Entretien avec Alice Olivier : « Au sein des études de sage-femme, les hommes maintiennent leurs privilèges de genre »Entretien avec Alice Olivier :

La sociologue Alice Olivier a enquêté sur les hommes ayant opté pour des formations dites féminines : les études de sage-femme et d’assistance sociale. De 2013 à 2018, pour sa thèse, elle a notamment interrogé 31 étudiants et 14 étudiantes sages-femmes, de même que 18 enseignantes et encadrantes de stage. Elle a aussi passé de nombreuses heures en immersion pour observer les étudiants en formation. De ce travail, elle a tiré un livre passionnant, intitulé Se distinguer des femmes. Sociologie des hommes en formations « féminines » de l'enseignement supérieur.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux étudiants hommes, qui font exception dans les écoles de sages-femmes ? Je viens de la sociologie de l’éducation et du genre. Je m’intéressais aux orientations atypiques au niveau du genre. De nombreuses recherches ont montré que les femmes et les hommes font des choix d’orientation différents. D’autres travaux avaient été menés sur l’orientation des femmes vers des professions très masculinisées, mais peu l’inverse. C’est pourquoi j’ai souhaité enquêter sur les hommes au sein de filières très féminisées. La maïeutique représente bien un métier associé aux femmes, d’autant que la profession était fermée aux hommes jusqu’en 1982. L’assistance sociale a aussi une histoire et des caractéristiques associées aux femmes. Mon hypothèse était que ces formations seraient une bonne loupe pour mettre à jour des dynamiques de genre. C’est seulement par la suite que je me suis rendu compte que les médias s’intéressaient souvent aux hommes sages-femmes et que cet intérêt interrogeait les sages-femmes. © D.R. Qu’avez-vous observé lors de votre enquête ? Un résultat important est mis en avant dans le titre du livre : dans les formations très féminisées, les hommes se distinguent des femmes. Cette idée de distinction renvoie d’abord à leur rareté, qui les rend visibles. Se distinguer implique aussi de se différencier et d’être valorisé. J’ai constaté que les étudiants tirent des bénéfices de leur genre au sein de la formation. Par exemple, au sein des promotions, ils adoptent souvent le rôle de porte-parole. Ils sont surreprésentés dans les associations étudiantes, ou lorsqu’il s’agit de négocier des choses avec les enseignantes. Cela fait écho à ce que l’on retrouve plus tard sur le marché du travail, où les hommes sont plus nombreux dans les rôles de représentation. Ils prennent des rôles visibles.  Autre exemple : plusieurs étudiants ont eu une proposition d’emploi avant la fin de leur…

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