L’endométriose, un objet politique ?

À trois mois de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron et ses conseillers annoncent une nouvelle cause nationale : la lutte contre l’endométriose. Attendu de longue date par les patientes et les associations, le projet est ambitieux.

Pour la première fois, un président de la République s’est adressé solennellement aux Français, pendant plus de cinq minutes, à propos de l’endométriose. Il l’a présentée comme « un problème de société », dont il veut faire une nouvelle cause nationale. La vidéo, diffusée le 11 janvier 2022 sur les réseaux sociaux, annonce la remise du rapport demandé à la députée européenne et gynécologue Chrysoula Zacharopoulou. Il s’agit d’une « proposition de stratégie nationale contre l’endométriose »

UN COMITÉ INTERMINISTÉRIEL

Au-delà d’un problème de santé publique, la maladie, qui touche environ deux millions de femmes dans notre pays, a un impact social et économique. En France, les coûts directs, liés à la prise en charge médicale, et les coûts indirects, essentiellement associés aux arrêts maladie des femmes et à une « perte de productivité », s’élèveraient à 9,5 milliards d’euros chaque année. Aussi la stratégie gouvernementale se veut-elle interministérielle. Le comité de pilotage devrait rassembler des membres des ministères de la Santé, du Travail, de la Jeunesse et des Sports, de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de l’Égalité des chances, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que du secrétariat d’État en charge de l’Enfance.

L’un des enjeux forts demeure l’organisation des soins. À la manière de ce qui a été fait en Auvergne-Rhône-Alpes, avec le réseau Endaura (voir Profession Sage-Femme septembre 2021, n° 274, p. 36), chaque région devra se doter d’une filière de soins organisée, identifiable et connue des professionnels de santé, avec au moins un centre de référence. Il faudra aussi renforcer la formation des professionnels de santé. Les sages-femmes sont clairement identifiées comme « premier recours » dans la prise en charge. Pour cela, il faudra leur permettre « de prescrire des antalgiques de palier 1 et/ou des IRM ». Mais selon le rapport, le médecin généraliste est identifié comme « référent dans le parcours de soins des patientes ». Il doit « organiser sa collaboration avec le médecin gynécologue de la patiente et/ou la sage-femme ».

RECHERCHE ET INNOVATION

Autre enjeu de taille : la recherche. Le Gouvernement veut repérer et fédérer les équipes qui travaillent déjà sur le sujet et mettre en place des cohortes de patientes pour une grande enquête épidémiologique. Il s’agit par exemple d’identifier les facteurs de risques et certains biomarqueurs précoces, de mieux comprendre l’apparition et le développement de la maladie. Au-delà des volets clinique, biologique, épidémiologique, les aspects psychologiques et sociologiques devront être étudiés. Une sorte d’incubateur de projets devrait également voir le jour, pour favoriser l’innovation, avec un versant industriel et numérique.

Enfin, la communication et l’information sont mises en exergue. Il faut avoir le « réflexe endométriose », soulignaient des conseillers de l’Élysée. Des campagnes de communication à destination du grand public et des professionnels de santé vont avoir lieu. D’ailleurs, si le contenu du rapport est ambitieux et l’enjeu national porteur d’espoir, l’ensemble ne serait-il pas qu’une opération de communication ? Certes, la crise sanitaire liée au Covid-19 a freiné les velléités gouvernementales. Mais que penser de pareilles annonces, faites sans projet de calendrier ni de budget, à seulement trois mois d’une fin de mandat présidentiel, alors qu’une femme sur dix est concernée ?

Vers un remboursement à 100 % ?

Deux jours après l’annonce d’Emmanuel Macron, l’endométriose a aussi fait l’actualité à l’Assemblée nationale. Son classement en ALD 30 (affection longue durée), qui implique que 100 % des soins soient remboursés par l’Assurance Maladie, a été voté à l’unanimité, sur proposition du groupe La France insoumise. Le résultat de ce scrutin n’a cependant rien de contraignant. Il invite seulement le Gouvernement à se saisir du sujet. Pour l’heure, ce n’est pas le cas. La mesure ne figure pas dans le rapport remis deux jours plus tôt et le ministre de la Santé n’y paraît pas favorable. 

Séance dans l’hémicycle ® D.R.

L’endométriose fait déjà partie des ALD 31, encore appelées ALD « hors liste ». Elles entraînent le même type de remboursement, mais chaque patiente doit en faire la demande via son médecin traitant. Le dossier passe ensuite entre les mains d’un médecin-conseil de l’Assurance Maladie, à qui revient la décision. Seuls les cas d’endométriose sévère peuvent être retenus. Cette particularité engendre de grandes inégalités territoriales. Pour les gommer, plutôt que de passer par une ALD 30, le Gouvernement envisage d’harmoniser les pratiques d’attribution de l’ALD 31. En évitant de convoquer la HAS, cette solution pourrait être plus rapide. Aussi est-elle soutenue par les associations de patientes, même si ces dernières espèrent à plus long terme obtenir un classement en ALD 30. En effet, en plus d’accorder un remboursement unanime, l’ALD 30 permet la prise en charge des transports pour raison médicale et réduit le délai de carence des arrêts maladie.

■ Géraldine Magnan