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Pratiques

Examens gynécologiques : le CCNE rend son avis

« Cet avis pousse à la sérénité mais pas à l’immobilisme ». Tel est l’esprit de l’avis n° 142 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur le consentement lors des examens intimes, publié le 29 mars, selon Jean-François Delfraissy, qui préside l’instance. Cet avis répond à la saisine de la Première ministre suite aux plaintes déposées par des patientes pour viol gynécologique. Au bout de huit mois de travaux et d’auditions, « le comité a fait le choix d’aborder l’ensemble des examens qui touchent à la pudeur, à l’intimité et à l’intégrité de façon particulière », précise Karine Lefeuvre, juriste et vice-présidente du CCNE. Si l’avis concerne surtout les femmes, qui connaissent en moyenne entre 50 à 80 consultations gynécologiques au cours de leur vie, il s’adresse aussi aux hommes « dont l’absence de plaintes ne signifie pas l’absence de maux ». Les professionnels concernés ne se limitent donc pas aux -gynécologues-obstétriciens et sages-femmes. Urologues, proctologues, gastro–entérologues, radiologues, urgentistes, dermatologues, généralistes, kinésithérapeutes, ostéopathes, infirmiers et -aides-soignants de tous les secteurs sont aussi inclus. LE CADRE DU CONSENTEMENT « Comment la violence peut-elle surgir alors que le geste soignant consiste précisément en une attention au corps de l’autre ? », s’est interrogé le comité. De façon salutaire, il rappelle d’abord des évidences : « Le corps n’est jamais dissociable d’un psychisme.(…) C’est cette prise en compte de leur subjectivité qui, pour les patient(e)s, rend la nudité et l’examen acceptables ». À l’inverse, la négation de la pudeur et de « l’extrême intimité » est « objectivante et destructrice ».Et de rappeler avec justesse les travers du système de soins : « Les institutions soignantes sont soumises à des rythmes et des contextes de travail qui peuvent conduire les soignant(e)s à neutraliser leurs émotions, au risque de la dépersonnalisation ».  Le CCNE précise ensuite les contours du consentement, une notion connue des soignants depuis la loi Kouchner de 2004, mais dont les implications concrètes...

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Point juridique

Le principe de confraternité et ses implications 

L’ article R. 4127-354 du Code de la santé publique dispose que « les sages-femmes doivent entretenir entre elles des rapports de bonne confraternité. Elles se doivent une assistance morale. Une sage-femme qui a un dissentiment avec une autre sage-femme doit chercher la conciliation au besoin par l’intermédiaire du Conseil départemental. Il est interdit à une sage-femme d’en calomnier une autre, de médire d’elle ou de se faire l’écho de propos capables de lui nuire dans l’exercice de sa profession. Il est de bonne confraternité de prendre la défense d’une sage-femme injustement attaquée. » En ce qui concerne les rapports des sages-femmes avec les autres professionnels de santé, l’article R.4127-359 du Code de la santé publique dispose que « les sages-femmes doivent entretenir de bons rapports, dans l’intérêt des patientes, avec les membres des professions de santé. Elles doivent respecter l’indépendance professionnelle de ceux-ci. » INTÉRÊT DU PATIENT Principe déontologique fondamental, la confraternité est généralement justifiée par l’intérêt du patient. Dans le Code de déontologie médicale commenté, la confraternité est expliquée par le fait que « le patient ne peut être toujours suivi, ni accompagné, ni traité par le médecin de façon individualiste. Le médecin est au regard de la médecine l’élément d’un corps qui le rend dépendant des autres membres auxquels le rattachent des liens indispensables, confraternels. Ainsi le corps médical doit vivre dans la confraternité. Il est uni par un état d’esprit commun, celui d’une profession de responsabilité et d’action, par une formation intellectuelle particulière, alliant science et humanisme. Il ne s’agit pas d’une manifestation de corporatisme, mais d’une solidarité et d’une entraide nécessaires à l’accomplissement de la mission médicale. »  Les dispositions sur la confraternité concernant les médecins et les sages-femmes étant très similaires, les questions abordées sont transposables aux deux professions, et elles sont nombreuses lorsque l’intérêt du patient est mis en...

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Info-pro

À travers les yeux des parents – Représentation de la vie affective et sexuelle des adolescentes en situation de handicap mental

Camille Marolle, sage-femme Entre enfance et âge adulte, l’adolescence est cette période de la vie marquée par de grands changements physiques, psychologiques et sociaux, comprise entre 10 et 19 ans selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [1]. On ne peut nier qu’il s’agisse d’une étape de la vie qui peut être source d’anxiété pour les parents d’adolescents. Cette anxiété peut se muer en angoisse lorsqu’une vulnérabilité sous-jacente est présente. Selon le Code pénal (article 434-3), la personne vulnérable est « un mineur de 15 ans ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse ». Les personnes en situation de handicap (moteur, sensoriel – déficiences auditive et visuelle -, mental, psychique et maladies invalidantes, troubles envahissants du développement et troubles DYS) ont longtemps été mises de côté dans l’Histoire. Cependant, ces vingt dernières années ont montré un intérêt croissant pour les douze millions de personnes concernées en France, selon l’Insee (2016). L’accès aux soins est ainsi un sujet d’actualité. En effet, l’adulte en situation de handicap apparaît comme moins bien soigné que la population ordinaire. Un retard de prise en charge est également à souligner, avec des dépistages moins fréquents. En 2006, 90 % des femmes en situation de handicap ne bénéficiaient d’aucun suivi gynécologique selon Santé publique France. Sujet déjà tabou dans notre société occidentale, la sexualité des personnes en situation de handicap est cachée, non dite, « mal vue ». On peut même parler d’interdit, lorsque l’on aborde la sexualité et le handicap mental. Longtemps ces personnes renvoyaient l’image « d’éternels enfants […] asexués et dépourvus de libido » selon Michel Desjardins [19]. Il fallait les protéger des « dangers de la sexualité ». Pour ce faire, l’enfermement asilaire ou la stérilisation eugénique étaient utilisés. Alors que ces pratiques...

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Dossier

« Entendre et croire les femmes contribue à modifier nos pratiques »

Comment est née l’idée de cette consultation autour de la naissance ? Lors des consultations de suivi de grossesse, je recevais de plus en plus de femmes exprimant leur mal-être suite à leur accouchement précédent. J’étais d’autant plus troublé que, ayant leur dossier et leurs antécédents entre les mains, il n’y avait rien de spécifique à signaler d’un point de vue médical. Mais leur accouchement les avait en partie détruites. J’ai aussi lu le Livre noir de la gynécologie et de ­l’obstétrique, de Mélanie Déchalotte, publié en 2017 : les témoignages m’ont bouleversé ! Nous avons organisé une rencontre avec l’autrice au sein du réseau Maternité en Yvelines et Périnatalité active (Mypa). Ce fut difficile : les sages-femmes cadres ne parvenaient pas à entendre ce que la journaliste disait et la rencontre a été vécue sur le mode de la confrontation. En matière de violences obstétricales et gynécologiques, il s’agit souvent d’une inadéquation entre les attendus des patientes et des soignants. Quand une femme dit qu’on ne s’est pas occupé d’elle, il s’agit d’entendre qu’on ne s’est pas occupé d’elle comme elle l’entendait. La littérature est par ailleurs claire sur le risque de syndrome post-traumatique après un accouchement.  Il m’est donc apparu nécessaire de répondre à deux objectifs : fournir une explication aux femmes et dépister un syndrome post-traumatique (SPT) pour les orienter vers des soins adéquats. C’est ainsi qu’est née la consultation de discussion autour de la naissance, pour favoriser la communication entre soignants et soignés.  L’objectif ne devrait-il pas être de changer les pratiques ? La prise en compte de la parole des femmes modifie à la fois notre approche technique, mais aussi nos savoir-être relationnels. Nous avons ainsi réduit notre taux d’épisiotomie, qui était de 30 % lors de la publication des recommandations de pratique clinique (RPC) sur la préservation périnéale de 2018, à...

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Dossier

Vécu de l’accouchement : des consultations dédiées à Lille

« J’ai vécu trois accouchements, dont deux compliqués et un génial. La dernière fois, j’ai accouché au CHU de Lille en 2017 et ce fut la catastrophe ; c’est là que j’ai des questions. » En ce lundi matin de février, Linda rencontre pour la première fois Charles Garabédian, gynécologue-obstétricien à la maternité Jeanne de Flandre, du CHU de Lille. Depuis début 2022, il a ouvert un créneau d’une heure par semaine pour une « consultation autour de la naissance », sur le modèle du centre hospitalier de Versailles (lire p. 25).  ENTENDRE LES FEMMES Cette initiative s’inscrit dans la culture du CHU de Lille. « Depuis 2019, nous proposons en routine aux femmes d’élaborer un projet de naissance afin d’instaurer un dialogue autour de l’accouchement, témoigne Charles Garabédian. Nous portons une attention aux femmes en suites de couches, notamment quand un accouchement a été compliqué, dans le cadre de la prévention de la dépression post-partum. Mais il fallait aller plus loin, car la temporalité n’est pas la même pour toutes les femmes. Pour certaines, il n’est pas possible d’évoquer un mauvais vécu dans la foulée de l’accouchement, en maternité. La sidération et le besoin d’explications peuvent survenir plus tard, ou ressurgir à la grossesse suivante. » Si la majorité des femmes se rendent à la consultation autour de la naissance lors d’une nouvelle grossesse, pour évoquer leur accouchement antérieur, certaines souffrent encore des années plus tard. « La consultation autour de la naissance est ouverte à toutes, témoigne Marie Gramme-Thanasack, psychologue à la maternité. Elle vise à éviter qu’un mauvais vécu ait des conséquences sur le long terme. Plus la consultation est précoce après l’accouchement, mieux c’est. » Bien que son dernier accouchement remonte à six ans, l’émotion de Linda semble intacte. Elle est elle-même infirmière au CHU de Lille. Elle a entendu parler de la consultation autour...

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Actus

Le mal-être des étudiantes sages-femmes perdure

Après la crise du Covid-19 et la crise que connaît l’ensemble de la profession, comment vont les étudiantes en maïeutique ? Selon la deuxième enquête sur le bien-être des apprenties sages-femmes, initiée par l’Association nationale des étudiantes sages-femmes de France (Anesf) en 2023, les constats sont « tout aussi alarmants qu’en 2018 ». Dans son étude publiée le 3 avril, l’Anesf précise que « les différents résultats pour la plupart n’ont soit pas évolué soit empiré » et évoque « une crise sans précédent ». L’enquête, menée auprès de toutes les étudiantes sages-femmes de France du 23 janvier au 20 février inclus, par mail et sur les réseaux sociaux, a récolté –2 241 réponses. PRÉCARITÉ ET MALTRAITANCE  L’étude analyse la situation matérielle et financière des étudiantes de la filière. Un tiers considèrent ainsi que leur situation financière est mauvaise, voire très mauvaise, et neuf étudiantes sur dix se considèrent comme dépendantes ou particulièrement dépendantes financièrement. Par ailleurs, 87,5 % d’entre elles nécessitent une aide financière de leur famille ou d’un tiers. Elles sont aussi 29 % à déclarer avoir une activité rémunérée en période scolaire, dont près de 36 % considèrent cette activité comme étant nécessaire. Pour l’Anesf, le rythme des études ne permet pas de travailler en parallèle, contrairement à la population générale étudiante au sein de laquelle 40 % des jeunes ont un emploi alimentaire. L’Anesf s’est aussi penchée sur le vécu de la formation. Huit étudiantes sur dix se sentent plus stressées depuis l’entrée en formation. Elles sont en outre 21 % à confier avoir déjà subi des traitements inégalitaires ou des discriminations. Une étudiante sur trois ne se sent pas ou peu accompagnée par l’équipe pédagogique. Pis, 61 % rapportent de la maltraitance en stage, essentiellement psychologique (72,2 %), mais aussi verbale (26,5 %), voire physique (1,2 %).  Dans ces conditions, les études ont un impact sur la santé des étudiantes. Ainsi, 86 % déclarent ne pas avoir...

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Actus

« Inciter financièrement les femmes défavorisées à recourir aux soins est une forme de redistribution », Marc Bardou

D’où est venu votre intérêt pour les enjeux d’équité en santé ? Lors de mes recherches en pharmacologie, mon épouse, elle-même gynécologue-obstétricienne, m’a incité à m’intéresser au muscle lisse utérin. Cela m’a permis d’élargir mes recherches à la menace d’accouchement prématuré et à la prééclampsie. Je suis donc arrivé vers l’obstétrique à travers la pharmacologie. Par ailleurs, en tant qu’hépatologue généraliste, je rencontre surtout des personnes obèses, ayant un trouble de la consommation de l’alcool ou des migrants avec des hépatites virales. Ces patients sont en majorité des personnes défavorisées. C’est pourquoi j’ai cherché à mieux comprendre la façon dont ces populations interagissent avec le système de santé. Enfin, j’ai entendu à la radio l’économiste Esther Duflo, qui a reçu le Nobel d’économie en 2019 pour ses travaux sur la pauvreté et les questions de ­développement. ­ Elle ­présentait ses études sur les incitations financières à visées sociales, dans le domaine de la scolarisation ou de la vaccination, par exemple. L’incitation économique s’inscrit dans la lignée du « nudge » en économie comportementale. Le « nudge » est un outil de suggestion disposé dans l’environnement, destiné à nous aider à faire le bon choix, pour notre propre intérêt ou celui de la société. C’est un coup de pouce pour inciter quelqu’un à réaliser l’action que l’on désire. Un des nudges les plus connus est la fausse mouche apposée au centre des urinoirs à l’aéroport ­d’Amsterdam pour inciter les hommes à la viser, réduisant ainsi les salissures. J’ai contacté Esther Duflo et nous avons échangé. C’est ainsi qu’est né le projet Naître. Quel est le dispositif de l’étude Naître ? L’idée est partie du renoncement aux soins, très élevé au sein des ménages dont le revenu est le plus faible. En périnatalité, nous savons qu’un statut socio-économique faible est lié à un risque de soins prénatals inadéquats,...

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