuses (Accord d’experts).

En cas de consommation de SPA chez les femmes allaitantes :

• alcool : déconseiller l’allaitement en cas de consommation régulière poursuivie. Tirer et jeter le lait en cas de consommation ponctuelle (Accord d’experts).

• cannabis : déconseiller l’allaitement en cas de poursuite de la consommation (Accord d’experts).

• héroïne, cocaïne et amphétamines : contre-indiquer l’allaitement (Accord d’experts).

• méthadone ou buprénorphine : recommander l’allaitement (Accord d’experts).

AXE 2 – Les comportements alimentaires de la femme enceinte et allaitante

VARIATIONS DE POIDS, APPORTS NUTRITIONNELS ESSENTIELS ET CONTAMINANTS, ET SUPPLÉMENTATION CHEZ LES FEMMES ENCEINTES ET EN ÂGE DE PROCRÉER

Concernant les variations de poids :

Lors de la consultation préconceptionnelle, il est nécessaire d’aborder la notion de variation de poids et l’intérêt d’une amélioration du statut pondéral pour la grossesse et l’enfant (Grade B) ; d’aborder l’intérêt d’une alimentation variée et équilibrée chez toutes les femmes, et tout particulièrement chez les femmes avec un projet de grossesse (Grade B) ; de s’intéresser au statut pondéral et l’alimentation du père (Grade B) et/ou du coparent (Accord d’experts). Il est recommandé d’encourager une perte de poids pour les femmes avec un IMC supérieur à la normale, et ce d’autant plus que l’IMC est élevé (Grade B), tout en restant vigilant sur le suivi de régime restrictif ou d’une perte de poids excessive (Grade B).

Pendant la grossesse, la perte de poids n’est pas conseillée (Grade B). Il est recommandé de définir dès le début de grossesse une prise de poids gestationnelle adaptée à la corpulence initiale et il est nécessaire de suivre son évolution (Grade A). Il est recommandé de rechercher les consommations alimentaires inadaptées, y compris les boissons (Accord d’experts). Les repères alimentaires recommandés sont les mêmes qu’en dehors de la grossesse (Accord d’experts).

Concernant les différents apports nutritionnels pendant la grossesse :

• Fruits et légumes : la consommation moyenne actuelle du groupe « fruits et légumes » devrait être encouragée, en privilégiant les sous-groupes « fruits frais » et « légumes » (Accord d’experts).

• Poissons, mollusques ou crustacés : la consommation moyenne actuelle de poisson gras devrait être augmentée. Il est recommandé de consommer deux portions de poisson par semaine, dont une à forte teneur en oméga 3, en variant les espèces et les lieux d’approvisionnement, et en privilégiant les poissons de début de chaîne alimentaire (Accord d’experts).

• Féculents et aliments complets : la consommation de féculents raffinés doit être réduite au profit d’une augmentation de la consommation de féculents complets, qui doit devenir quotidienne (Accord d’experts).

• Légumineuses : la consommation moyenne actuelle de légumineuses devrait être considérablement augmentée. Elle devrait être plurihebdomadaire. Privilégier les légumineuses riches en vitamine B9 (notamment lentilles, pois cassés et fèves). Limiter les aliments à base de soja (pas plus d’une fois par jour) en raison de leur richesse en phyto-estrogènes (Accord d’experts).

• Oléagineux : Consommer une petite poignée de fruits à coque sans sel ajouté par jour (notamment noisettes, noix, pistaches et amandes) (Accord d’experts).

• Pour prévenir le risque de déficiences nutritionnelles, les femmes suivant un régime d’exclusion doivent être suivies de manière attentive et idéalement orientées vers un diététicien ou médecin nutritionniste, dans une approche multidisciplinaire de la grossesse (Accords d’experts).

Concernant les vitamines, minéraux et supplémentations pendant la grossesse :

• L’acide folique, ou vitamine B9, doit être systématiquement prescrit avant la conception, idéalement dès le souhait de grossesse, et ce jusqu’à 12 SA, à la dose de 0,4 mg/jour pour la population générale et 5 mg/jour pour les femmes à risque d’anomalie de fermeture du tube neural (prise d’antiépileptiques, antécédent d’anomalie de fermeture du tube neural) (Grade A).

• La supplémentation systématique en fer n’est pas recommandée, en revanche le dépistage de l’anémie au 6ème mois de grossesse l’est, et dès le 1er trimestre en cas de facteurs de risques (Accord d’experts).

• La vitamine D ne doit pas être systématiquement prescrite aux femmes enceintes. En revanche elle doit être prescrite aux femmes enceintes à risque de carence en vitamine D : femmes dont l’accouchement est prévu entre mars et juin (grossesse se déroulant l’hiver), femmes portant des vêtements particulièrement couvrants, s’exposant peu au soleil ou ayant des apports alimentaires faibles en vitamine D (Grade B).

• Il est recommandé de privilégier le sel iodé pendant la grossesse. En cas de sel non iodé (collectivités) trouver d’autres sources d’approvisionnement en iode (Accord d’experts).

• Pendant l’allaitement, des aliments riches en vitamines A et C sont à recommander (Accord d’experts).

Concernant la prévention de la contamination toxique des aliments, il est recommandé :

• D’encourager la consommation de produits non transformés, qu’ils soient frais ou surgelés (Accord d’experts).

• D’éviter de réchauffer les aliments dans des contenants en plastique, au risque de libérer des polluants qui contaminent les aliments (Accord d’experts).

• De limiter l’utilisation des articles en aluminium (emballages, contenants alimentaires, ustensiles de cuisine…) pour la conservation ou la cuisson des aliments (libération d’aluminium au contact d’aliments acides). Préférer le verre pour la conservation (au frigo ou placard) des aliments (Accord d’experts).

• De préférer les contenants en carton ou en verre (Accord d’experts).

AXE 3 – L’exposition domestique aux agents toxiques pour la grossesse et le développement

EXPOSITIONS DOMESTIQUES AUX AGENTS CHIMIQUES : PRODUITS MÉNAGERS, MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION, DÉCORATION ET PESTICIDES

Afin de réduire la contamination existante du foyer :

Il est recommandé d’aérer régulièrement le logement (Grade C), minimum 10 minutes 2 fois par jour chaque pièce du logement (Accord d’experts). Il est également recommandé d’aérer en cas de réalisation de ménage, bricolage, traitement des nuisibles, cuisson d’aliments, utilisation de parfums d’ambiance (Accord d’experts). Les systèmes de ventilation doivent être vérifiés (Accord d’experts) : nettoyer régulièrement les grilles de ventilation, ne pas boucher les grilles de ventilation et faire entretenir le système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) par un professionnel qualifié tous les trois ans. Il est recommandé de dépoussiérer le foyer (Grade C) : préférer l’utilisation d’un chiffon microfibre propre ou un aspirateur (Accord d’experts). Si le logement est ancien avec potentiellement du plomb, l’usage de filtre à haute efficacité est recommandé (filtre HEPA : High Efficiency Particulate Air) (Accord d’experts). Enfin, il est recommandé de se laver les mains avant chaque repas et après tout geste contaminant (tabac, traitement de nuisibles, entretien, travaux…) au savon et à l’eau même si des gants ont été portés (Grade C).

Afin de réduire les émissions à l’intérieur du logement :

• Créer un environnement sans tabac au domicile : ne pas fumer dans le logement, favoriser l’arrêt du tabac pour toutes les personnes du domicile (Accord d’experts).

• Prévenir les intoxications au monoxyde de carbone : faire vérifier les appareils à combustion et faire ramoner mécaniquement les conduits de cheminée chaque année par un professionnel qualifié (2 fois par an pour les combustibles solides) ; ne jamais utiliser en continu des appareils de chauffage d’appoint mobiles ; ne jamais utiliser de groupes électrogènes, barbecue et braséro à l’intérieur du logement, y compris dans le garage et le sous-sol (Accord d’experts).

• Pour les produits d’entretien, les travaux et le bricolage (Accord d’experts) : porter des gants ; respecter les conditions d’utilisation ; limiter le nombre de produits ; ne pas mélanger les produits ; éviter les produits en spray ; éviter les produits avec pictogramme de danger ; préférer les produits labellisés ou étiquetés A+ (bricolage et travaux) ; et ranger les produits dans un endroit non occupé ou ventilé (Accord d’experts).

• Déballer les meubles neufs et les entreposer dans une pièce non habitée ou à l’extérieur avant de les installer. À défaut, aérer plus souvent les pièces après installation (Accord d’experts).

• Ne pas utiliser de répulsif cutané contre les insectes en l’absence de risque de maladie vectorielle. Se laver les mains après application (Accord d’experts).

• Les parfums d’ambiance doivent être évités (Accord d’experts).

• Les textiles doivent être lavés avant la première utilisation (Accord d’experts).

Chez la femme enceinte, allaitante et l’enfant, en plus des conseils précédents :

• Proscrire la participation aux travaux de rénovation, de bricolage et d’aménagement, et au traitement des nuisibles (Accord d’experts).

• Attendre (si possible au moins trois mois) avant d’installer le nouveau-né dans une pièce rénovée (Accord d’experts).

• Limiter l’utilisation des produits ménagers (Accord d’experts).

UTILISATION DE PRODUITS COSMÉTIQUES POUR LES FEMMES ENCEINTES, LES FEMMES ALLAITANTES ET LES JEUNES ENFANTS

Il est recommandé de diminuer le nombre (Grade B), la fréquence d’utilisation (Grade B) et la quantité appliquée (Accord d’experts) pour tous les produits cosmétiques chez la femme en période périnatale et chez l’enfant, en privilégiant les produits simples avec une liste d’ingrédients courte, sans parfum et rinçables (Accord d’experts). Les produits écolabellisés par des labels de confiance (ex. : Cosmebio, Ecocert, Nature & Progrès, Cosmos, Natrue) peuvent être privilégiés (Accord d’experts). Il est recommandé d’éviter l’utilisation d’huiles essentielles, de parfums, vernis à ongle/dissolvant et teintures pour cheveux pendant la grossesse (Accord d’experts). Les applications pour smartphone peuvent être utilisées par les femmes, sous réserve de les informer préalablement sur l’intérêt de réduire l’utilisation des cosmétiques et sur les limites des applications (Accord d’experts).

Chez l’enfant de moins de 3 ans, il est recommandé d’éviter les lingettes industrielles. Privilégier l’eau, et un savon adapté si nécessaire (Accord d’experts). Lorsque nécessaire, utiliser des produits cosmétiques destinés aux enfants de moins de 3 ans (Accord d’experts). Comme pour tous produits potentiellement toxiques, ranger les cosmétiques dans un lieu sûr, en hauteur ou dans un placard fermé à clé (Accord d’experts).

AXE 4 – Promotion de la santé de l’enfant

INITIATION ET SOUTIEN À L’ALLAITEMENT MATERNEL

L’allaitement exclusif au sein est recommandé jusqu’à l’âge de 4 mois révolus à 6 mois (Grade B). Au-delà, il est recommandé de poursuivre l’allaitement maternel (AM) en complément d’une alimentation diversifiée (Grade B).

Formation des professionnels :

Il est recommandé de se tenir informé des dernières données sur les bienfaits de l’allaitement maternel (AM). Ceci est essentiel pour savoir répondre aux familles et aux professionnels et mesurer l’enjeu de l’intervention (Accord d’experts). La formation des professionnels concernant l’allaitement maternel doit reposer sur la connaissance de la physiologie de l’AM et des freins à l’AM, et ce afin d’éviter les discours discordants (Accord d’experts). Le nombre de professionnels spécialisés en allaitement maternel nécessaire est de 1 pour 700 naissances pour que les femmes puissent initier et prolonger leur AM dans des conditions optimales (Accord d’experts).

Durant la grossesse :

Il est recommandé que les séances de préparation à la naissance et à la parentalité intègrent une information sur l’allaitement maternel (Grade B).

En post-partum immédiat :

Une mise au sein précoce et un peau-à-peau sécurisé (dans les deux heures qui suivent la naissance) sont recommandés, y compris en cas de césarienne, et si l’état clinique de la mère et de l’enfant le permettent (Grade A). Il est recommandé d’enseigner et de vérifier dès la naissance les signes d’une bonne prise en bouche du sein et d’une tétée efficace (Accord d’experts).

Durant le post-partum :

Il est recommandé de respecter les trois éléments prédictifs d’une bonne initiation de l’allaitement maternel : le peau-à-peau, la première tétée, la cohabitation du nouveau-né avec sa mère (co-rooming) (Grade A). Il est recommandé de montrer aux mères les différentes positions d’allaitement maternel et/ou méthode de drainage efficace de tous les cadrans du sein (Accord d’experts). Il est recommandé de ne pas utiliser de biberon de complément sans indication médicale stricte (Accord d’experts). Il n’est pas recommandé de proposer un biberon de complément dans ces indications : fatigue, pleurs, peur de tétées insuffisantes (Accord d’experts), un poids à J3 inférieur au poids de naissance (Grade B), un poids inférieur au poids de naissance à J15 avec une courbe de poids ascendante et une prise en charge spécialisée (Accord d’experts).

Les femmes rencontrant des difficultés (crevasses, engorgement, mastite, sensation de manque de lait, difficultés à mettre au sein…) doivent être orientées vers un professionnel référent en allaitement (Accord d’experts). Il est recommandé de maintenir le suivi jusqu’à la mise en place d’un AM satisfaisant pour le couple mère-enfant (Accord d’experts).

Toute douleur ou lésion du mamelon doit être prise en charge précocement (Accord d’experts). En cas de crevasse, les traitements de première intention sont l’amélioration de la prise du sein en bouche (Grade C) associée à une application de lait maternel (Grade B). En cas de mastite et/ou d’abcès, la poursuite de l’allaitement est recommandée (Grade C).

LA MISE EN PLACE DES LIENS D’ATTACHEMENT DU NOUVEAU-NÉ SELON LES RYTHMES ET BESOINS, L’ACCOMPAGNEMENT ADAPTÉ DES PARENTS.

Concernant les rythmes et besoins du nouveau-né :

Les professionnels doivent informer les parents des phases de sommeil agité, qui ne nécessitent pas d’intervention parentale (Accord d’experts) et de profiter des phases d’éveil pour les interactions (Accord d’experts). Il est également recommandé d’informer les parents que les enfants ont besoin de 4 à 6 mois pour adopter un rythme circadien (Accord d’experts).

Dans les premiers mois, un bébé a besoin de passer du temps dans les bras de ses parents (Accord d’experts). Il convient d’essayer de toujours calmer le bébé en le berçant dans les bras, mais de le laisser tranquille sans s’alarmer si les mesures d’apaisement échouent (Accord d’experts). Une consultation dédiée sera justifiée en cas de cris inconsolables et/ou inhabituels durant plus de trois heures par jour cumulés ou en cas de cris insupportables pour les parents (Accord d’experts). L’enfant a besoin de la disponibilité de sa mère ou des autres figures d’attachement durant les 3-4 premiers mois. Cette disponibilité doit être nuancée au-delà, ou lorsque les parents émettent une plainte légitime et sont épuisés (Accord d’experts). Le cadre de l’endormissement et du sommeil (rituel) doit être fixé progressivement à partir de 6 mois sachant que l’enfant cherchera toujours à l’élargir si la séparation est difficile. Aux parents de rester dans la fermeté attentive et bienveillante (Accord d’experts).

Concernant la mise en place des liens d’attachement :

Il est recommandé d’informer les parents que répondre aux besoins du bébé favorise un attachement sécure, et donc l’autonomie et non la dépendance (Accord d’experts). Il est recommandé d’informer les parents sur les symptômes et la fréquence de la dépression périnatale. Il est recommandé de la dépister, et au besoin réorienter le parent concerné vers un spécialiste et d’associer le médecin traitant (Accord d’experts). Le retrait relationnel durable du bébé est un signe d’alerte à connaître, observable dès l’âge de 2 mois (Accord d’experts). Ce symptôme n’est pas un diagnostic en soi, mais justifie un suivi plus intense et l’exploration des facteurs en cause (Accord d’experts).

Concernant l’accompagnement adapté des parents :

La sécurité émotionnelle des femmes enceintes/mères et de leur partenaire doit s’aborder avec la même rigueur que la sécurité somatique (Accord d’experts). Les parents présentant une vulnérabilité psychique nécessitent un suivi spécialisé et un parcours de soins coordonné (Accord d’experts). Chaque situation complexe doit être coordonnée par un professionnel de la grossesse référent (Accord d’experts). Il est recommandé d’expliquer le fonctionnement du système de soins et le rôle de chaque professionnel, surtout si un soutien spécifique se profile en post-partum (Accord d’experts).

L’anxiété du premier trimestre est à dépister (Grade B), il s’agit d’un indicateur important d’un risque de troubles émotionnels et affectifs en post-partum (NP2). Une évaluation de l’état psycho-émotionnel de la femme enceinte et du futur père (ou du partenaire) doit être réalisée au fil du suivi, et notamment au moment de l’entretien prénatal précoce (EPP) et durant le 8ème mois (Accord d’experts). Les éventuels facteurs de stress des parents doivent être recueillis afin de rechercher avec eux les moyens et les ressources leur permettant de les réduire (Accord d’experts). Comme pour le somatique, en cas de facteurs de fragilité identifiés en prénatal, une attention particulière et un suivi pédiatrique précoce et prolongé doivent être mis en place pour l’enfant, sans attendre l’apparition d’un trouble (Accord d’experts). Le contenu des transmissions aux autres professionnels s’élabore avec la femme (ou le couple) et ces transmissions ne doivent contenir que les éléments utiles (Accord d’experts). Il est recommandé pour les professionnels de ne pas rester seuls face à une situation à forte charge émotionnelle (équipe, psychiatre en 2ème ligne ou en 1ère ligne si accepté) (Accord d’experts).

LE JEUNE ENFANT ET LES ÉCRANS

Pendant la grossesse, il est recommandé d’inciter les parents à réfléchir et à questionner leurs propres usages des écrans (quantité, contenus média, contexte d’utilisation) qu’ils consomment (Accord d’experts). Il est recommandé aux parents d’établir des règles familiales d’usage des technologies, y compris de leur propre usage en présence des enfants, en faisant des différences selon l’âge de la fratrie (Accord d’experts).

Il est recommandé de sensibiliser les parents aux rythmes veille-sommeil et aux besoins du bébé (Accord d’experts), et de les inciter à ne pas laisser les écrans allumés en arrière-plan lors de leur séjour à la maternité et une fois rentrés au domicile (Grade B). Il est recommandé aux parents de mettre leur smartphone/tablette de côté et en silencieux pendant les soins, les activités et jeux avec leur enfant (Accord d’experts). Les moments d’interaction parent-enfant doivent être interrompus le moins possible par des sollicitations non essentielles (Grade B). Il est recommandé aux parents d’éviter de laisser la télévision allumée dans les pièces à vivre si on ne la regarde pas et de dédier des lieux (chambres) et des moments familiaux sans écran (repas, avant la nuit, en voiture) afin de favoriser les interactions parents-enfant (Grade B).

De 0 à 24 mois, l’exposition de l’enfant aux écrans n’est pas utile pour le développement de l’enfant et doit donc être minimale (Grade B). Les appels vidéo avec la famille ou des proches éloignés font figure d’exception dès lors qu’ils sont d’une durée réduite (Grade B). À partir de 24 mois, il est globalement déconseillé d’exposer les enfants aux écrans ; il est toutefois possible d’accompagner son enfant dans des activités interactives adaptées à son âge, en privilégiant les plans longs et un rythme lent (Grade B). Il est recommandé de ne jamais laisser un jeune enfant seul devant un écran sans surveillance ni contrôle parental des contenus (Grade B). Il est recommandé de ne pas calmer ou endormir un jeune enfant en lui proposant de regarder ou de jouer avec un écran (Accord d’experts).

PRÉVENTION DE LA MORT INATTENDUE DU NOURRISSON (MIN)

Il est recommandé que les professionnels de santé de la périnatalité et ceux de la petite enfance soient formés à la prévention des MIN (Accord d’experts).

Concernant les SPA :

Il est recommandé d’éviter l’exposition du fœtus in utero et du nourrisson après la naissance au tabac, à l’alcool et aux drogues en proposant des prises en charge adaptées des addictions des futurs parents (Grade B).

Concernant le couchage :

Il est recommandé de toujours coucher le nourrisson sur le dos pour tous ses moments de sommeil (Grade B). Il est recommandé de coucher le nourrisson en le laissant libre de ses mouvements (Accord d’experts) :

• dans un lit homologué, idéalement à barreaux

• en pyjama et dans une turbulette de taille adaptée, correctement attachée

• en ayant retiré bonnet, collier, chaîne, ou attache-sucette

• sur un matelas ferme aux dimensions adaptées au contour du lit

• sans objet mou autour de lui ou d’accessoire de literie ajouté (tour de lit…)

• dans une pièce aérée et non surchauffée (18-20 °C)

Il est recommandé de ne pas déconseiller l’utilisation d’une sucette pour les temps de sommeil (Grade C). Si le nourrisson est allaité, il est recommandé d’attendre la bonne mise en place de l’allaitement maternel avant l’introduction d’une sucette (Grade B). Le partage de la chambre parentale sur des surfaces de couchage séparées, que l’enfant soit allaité ou non, est recommandé au minimum pendant les 6 premiers mois (Grade B). Cette recommandation s’applique quel que soit le statut tabagique des parents (Accord d’experts).

Il est recommandé que le nourrisson, qui a été mis dans le lit des parents pour être nourri ou réconforté, soit replacé dans son propre lit lorsque le parent est prêt à se rendormir (Grade B). Il est recommandé d’informer les parents, que l’enfant soit allaité ou non, des surrisques au partage de la même surface de couchage en particulier quand (Accord experts) :

• l’un ou les deux parents sont fumeurs, même s’ils ne fument pas au lit ;

• la mère a fumé pendant la grossesse ;

• le nourrisson a moins de 4 mois, quel que soit le statut tabagique parental ;

• le bébé est né prématuré et/ou avec un faible poids de naissance ;

• la literie est inadaptée : lits d’eau, canapés, fauteuils… ;

• il y a des accessoires de literie « doux » comme oreillers, couvertures… ;

• il y a d’autres copartageurs du lit (ex. : jumeaux ou multiples) ;

• le parent a consommé de l’alcool et/ou des drogues ;

• l’un des occupants du lit n’est pas un parent.

LE SYNDROME DU BÉBÉ SECOUÉ OU TRAUMATISME NON ACCIDENTEL PAR SECOUEMENT

Il est recommandé d’informer la mère, et dans la mesure du possible le père (Accord d’experts) :

• qu’il convient d’essayer toujours de calmer les pleurs du bébé

• que malgré les mesures d’apaisement, un bébé peut pleurer plusieurs heures par jour sans que cela soit forcément anormal

• que les pleurs peuvent exaspérer l’adulte et l’amener à secouer l’enfant pour le faire taire

• que si l’adulte est dépassé, exaspéré ou sent qu’il peut le devenir, il convient de coucher l’enfant sur le dos dans son lit, de quitter la pièce et ensuite de demander de l’aide

• qu’il n’y a aucun danger à jouer avec un enfant. Le jeu, qui doit être adapté à l’âge, est nécessaire au développement de l’enfant

S’assurer que toute personne à qui on va confier son enfant sait s’occuper d’un bébé ; qu’elle est sensibilisée au syndrome du bébé secoué et à ce qu’il faut faire en cas d’exaspération (Accord d’experts).

La suite de cette synthèse des RPC sera publiée dans le prochain numéro de Profession Sage-Femme, n° 278 – Février 2022.

(1) Voir RPC “intervention pendant la période périnatale” : Chapitre 2 (https://hal.uca.fr/hal-03283257)

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