Installer son cabinet chez soi

Rien n’interdit à un professionnel de santé d’installer son cabinet à son domicile. Il faut cependant respecter plusieurs conditions et normes.

Installer son cabinet chez soi peut s’avérer intéressant lorsque son habitation le permet, pour gagner du temps de transport, éviter l’achat et l’entretien d’un véhicule et faire des économies de carburant et de loyer.

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AUTORISATIONS NÉCESSAIRES

Le projet demande plusieurs démarches. Dans les villes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne, il est obligatoire d’obtenir l’autorisation préalable de la mairie ou de la préfecture pour classer son domicile comme établissement recevant du public (ERP). Cette autorisation est accordée à condition que le logement constitue la résidence principale du demandeur et que son activité ne revête pas de caractère commercial, ce qui est le cas d’un cabinet de sage-femme. L’autorisation est donnée à la personne qui exerce et non au local : elle ne peut donc se transmettre et la demande doit être renouvelée en cas de changement de locataire ou de propriétaire. Par dérogation, cette demande d’autorisation n’est pas nécessaire lorsque le logement est situé en rez-de-chaussée et que l’activité n’engendre pas de nuisance pour le voisinage, et lorsque l’habitat est situé en zone franche urbaine.

Pour les locataires, il faut demander au bailleur l’autorisation de changer la destination du logement, pour passer d’un usage d’habitation à un usage mixte. Si le propriétaire est d’accord, un avenant au bail initial suffit pour valider le changement. De leur côté, les propriétaires doivent vérifier que le règlement de copropriété n’interdit pas l’usage professionnel des logements. Si aucune clause ne l’empêche, il est préférable pour éviter tout conflit de demander aux autres copropriétaires, en assemblée générale, l’autorisation d’installer un cabinet à son domicile.

RESPECT DES NORMES

Les cabinets médicaux appartiennent à la cinquième catégorie des ERP (articles R.123-18 et R.123-19 du Code de la construction et de l’habitation). Ils sont donc soumis à des normes précises. En pratique, les installations électriques doivent respecter les dernières normes en vigueur. Le local doit disposer de détecteurs de fumée et d’un extincteur. Des consignes à mettre en place en cas d’urgence et les numéros d’urgence à contacter doivent être clairement affichés. Le local doit aussi être couvert par une assurance multirisque.

Depuis le 1er janvier 2015, les cabinets médicaux sont tenus de répondre aux normes d’accessibilité : disposer d’une place de parking à proximité, de rampes d’accès ou d’ascenseurs, de sanitaires adaptés, de portes d’une largeur de 90 cm minimum ou de 80 cm si le cabinet fait 30 m² ou moins. Il est possible de déroger à ces obligations en cas d’impossibilité technique avérée, d’impact sur l’activité économique de l’établissement, de contraintes liées à la conservation du patrimoine ou de refus par l’assemblée générale des copropriétaires des travaux de mise en accessibilité (loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014, ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014). 

L’article R.4127-309 du Code de la santé publique précise que « la sage-femme doit disposer au lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable et de moyens techniques suffisants. En aucun cas, la sage-femme ne doit exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la sécurité et la qualité des soins et des actes médicaux. » Concrètement, il faut donc prévoir au moins deux pièces : une salle d’attente et une salle de consultation bien isolée. La pièce réservée aux consultations doit permettre d’installer un bureau et un lavabo pour se laver les mains après les soins. La salle d’attente doit permettre un accès aux toilettes au public. Les médicaments sont à conserver dans une armoire verrouillée. Penser également à installer le cabinet dans un endroit isolé de la vie familiale. La CPAM peut effectuer des contrôles pour vérifier la conformité sanitaire des locaux.

QUELLE FISCALITÉ ?

Les locataires peuvent déduire une partie de leur loyer en charges professionnelles, à condition que le paiement du loyer soit effectif et qu’un virement ou un paiement par chèque soit visible dans la comptabilité professionnelle. Le calcul est établi au prorata de la surface du local professionnel sur l’ensemble du logement. L’administration fiscale tolère jusqu’à 50 % de la surface (et donc du loyer) dans les cas où l’activité est régulière et demande de la surface, comme pour un cabinet avec salle de soins et salle d’attente. 

Les propriétaires doivent déclarer à l’administration fiscale les pièces de leur logement qui seront à usage mixte. Ainsi, la taxe foncière sera mise à jour. En revanche, un crédit immobilier n’est pas une charge déductible. Cependant, les propriétaires ont la possibilité de se verser un loyer de leur compte professionnel à leur compte personnel. Il s’agit ainsi d’une location à soi-même qui doit être déclarée dans la catégorie des revenus fonciers sur la déclaration de revenus personnelle. Cette opération en apparence blanche peut s’avérer intéressante, car déduire le loyer du cabinet du bénéfice professionnel permet de diminuer la base du revenu social et donc des cotisations sociales.

Enfin, l’eau, l’électricité, le gaz et les abonnements au téléphone et à internet peuvent également être déduits au prorata. Il suffit de calculer la part de la surface du cabinet sur la surface totale de l’appartement. Si elle représente 20 % de la superficie du logement, 20 % de tous les frais mixtes pourront être déduits en charges professionnelles. Pour bénéficier de ces déductions, l’adresse du siège social de l’activité doit bien être celle de son domicile. 

NOTA BENE

Attention à la confusion entre installation et domiciliation. L’installation du cabinet à son domicile en fait un local à usage mixte. La domiciliation correspond uniquement à l’adresse administrative du cabinet, et pas nécessairement au lieu d’exercice. La domiciliation chez soi ne change pas la destination du local qui reste à usage d’habitation. Domicilier son cabinet à son domicile permet de remplir l’obligation d’indiquer une adresse professionnelle aux caisses d’assurance maladie, dans le cas où une sage-femme décide de travailler sans cabinet. En effet, aucune disposition légale n’oblige les sages-femmes à disposer d’un cabinet. 

Nour Richard-Guerroudj