Les subtilités du secret professionnel

Les sages-femmes, comme toutes les professions médicales, sont tenues au secret professionnel. Si les grands principes de ce secret sont bien connus, dans la pratique, les questions sont nombreuses.

Toutes les sages-femmes inscrites au tableau de l’Ordre ainsi que toutes les étudiantes sages-femmes sont tenues au secret professionnel (article L1110-4 et articles R4127-303 et suivants du Code de la santé publique). Il couvre « tout ce qui est venu à la connaissance de la sage-femme dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’elle a vu, entendu ou compris ». La sage-femme doit veiller à ce que les personnes qui l’assistent respectent le secret, ainsi qu’à la confidentialité de ses dossiers médicaux. 

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DÉROGATIONS ET CAS D’ESPÈCE

La sage-femme peut toutefois révéler des informations en principe secrètes dans certaines situations. Lorsqu’elle se trouve en présence d’une femme ou d’un nouveau-né en danger immédiat ou qu’elle est informée d’un tel danger, la sage-femme doit alors lui porter assistance ou s’assurer que les soins nécessaires sont donnés. Lorsqu’elle discerne qu’une femme auprès de laquelle elle est appelée ou son enfant est victime de sévices, elle doit alors mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour les protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un enfant mineur ou d’une femme qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, la sage-femme doit, sauf circonstances particulières qu’elle apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. Enfin, la sage-femme est autorisée à révéler des informations confidentielles pour se défendre, si elle fait l’objet de poursuites pénales. Les informations divulguées doivent être strictement nécessaires à sa défense, et uniquement indiquées aux magistrats ou aux services de police. 

Le Conseil de l’Ordre des sages-femmes est régulièrement saisi de plaintes à l’encontre de sages-femmes, déposées par des compagnons de femmes suivies, qui estiment que la sage-femme a violé le secret médical. Il peut s’agir du cas où la sage-femme réalise une attestation pour sa patiente dans le cadre d’une procédure de séparation. 

Dans ce cadre, il faut rappeler que la sage-femme est non seulement liée par le secret professionnel, mais doit s’abstenir de s’immiscer dans les affaires de famille (article R4127-338 du Code de la santé publique) et ne doit pas réaliser de rapport tendancieux ni de certificat de complaisance (article R4127-335 du Code de la santé publique). 

L’Ordre a jugé que ne violait pas le secret professionnel une sage-femme qui répond aux questions posées par les services de police lors d’une enquête ouverte pour « violences volontaires sur mineur de 15 ans par ascendant ». La sage-femme qui révèle aux autorités judiciaires, médicales ou administratives des sévices ou privations dont seraient victimes des mineurs (article 226-14 du Code pénal) ne commet pas non plus de faute. 

En revanche, la professionnelle qui divulgue par mail, à 400 personnes, une liste noire de patientes qui n’honorent pas leurs rendez-vous ne respecte pas le secret professionnel et porte atteinte à l’honneur de la profession.

La sage-femme qui a « montré peu de retenue » dans sa façon de relayer auprès des services chargés d’une enquête pénale les accusations de sa patiente contre son époux et n’a pas conservé sans ses propos l’impartialité et la mesure que l’on attend d’un professionnel de santé s’est immiscée dans les affaires de la famille. Il s’agit alors d’une faute déontologique. Attestations et témoignages doivent s’en tenir aux faits.

« SECRET PARTAGÉ » 

Le partage d’informations concernant un patient, sans le consentement de celui-ci, est possible, mais seulement entre professionnels participant à la prise en charge de ce patient ou appartenant à la même équipe de soins. Il est donc théoriquement possible d’échanger des informations couvertes par le secret professionnel sur des groupes privés. Mais, même dans le cadre d’un espace fermé et sécurisé en ligne, il est impossible de maîtriser complètement la diffusion des informations publiées. En effet, nul ne peut être certain que personne ne pourra avoir accès aux informations ni que la plateforme utilisée ne réunit que des professionnels qui prennent en charge le patient. Le secret professionnel peut donc être compromis relativement facilement (page du réseau social non fermée après utilisation, accès au réseau social par quelqu’un d’autre que le professionnel…). En pratique, il vaut mieux éviter d’utiliser les réseaux sociaux à des fins professionnelles, car une information peut très rapidement échapper à celui qui l’a publiée, en étant republiée, likée, retwittée…, etc. Avant toute publication, toujours s’interroger sur les informations publiées : sont-elles identifiantes ? Sont-elles absolument nécessaires à l’échange ? 

De même, les sages-femmes doivent veiller au respect du droit à l’image de leurs patients et de leurs collègues, car il s’agit d’une donnée personnelle. Chacun a un « droit à l’image » et peut s’opposer à sa conservation ou sa diffusion publique sans son autorisation, sauf cas particulier. En pratique, éviter la publication de selfies : diffuser un selfie sur lequel apparaîtrait en arrière plan un patient ou un autre soignant reconnaissable peut faire l’objet d’une sanction au titre de la violation du droit à l’image. 

Il faut également rappeler que tout agent public ou salarié doit faire preuve de réserve et de mesure dans l’expression de ses opinions. Il a en effet été jugé que l’employeur peut se prévaloir de propos tenus sur un réseau social pour sanctionner un salarié qui aurait abusé de son droit d’expression. L’agent public est libre de ses opinions, mais leur expression n’est pas libre. Le devoir de réserve s’applique en général, pas seulement sur les temps de présence dans le service. Les réseaux sociaux, du fait de leur caractère public et non maîtrisable, sont donc à manier avec la plus grande précaution. 

Le non-respect du secret professionnel peut être sanctionné. Au pénal, la peine maximale correspond à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Devant les juridictions civiles, le professionnel mis en cause peut être amené à verser des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi par le patient. Enfin, la juridiction ordinale veille également, le respect du secret professionnel étant l’un des piliers de la déontologie. 

Marie Josset-Maillet, avocate