Dr Michael Rost, Institut d’éthique biomédicale, Université de Bâle. Dre Eva De Clercq, Institut d’éthique biomédicale, Université de Bâle. Pre Andrea Büchler, Faculté de droit, Pôle de recherche universitaire « Human Reproduction Reloaded | H2R », Université de Zurich. Pre Bernice Elger, Centre universitaire romand de médecine légale, Université de Genève et Institut d’éthique biomédicale, Université de Bâle. Lien de l’article en ligne : https://obstetrica.hebamme.ch/fr/profiles/3f957b8ee011-obstetrica/editions/obstetrica-6-2022/pages/page/5 La rédaction remercie la Fédération suisse des sages-femmes et les auteurs pour leur aimable autorisation de reproduction. Texte traduit de l’allemand par Marco Fachin, Intertrad. Les parturientes ont le droit de prendre leurs propres décisions concernant l’accouchement et leur corps. Cependant, la recherche montre que l’autonomie n’est souvent pas respectée lors de l’accouchement et qu’il y a, chez les professionnel·le·s, un manque de clarté sur le sens et la portée de l’autonomie lors de l’accouchement. Cet article traite, dans ce contexte, des fondements éthiques et juridiques de l’autonomie des parturientes. L’autonomie est un concept aux multiples facettes, qui peut avoir plusieurs sens et est souvent utilisé comme synonyme d’autodétermination. Ce principe central de la bioéthique, largement développé dans de nouvelles directions par les approches féministes au cours des dernières décennies, signifie généralement au moins : la capacité d’agir selon ses propres raisons, motivations et valeurs ; l’absence de facteurs externes limitant indûment ses propres actions ; la nature relationnelle et émotionnelle et l’empreinte culturelle des actions et des décisions humaines étant toujours prises en considération (Jennings, 2007; Scully, 2021). L’autodétermination, qui relève plutôt du droit, est en revanche définie de manière plus étroite et désigne la possibilité de mettre en œuvre ses propres projets d’action et décisions, c’est-à-dire l’existence de conditions qui le permettent (Büchler, 2017b). Expériences négatives lors de l’accouchement et violations de l’autonomie La recherche montre que, dans le monde entier, de nombreuses parturientes vivent des expériences négatives lors…
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La déprime des coordinatrices
TweetSombre, obscur, risqué, ailleurs… Quatre mots clés, exprimés librement, qui résument le sentiment général des sages-femmes coordinatrices lorsqu’on les interroge sur leur avenir. D’ailleurs, plus de la moitié d’entre elles (52 %) envisagent une reconversion. Si leurs souhaits se réalisaient à une échéance de cinq ans, le taux de vacance des postes de coordinatrices grimperait à 58 %. Le chiffre inquiète, mais les causes sont connues : déficit de reconnaissance, pénibilité du travail, insatisfaction liée à la rémunération, difficiles conditions de travail. Comme le reste de la profession, les sages-femmes coordinatrices sont moroses. Ces constats sont tirés d’une enquête dont les principaux éléments ont été révélés aux dernières journées de l’Association nationale des sages-femmes coordinatrices (ANSFC), qui se tenaient à Chambéry courant octobre. Cible difficile Pour la mener, l’ANSFC a choisi d’être accompagnée par un cabinet de conseil spécialisé en ressources humaines. « C’est une cible difficile,expliquait Juliette Jouno, du cabinet Partition humaine. Il n’y a pas de recensement ou d’état des lieux du nombre de sages-femmes coordinatrices en France. Avec l’ANSFC, nous l’avons estimé à mille. » Au total, 374 réponses à un questionnaire détaillé ont été retournées entre juin et septembre, dont 228 vraiment exploitables. Le questionnaire était peut-être trop long. « Les résultats de cette enquête sont relativement représentatifs, poursuivait la consultante. Les réponses couvrent 23 % de l’effectif estimé, avec 115 maternités sur les 471 recensées, soit 25 % des établissements. » Il est donc possible de tirer de grandes tendances sur l’exercice actuel des sages-femmes coordinatrices. C’est plus difficile pour les coordonnatrices en maïeutique et les enseignantes, moins nombreuses à répondre. L’immense majorité des répondantes (90 %) exercent dans un établissement public, dont 40 % dans une maternité de type 3. En moyenne, les coordinatrices ont 49 ans. En plus de leur diplôme d’État de sage-femme, obtenu majoritairement depuis plus de quinze ans, les trois-quarts possèdent un diplôme complémentaire, dont plus...




L’ENP 2021 livre des résultats contrastés
TweetMenée en mars 2021 en France métropolitaine, grâce à 1300 enquêtrices, essentiellement des sages-femmes et étudiantes sages-femmes, l’Enquête nationale périnatale (ENP) a été rendue publique le 6 octobre dernier. Toutes les maternités ont participé, sauf trois établissements privés, et 96 % des 12 723 femmes sollicitées ont répondu, livrant une masse d’indicateurs sur la santé des femmes et le système de soins en périnatalité. Reflet des préoccupations actuelles, l’EPN 2021 s’est intéressée à quatre nouveaux thèmes : le vécu de la douleur à l’accouchement, les gestes ou attitudes inappropriées des soignants, le vécu à deux mois en post-partum et le recours à l’intérim en maternité. Mais lors des Journées de la Société française de médecine périnatale (SFMP), qui se sont tenues du 12 au 14 octobre à Lille, où les résultats de l’ENP ont été détaillés, les investigateurs ont surtout insisté sur la tendance à une médicalisation plus raisonnée de la naissance. VERS UNE JUSTE MÉDICALISATION ? « Il est rassurant d’observer que, malgré l’augmentation de facteurs défavorables, comme l’âge de la première grossesse et l’obésité, les taux d’interventions médicales se maintiennent, voire diminuent », note Nathalie Lelong, statisticienne au sein de l’équipe Épopé de l’Inserm. Alors que l’OMS alerte régulièrement sur l’épidémie de césariennes dans le monde, la France contient son taux. Il a progressé de façon non statistiquement significative entre 2016 et 2021, passant de 20,3 % à 21,4 %. L’ENP 2021 note aussi que 33,2 % des femmes en travail spontané ont eu leurs membranes rompues artificiellement en 2021, contre 41,4 % en 2016. Et 30 % d’entre elles ont reçu une administration d’oxytocine durant le travail en 2021, contre 44,3 % en 2016. Quant au taux d’épisiotomie, il est passé de 20,1 % en 2016 à 8,3 % en 2021. « Les recommandations de bonnes pratiques sur l’administration d’oxytocine pendant le travail de 2017 et sur la prévention et la protection périnéale de 2018...




Rééducation chez la nullipare, une compétence à défendre ?
TweetOrlane* vient nous consulter pour un bilan périnéal pour dyspareunie. Elle a déjà consulté une gynécologue pour ce problème. Celle-ci lui a conseillé le recours à des dilatateurs, mais Orlane n’a jamais acheté ces accessoires. Elle qualifie spontanément cette consultation de « violente ». Depuis, elle a été prise en charge sur le plan gynécologique par une collègue sage-femme qui lui a parlé de la possibilité de réaliser un bilan périnéal. Orlane a 19 ans. Elle a des rapports sexuels depuis deux ans. Elle rapporte des douleurs dès le premier rapport. Dans un premier temps, elle explique ces douleurs par une allergie au latex du préservatif. Mais le problème persiste avec son partenaire actuel (second partenaire). Âgé lui aussi de 19 ans, elle le décrit « bienveillant », « très à l’écoute » et « respectant ses limites ». Qu’est-ce que la dyspareunie ? « La dyspareunie est une douleur génitale récidivante ou persistante associée à un rapport sexuel. Les dyspareunies primaires, présentes depuis le début de la vie sexuelle, sont à distinguer des dyspareunies secondaires, survenant après une sexualité non douloureuse initialement. Il existe des dyspareunies superficielles et profondes » [1]. La dyspareunie féminine est dite superficielle, ou d’intromission, lorsqu’elle est localisée à l’entrée du vagin au début de la pénétration. La dyspareunie est profonde quand la douleur se manifeste au niveau du bas ventre ou dans le fond du vagin, lorsque la pénétration est complète. La dyspareunie primaire est celle qui se manifeste dès les premiers rapports sexuels. La dyspareunie est dite secondaire si elle survient après une période de rapports sexuels normaux et satisfaisants. La dyspareunie affecterait 7 à 10 % des femmes, en fonction de leur âge [2]. Ces douleurs fréquentes sont souvent mal comprises, voire « négligées », et entrainent une errance médicale des femmes. Concernant Orlane, il s’agit d’une dyspareunie primaire superficielle. Orlane est étudiante en chiropraxie. Elle vit chez...