LES DROITS ET DEVOIRS DE LA COLLABORATRICE LIBÉRALE

Le contrat de collaboration libérale est utilisé par de nombreuses professions médicales et paramédicales, mais également par les avocats. Son objectif est de faciliter le travail et de favoriser la future installation du collaborateur.

Le contrat de collaboration n’est pas un simple contrat de travail. Ce type de contrat a été initialement prévu afin de permettre à une nouvelle sage-femme de s’installer et de se constituer une patientèle. Tout en travaillant pour une sage-femme déjà installée, la collaborattrice s’occupe des patientes de cette dernière et bénéficie de ses locaux, de son matériel et de son expérience. La collaboration permet à la sage-femme installée d’organiser progressivement sa cessation d’activité ou sa future association. 

La sage-femme installée qui emploie la collaboratrice doit lui laisser suffisamment de temps pour se constituer sa patientèle propre. Même si elle doit se consacrer aux patientes de la sage-femme installée, du temps doit être prévu – idéalement par écrit dans le contrat de collaboration – pour que la collaboratrice puisse se constituer sa propre patientèle.

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La collaboratrice libérale n’est pas salariée et ne bénéficie donc pas d’un certain nombre d’avantages des salariés (droit du licenciement, droits sociaux comme la mutuelle…). La contrepartie de ce statut particulier est de pouvoir développer sa patientèle propre et d’acquérir une expérience solide dans la pratique libérale grâce aux -informations et au soutien de la sage-femme installée. Cette dernière doit partager, en plus des éléments matériels du cabinet, son expérience avec sa collaboratrice (pratique professionnelle, gestion du cabinet). 

La collaboratrice conserve cependant son indépendance d’exercice et aucun lien de subordination n’existe entre les deux sages-femmes. L’exercice en collaboration libérale est donc un exercice d’équilibriste pour lequel il faut parvenir à harmoniser les rapports de travail. Afin de faciliter cette harmonisation, il est conseillé de prévoir un maximum d’éléments dans le contrat de collaboration au moment de la signature et de prendre le temps, au moins une fois par an, de faire le point sur le contrat, la patientèle, les horaires, la redevance, etc., afin que ces éléments soient le plus transparents possible et de rechercher le commun accord, le plus en amont possible. 

La collaboration libérale est une relation de travail qui n’est pas régie par le droit du travail, mais par le droit des contrats. Le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes est compétent pour se prononcer sur le respect de la déontologie, mais c’est le juge judiciaire qui est compétent en cas de litige sur le contrat en lui-même et son exécution. 

Le fait de ne pas être régi par le droit du travail fait que la collaboration libérale est une relation beaucoup plus libre. Un certain nombre de droits et d’obligations pèsent sur chacune des parties (la collaboratrice et la sage-femme installée) qui doivent être soigneusement prévues afin de parvenir à un exercice harmonieux, qui satisfait les deux parties en respectant la déontologie des sages-femmes et le droit des contrats. 

DROITS ET OBLIGATIONS DE LA COLLABORATRICE LIBÉRALE 

  • La collaboratrice peut disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à son exercice professionnel (salle d’attente, de consultations, matériel médical, téléphone, accès Internet, documentation, secrétariat, etc.) tant pour les besoins de la collaboration que pour le développement de sa patientèle personnelle.
  • La collaboratrice a accès aux dossiers de patientes de la sage-femme installée qu’elle suit. 
  • La collaboratrice perçoit directement ses honoraires et signe personnellement ses feuilles de soins, pour la prise en charge de sa clientèle personnelle et des patientes de la sage-femme installée. 
  • La redevance : Le contrat de collaboration doit fixer le montant de la redevance versée mensuellement par la collaboratrice. La fixation de cette redevance relève de la liberté contractuelle. En pratique, il s’agit généralement d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires de la collaboratrice ou d’un forfait convenu d’un commun accord. Il ne doit pas léser la collaboratrice ni s’assimiler à une rémunération en fonction des actes pratiqués. 

Cette redevance correspond aux frais de fonctionnement du cabinet pris en charge par la sage-femme installée. Il est d’usage que la redevance oscille entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires réalisé par la collaboratrice. 

Le montant de la redevance doit être réexaminé chaque année. Afin de justifier de ces frais de fonctionnement pris en charge, la sage-femme installée doit fournir des justificatifs, notamment lors de la réévaluation annuelle. 

La durée de versement de la redevance doit apparaître clairement dans le contrat, avec les éventuelles modalités de renouvellement. S’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée, les parties peuvent le résilier sans motif, avec un préavis minimum de trois mois. Si la durée est déterminée, la collaboration ne pourra pas être résiliée avant l’échéance inscrite sur le contrat. 

  • La collaboratrice peut apposer sa plaque professionnelle à l’entrée du cabinet. 
  • Lors des demandes de rendez-vous, les patientes doivent être informées de la présence de la collaboratrice et des horaires de ses consultations, afin que les patientes aient le choix de leur praticienne.
  • Les congés : la durée des congés doit être fixée contractuellement, dans le contrat de collaboration. Les périodes de congés doivent être prévues d’un commun accord entre la sage-femme installée et la collaboratrice au moins deux mois à l’avance (idem pour les absences liées aux formations). L’une des deux sages-femmes doit toujours être présente au cabinet. 

Le congé maternité : La collaboratrice enceinte peut suspendre sa collaboration pendant au moins seize semaines à l’occasion de son accouchement (26 semaines pour le troisième enfant, 34 semaines pour des jumeaux), réparties selon son choix avant et après l’accouchement avec un minimum de six semaines après l’accouchement.

À partir de la déclaration de grossesse et jusqu’à huit semaines après la fin du congé maternité, la collaboratrice est protégée et le contrat de collaboration ne peut être rompu pour le motif de sa grossesse. 

Les pères bénéficient d’un congé de naissance obligatoire de 7 jours à compter du jour de la naissance et d’un congé facultatif de 21 jours, fractionnable en 3 parties, d’une durée minimale de 5 jours, à prendre dans les 6 mois suivants la naissance. 

En cas de prise de ce congé paternité facultatif, il convient de fixer à l’avance les dates d’absence. 

En cas d’indisponibilité d’une des sages-femmes (vacances ou congé maladie/maternité), les patientes doivent être prises en charge par celle qui reste. Il faut un accord entre les sages-femmes pour que l’absente puisse être remplacée. 

Le versement de la redevance s’interrompt en cas de congé maternité ou maladie. 

Nota Bene : L’annonce d’une grossesse lorsqu’on est collaboratrice n’est pas toujours aisée. Aucun texte ne pose d’obligation particulière concernant cette annonce. Une collaboratrice enceinte n’a pas d’obligation d’en informer la sage-femme installée dans un délai particulier. En principe, en cas de suspension d’un contrat de collaboration, il convient de prévenir au plus tard un mois avant la suspension. C’est cette seule limite qui peut être posée pour l’annonce du congé maternité. Dans cette limite, la collaboratrice est libre d’annoncer sa grossesse quand elle le souhaite et n’a aucune obligation d’en faire part avant.

LA RUPTURE DU CONTRAT DE COLLABORATION 

La collaboratrice libérale n’est pas une salariée et ne bénéficie donc pas de la protection de la législation sur le licenciement. La contrepartie est que le contrat peut être librement rompu par les deux parties, c’est-à-dire sans motif particulier, en respectant un préavis minimum de trois mois (en pratique plutôt fixé à six mois), par lettre recommandée avec accusé de réception. 

La rupture peut intervenir dans un délai plus court (préavis de 8 jours) en cas d’obstacle définitif à la continuation de l’activité professionnelle (radiation du tableau, incapacité permanente, etc.), en cas de suspension de cette activité par l’effet d’une mesure pénale ou disciplinaire, en cas de suspension de cette activité pendant plus de 3 mois (hors congé maternité) ou en cas de faute grave. 

Les conséquences de la rupture du contrat de collaboration : 

  • La répartition de la patientèle : lors du départ de la collaboratrice, ses patientes personnelles seront informées et elle récupèrera ses dossiers. D’où l’importance de faire régulièrement le point (au moins une fois par an) sur la patientèle du cabinet, afin de savoir quelles sont les patientes propres à la collaboratrice, et de décider clairement pour les patientes qui seraient suivies par les deux sages-femmes. Cela peut sembler purement comptable, mais lorsque la situation se complique, la communication est plus difficile et les décisions sont plus complexes à prendre d’un commun accord. 

Le Conseil national de l’Ordre recommande, pour faciliter le recensement des patientes, de constituer deux fichiers patientèle distincts et, si besoin, de confronter ces fichiers avec le relevé individuel d’activité et de prescriptions (RIAP) établi périodiquement par les organismes de sécurité sociale. 

Nota Bene : Le droit de la patiente à choisir son praticien est fondamental et il est absolument nécessaire de correctement informer les patientes lors du départ de la collaboratrice, afin que les patientes puissent exercer ce choix en connaissance de cause.

  • La clause de non-concurrence ou clause de -non-réinstallation : Insérer dans un contrat de collaboration libérale une clause de non-concurrence n’est ni obligatoire ni interdit. Une telle clause, à condition qu’elle soit juridiquement bien rédigée, interdit la réinstallation de la collaboratrice dans le secteur du cabinet pendant un temps donné.
    La validité d’une telle clause est subordonnée à plusieurs conditions : elle doit être justifiée et proportionnée à l’objectif, limitée dans l’espace et dans le temps : la proportionnalité s’apprécie de manière concrète, donc selon chaque situation, c’est-à-dire en fonction de la spécialité exercée par le professionnel de santé, de la typologie des patients, de la démographie médicale, de la durée des relations contractuelles. Elle ne doit pas entraver l’exercice du professionnel soumis à la clause ni porter atteinte au libre choix de leur praticien par les patients. En revanche, contrairement aux clauses de non-concurrence prévues dans des contrats salariés, une telle clause n’a pas à avoir de contrepartie financière pour être valable. 

La cession de patientèle : La cession de patientèle se pratique dans le cadre de la cession de cabinet : la sage-femme cède ses locaux si elle en est propriétaire, le droit au bail si elle est locataire, le matériel et la patientèle. La cédante (personne qui vend son cabinet) doit présenter ses patientes au cessionnaire (qui achète le cabinet) qui va lui succéder et lui confier les dossiers et fichiers. Le prix de vente de la patientèle est librement négocié par les parties, mais en pratique, il est généralement calculé sur une base autour de 30 % du chiffre d’affaires moyen du cabinet sur les trois dernières années. Mais de nombreux facteurs doivent être pris en compte : rythme de travail du cédant, présence d’associés, de collaborateurs, fiscalité… L’opération n’est pas anodine et doit être préparée et évaluée soigneusement, avec l’aide de professionnels, notamment sur le plan fiscal.


La collaboratrice doit se voir proposer en priorité par la sage-femme installée :

  • d’intégrer le cabinet dans le cadre d’une association, si la sage-femme installée envisage de s’associer ;
  • d’acquérir sa patientèle si la sage-femme installée envisage de la céder ;
  • si la collaboratrice qui part souhaite céder sa patientèle, elle doit la proposer en priorité à la sage-femme installée. 

Le contrat de collaboration libérale a été créé pour que les deux parties puissent travailler ensemble, sans lien de subordination, dans le respect de leur indépendance. La collaboratrice continue à se former auprès de la sage-femme installée, en soignant une partie de sa patientèle, et peut se constituer sa patientèle personnelle, sans avoir à engager de frais importants. La sage-femme installée peut aménager son temps de travail, préparer son association ou la cessation de son activité. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre, sans subordination, dans le respect de l’indépendance de l’autre et du droit des patientes à choisir leur praticien, afin que chacun y trouve son compte. 

Conseils – Ne pas oublier 

  • Des modèles types de contrats sont disponibles sur le site du Conseil national de l’Ordre, le mieux est de tenter de s’y référer au maximum, quitte à adapter après.
  • Certaines clauses de ces contrats sont essentielles, car relatives aux règles déontologiques de la profession. Elles ne peuvent pas être modifiées et doivent figurer systématiquement dans tout contrat d’exercice conclu par des sages-femmes libérales. 
  • Les contrats doivent être communiqués au conseil départemental qui vérifie leur conformité avec les principes du code de déontologie ainsi que, s’il en existe, avec les clauses essentielles des contrats types établis par le Conseil national de l’Ordre. 
  • Ne pas hésiter à prendre conseil auprès d’un professionnel avant la signature du contrat (avocat, juriste, comptable).
  • Prévoir de façon régulière de se réunir pour faire le point sur le contrat : le montant de la redevance, les justificatifs de frais à fournir, l’organisation du travail et le listing de la patientèle. Plus le point est fait régulièrement, moins cela est laborieux. 
  • En cas de litige, contacter sa protection juridique (bien vérifier que l’assurance responsabilité civile fournit ce service) et le Conseil national de l’Ordre.

■  Marie Josset-Maillet, avocate

Références : Article 18 Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises