Un médicament ou un dispositif médical peut être à l’origine d’un dommage chez un patient.
Dans ce cas, ce dernier mettra généralement en cause en premier lieu la responsabilité du praticien qui a effectué l’acte médical (prescrit le médicament ou posé le dispositif), car il n’identifie pas que le dommage est lié au produit de santé.
Pourtant, dans certains cas, ce n’est pas l’acte de soin pratiqué par le professionnel qui cause le dommage, mais bien le matériel utilisé : un médicament ou un dispositif médical. Les dispositifs médicaux recouvrent un large éventail de produits : pansements, orthèses, matériel implantable, lecteurs de glycémie, cannes, prothèses, fauteuils roulants, dispositifs intra-utérins, préservatifs, certains objets connectés santé, etc.
Selon l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes de soin que lorsqu’ils ont commis une faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé.
RESPONSABLE, MAIS PAS COUPABLE
Il s’agit alors d’une « responsabilité sans faute », issue d’une directive européenne du 25 juillet 1985, transposée dans la loi française le 19 mai 1998, qui avait pour but de protéger les consommateurs en facilitant la mise en cause des responsabilités des intervenants professionnels en cas de dommage. On considère que le professionnel de santé étant le fournisseur du produit de santé défectueux, il peut être déclaré responsable de ce défaut et du dommage subi par le patient, même s’il n’a commis aucune faute.
Mais le Code civil français a apporté par la suite par deux lois n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 et n° 2006-406 du 5 avril 2006, une modération à ce principe de « responsabilité sans faute », extrêmement sévère pour les professionnels de santé : en cas de défaut d’un produit de santé, le professionnel de santé qui l’a utilisé ne sera responsable du défaut de ce produit que si le producteur n’est pas identifiable. Il pourra également se libérer de cette responsabilité en désignant son propre fournisseur dans un délai de trois mois à compter de la demande de la victime.
Aujourd’hui, la responsabilité sans faute d’un professionnel de santé ne peut donc être engagée que dans le cas où le producteur n’a pu être identifié et où le professionnel de santé n’a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans le délai imparti.
Par exemple, dans la jurisprudence, un chirurgien a implanté à son patient une prothèse de hanche qui s’est brisée quelques mois plus tard et a occasionné une chute et des séquelles pour le patient.
Celui-ci a donc recherché la responsabilité de son chirurgien, en considérant qu’il était bien responsable « sans faute » du défaut de la prothèse implantée. La Cour de cassation a cependant confirmé que c’était bien le producteur, bien identifié en l’espèce, qui était entièrement responsable du défaut de la prothèse et donc du dommage subi par le patient, les expertises ayant établi qu’aucune faute n’avait été commise par le chirurgien (Civ. 1re, 26 févr. 2020, n° 18-26.256).
Il en va de même pour les sages-femmes : dans le cas où une sage-femme utilise pour une patiente un matériel médical qui s’avère par la suite défectueux, elle pourra se décharger de la responsabilité du dommage subi par la patiente en prouvant qu’elle n’a pas commis de faute dans l’utilisation de ce matériel et en indiquant, dans les trois mois de la demande de la patiente, le nom du fournisseur ou du producteur du matériel utilisé.
Par exemple, pour la pose d’un DIU, il convient d’informer la patiente de façon la plus complète possible, y compris sur les risques exceptionnels liés au DIU, par exemple les risques d’expulsion, de migration et de perforation utérine, à partir du moment où il s’agit d’un effet indésirable connu.
Il faut également informer au préalable la patiente du déroulement de la pose, des effets secondaires et de la conduite à tenir en cas de difficultés et sur les motifs qui doivent l’amener à consulter rapidement. Il convient en outre de garder une trace du déroulement de la pose ou du retrait, de la méthode utilisée et du modèle du DIU.
Tous ces éléments permettront à la sage-femme en cas de mise en cause de sa responsabilité de prouver qu’elle n’a pas commis de faute lors de l’utilisation (prescription, pose ou retrait du DIU) et que le dommage est entièrement causé par le DIU défectueux, dont seul le producteur est responsable.
En novembre 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a procédé au rappel des DIU Ancora et Novaplus, du fabricant Eurogine, et des kits Sethygyn, de la société Euromedial, en raison de l’augmentation du nombre d’incidents de rupture au moment du retrait du stérilet par le professionnel de santé et des expulsions spontanées de tout ou partie du dispositif.
L’ANSM avait également publié un guide de recommandations à suivre pour les patientes ayant un stérilet de l’un de ces modèles. Lorsqu’elle souhaite le garder, la sage-femme peut discuter l’éventualité d’un retrait préventif, informer sur les motifs pour lesquels la femme devra consulter un gynécologue ou une sage-femme et lui apprendre à détecter si son stérilet est toujours en place. En cas de souhait de retrait, la sage-femme fera preuve d’une grande vigilance, en procédant à une traction lente et constante sur les fils avec contrôle visuel du dispositif une fois retiré, échographie de contrôle après le cycle menstruel si une partie du dispositif est restée dans l’utérus, hystéroscopie si le fragment est toujours dans l’utérus. En cas de perte spontanée du DIU, une échographie sera nécessaire pour le localiser et évoquer une contraception en l’absence de DIU.
Lorsqu’une patiente subit un dommage causé par son DIU, il ne faut donc pas exclure un défaut de celui-ci, que le DIU ait fait ou non l’objet d’un rappel par les autorités sanitaires ou d’un appel à la vigilance.
SIGNALER LES EFFETS INDÉSIRABLES
Depuis mars 2017, en tant que professionnelle de santé, la sage-femme doit signaler un produit de santé dont elle a constaté le défaut ou des effets indésirables (www.signalement-sante.gouv.fr).
En fonction de la nature du produit concerné (médicament ou dispositif), la prise en charge sera faite par le réseau de vigilance correspondant (centre régional de pharmacovigilance ou ANSM).
La sage-femme doit signaler tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou d’un dispositif :
- quel que soit le contexte de survenue (usage conforme ou non à son autorisation, erreur médicamenteuse, abus, mésusage, surdosage, exposition professionnelle),
- quel que soit son mode d’exercice.
La sage-femme pourra ensuite suivre son signalement grâce au répertoire des signalements de matériovigilance pour consulter l’état d’avancement du signalement.
Pour l’utilisation du matériel médical, la sage-femme doit donc prendre la précaution de conserver les références des produits utilisés, afin de pouvoir le cas échéant identifier le producteur de ce produit s’il se révèle défectueux. Elle doit également être en mesure de prouver qu’elle n’a commis aucune faute lors de l’utilisation de ce matériel, ce qui, pour l’utilisation d’un DIU par exemple, demande de garder des traces de la façon dont s’est déroulée la pose ou le retrait.
Il en va de même pour les médicaments. Tout effet indésirable devra être déclaré et la sage-femme devra être en mesure de prouver qu’elle n’a pas commis de faute dans la prescription de ce médicament, afin que sa responsabilité puisse être écartée.
■ Marie Josset-Maillet, avocate
Pour aller plus loin :
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé : https://ansm.sante.fr
Ministère de la Santé :
www.signalement-sante.gouv.fr
Legifrance : Civ. 1re, 26 févr. 2020, n° 18-26.256