Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux étudiants hommes, qui font exception dans les écoles de sages-femmes ? Je viens de la sociologie de l’éducation et du genre. Je m’intéressais aux orientations atypiques au niveau du genre. De nombreuses recherches ont montré que les femmes et les hommes font des choix d’orientation différents. D’autres travaux avaient été menés sur l’orientation des femmes vers des professions très masculinisées, mais peu l’inverse. C’est pourquoi j’ai souhaité enquêter sur les hommes au sein de filières très féminisées. La maïeutique représente bien un métier associé aux femmes, d’autant que la profession était fermée aux hommes jusqu’en 1982. L’assistance sociale a aussi une histoire et des caractéristiques associées aux femmes. Mon hypothèse était que ces formations seraient une bonne loupe pour mettre à jour des dynamiques de genre. C’est seulement par la suite que je me suis rendu compte que les médias s’intéressaient souvent aux hommes sages-femmes et que cet intérêt interrogeait les sages-femmes. © D.R. Qu’avez-vous observé lors de votre enquête ? Un résultat important est mis en avant dans le titre du livre : dans les formations très féminisées, les hommes se distinguent des femmes. Cette idée de distinction renvoie d’abord à leur rareté, qui les rend visibles. Se distinguer implique aussi de se différencier et d’être valorisé. J’ai constaté que les étudiants tirent des bénéfices de leur genre au sein de la formation. Par exemple, au sein des promotions, ils adoptent souvent le rôle de porte-parole. Ils sont surreprésentés dans les associations étudiantes, ou lorsqu’il s’agit de négocier des choses avec les enseignantes. Cela fait écho à ce que l’on retrouve plus tard sur le marché du travail, où les hommes sont plus nombreux dans les rôles de représentation. Ils prennent des rôles visibles. Autre exemple : plusieurs étudiants ont eu une proposition d’emploi avant la fin de leur…
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Les Maisons des femmes essaiment
TweetEn France, près de 670 000 femmes subissent des violences chaque année, dont 220 000 au sein de leur couple, selon des données de l’Insee pour la période 2012-2018 (1). Près de 125 000 ont subi des mutilations sexuelles féminines, selon une estimation de Santé publique France (SPF) de 2019 (2). Ne serait-ce que concernant les violences au sein du couple, le coût pour la société s’élève à 3,6 milliards d’euros par an, en termes d’aides sociales, de perte de capacité de production et de coût médicaux directs, selon une étude de SPF de 2016 (3). À Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis (93), dès juillet 2016, une équipe emmenée par Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Delafontaine, prend à bras le corps ce problème de santé publique et construit un modèle de soins global. Les sages-femmes y tiennent une place importante. Très vite, le modèle rayonne au niveau national et au-delà. UN DÉPLOIEMENT PROGRESSIF D’autres Maisons des femmes voient le jour, comme à Bruxelles, en Belgique, en novembre 2017. En 2020, La Maison de Soie, adossée au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, et Casavia, adossée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, ouvrent à leur tour. Puis quatre autres structures se créent en 2021 à Bordeaux, Reims, Le Havre et Tours, toutes rattachées au CHU local. Les villes de Marseille, Versailles, Elbeuf-Louviers, Grenoble, Longjumeau, Orléans et Avignon se dotent aussi d’une telle structure. Une maison doit ouvrir à Rennes en octobre prochain. Ce déploiement correspond à un double mouvement. D’une part, des initiatives locales émergent, animées par des professionnels engagés, s’inspirant de la Maison de Saint-Denis. D’autre part, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en 2017, reconnait La Maison des femmes de Saint-Denis comme modèle à -soutenir et à dupliquer. L’Igas recommande ainsi la -création d’une mission d’intérêt général (MIG) pour financer le déploiement des structures....
À bord du gynécobus
Tweet« C‘est bien ici la consultation ? Je viens pour mon suivi gynécologique. » Il est 9 h 10 en ce matin de juin. Sophia* attend son rendez-vous en plein air, sur le parking de l’office du tourisme de Saint-Julien, petit village du Var de 2000 habitants. « La salle d’attente est atypique », s’amuse-t-elle pendant que l’équipe finit d’installer le Gynécobus. Depuis le 5 septembre 2022, ce cabinet mobile propose des rendez-vous avancés de gynécologie dans 43 communes des territoires de la Provence Verte, une intercommunalité du Var. UN PROJET DE SANTÉ PUBLIQUE L’idée naît trois ans plus tôt, en 2018, dans les esprits de Laure Fabre, sage-femme libérale à Rians, et de Gérard Grelet, médecin gynécologue retraité. Tous deux constatent alors les difficultés des patientes à se déplacer ou à obtenir des rendez-vous dans des délais raisonnables. Ils objectivent les carences de soins et les ruptures des parcours médicaux des femmes en recueillant des indicateurs -chiffrés, tout en -analysant les flux de déplacements des patientes. Ils créent l’association Santé pour tous et obtiennent l’appui de l’Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côtes d’Azur. Leur objectif : lever les freins à l’accès aux soins comme l’éloignement, le manque de disponibilité des soignants et les dépassements d’honoraires. Peu à peu, ils parviennent à convaincre des partenaires. Le Centre Hospitalier Intercommunal Brignoles – Le Luc (CHIBLL) accepte de porter le projet. Il faut aussi des soutiens politiques. Des élus de Provence verte et de Provence Verdon, une communauté de quinze communes située au sein de l’intercommunalité Provence Verte, ainsi que des députés, des conseillers régionaux et départementaux, des maires et le Préfet du Var s’engagent. Également soutenue par la CPAM, l’idée trouve son modèle d’organisation et de financement. Le projet obtient 92 000 euros de l’ARS et près de 47 000 euros de la région Sud-Provence-Alpes-Côtes-d’Azur. D’autres sources ajoutent leurs deniers : le département, les régions voisines, -l’Europe, la préfecture du...
Sages-femmes, un film écrit à plusieurs mains
TweetDeux ans de travail intense, plusieurs immersions des scénaristes et des acteurs en maternité, dix sages-femmes accompagnatrices du projet : Sages-femmes est une fiction proche du documentaire. Au départ, il y a une commande de la chaine Arte à Léa Fehner, jeune réalisatrice avec déjà deux longs métrages à son actif. « Je savais que mon film serait produit et j’ai choisi de mélanger deux processus de travail auxquels j’avais eu recours pour mes films précédents, en alliant documentation, immersion personnelle et des acteurs », explique la réalisatrice. Contrairement aux films classiques, le scénario et les dialogues ne sont pas ficelés d’avance. Tout au long du processus, tous les intervenants ont contribué à l’écriture. DÉCRIRE L’UNIVERS HOSPITALIER Mère d’un premier enfant ayant connu de gros soucis de santé, Léa Fehner a été confrontée à l’univers hospitalier avec son compagnon. « Nous avons été souvent victimes d’un déficit d’écoute, de réactions abusives, de moments de solitude intense et par plusieurs fois nous nous sommes sentis maltraités, infantilisés, abandonnés… Pour comprendre cette expérience, j’ai voulu me plonger dans ce monde avec mes armes de cinéaste et tenter de regarder les soignants à la hauteur de ce qu’ils sont : des hommes et des femmes, confrontés à la détresse, à la douleur, à la mort et à la vie, à l’incurie de l’hôpital, aux dégradations des conditions de travail, à la pression permanente de leur direction. » Très vite, le métier de sage-femme s’impose : les professionnelles alertaient déjà sur leurs conditions de travail. Avec sa coscénariste Catherine Paillé, elles imaginent d’abord une histoire d’amitié abimée par les contraintes de l’hôpital. « J’ai décidé de raconter l’histoire de deux jeunes sages-femmes, Louise et Sofia, deux gamines courageuses qui commencent leur vie active dans un bateau qui fait naufrage et qui pourtant conservent une féroce envie de vivre, de rire, de s’engager,...