Comment est né ce manuel d’obstétrique ? Maï Le Dû, sage-femme (lire Profession Sage-Femme n° ) a estimé qu’il était utile et important de laisser une trace écrite. Cela fait cinq ans que ce manuel était en réflexion. Il est issu d’entretiens réalisés avec Maï Le Dû, qu’elle a mis en forme. Le résultat correspond à ce que j’ai transmis. J’ai découvert d’ailleurs que cela faisait près de deux siècles qu’aucune sage-femme en France n’avait écrit de manuel à destination des professionnelles. © D.R. Vous remettez en cause bien des dogmes obstétricaux. Ne craignez-vous pas que l’on rejette votre expérience individuelle en y opposant la médecine par les preuves ? J’ai assez d’arguments, développés dans le manuel, pour étayer mon approche et ma réflexion. Ce qui me dérange le plus, ce sont bien les personnes qui ne souhaitent pas réfléchir et s’interroger. Par ailleurs, ma réflexion de fond ne porte pas sur le lieu de naissance, mais sur la physiologie, quel que soit le lieu de l’accouchement. La majorité des femmes qui accouchent en maternité devrait aussi bénéficier d’un accompagnement de leur physiologie. Pour l’instant, l’accueil du manuel est plutôt bienveillant. Mais il faut accepter que les gynécologues-obstétriciens ne soient pas dans la meilleure position pour appréhender la physiologie. La pathologie est leur spécialité et ils sont appelés en urgence souvent. Ils ont donc élaboré leur vision de l’accouchement à partir de leur pratique. La promotion de la physiologie progresse-t-elle selon vous ? Le changement avance lentement. En participant aux recommandations de la Haute Autorité de santé sur l’Accouchement normal, accompagnement de la physiologie et interventions médicales en 2017, mon objectif était bien de faire progresser la physiologie. Sur le terrain et chez les experts, cette approche n’est pas encore reçue. La plupart sont encore trop dans la gestion des outils et des…
Sur le même thème

Obstetrica – mai 2022, n° 5 – Édition Fédération suisse des sages-femmes
TweetTexte élaboré par le Cercle Qualité « Pro-Phy » de l’Arcade Sages-femmes Genève : Céline Bergoz Détraz, Ivana Cerovaz, Ana Bela Gallo, Viviane Luisier, Véronique Spinnler, Eugenia Weimer. La rédaction remercie la Fédération suisse des sages-femmes et les auteurs pour leur aimable autorisation de reproduction. L’Arcade Sage-femmes à Genève a constitué un Cercle Qualité « Pro-Phy » qui a œuvré durant trois ans pour notamment faire évoluer la préparation à la naissance (PAN) et l’évaluer pour savoir si elle favorise réellement un accouchement physiologique. Les membres du Cercle Qualité livrent dans cet article les résultats de leurs recherches. À partir d’un article de l’anthropologue Irène Maffi (2014), des questions surgissent à l’adresse des sages-femmes. L’article débusque une position ambigüe de la part de celles-ci, qui prônent l’accouchement physiologique tout en préparant les parents à accepter les diktats des institutions de naissance (hôpitaux et cliniques). Le texte appelle à une clarification, à une détermination des sages-femmes et aussi des parents. Que veulent les sages-femmes et que mettent-elles en œuvre pour obtenir ce qu’elles estiment être le meilleur pour les parents et les nouveau-nés ? Les parents sont-ils vraiment informés de tous les choix qu’ils pourraient faire sans se mettre en danger ni eux ni leur bébé ? Intéressées par ces questions, un groupe de six sages-femmes se forme alors, sages-femmes qui vont travailler : comme Cercle Qualité (CQ) : elles vont tenter de cerner par diverses approches le problème posé par l’article susmentionné afin de faire évoluer leur pratique de sages-femmes et de préparatrices à la naissance ; comme groupe de recherche : elles vont réfléchir à une intervention concernant la préparation à la naissance (PAN) et vont tenter d’évaluer cette intervention pour en tirer des recommandations. Ce groupe de sages-femmes se forme en janvier 2016 et travaillera jusqu’en juin 2019. Il s’agira d’un groupe où les participantes s’engagent à effectuer du...




L’ENP 2021 livre des résultats contrastés
TweetMenée en mars 2021 en France métropolitaine, grâce à 1300 enquêtrices, essentiellement des sages-femmes et étudiantes sages-femmes, l’Enquête nationale périnatale (ENP) a été rendue publique le 6 octobre dernier. Toutes les maternités ont participé, sauf trois établissements privés, et 96 % des 12 723 femmes sollicitées ont répondu, livrant une masse d’indicateurs sur la santé des femmes et le système de soins en périnatalité. Reflet des préoccupations actuelles, l’EPN 2021 s’est intéressée à quatre nouveaux thèmes : le vécu de la douleur à l’accouchement, les gestes ou attitudes inappropriées des soignants, le vécu à deux mois en post-partum et le recours à l’intérim en maternité. Mais lors des Journées de la Société française de médecine périnatale (SFMP), qui se sont tenues du 12 au 14 octobre à Lille, où les résultats de l’ENP ont été détaillés, les investigateurs ont surtout insisté sur la tendance à une médicalisation plus raisonnée de la naissance. VERS UNE JUSTE MÉDICALISATION ? « Il est rassurant d’observer que, malgré l’augmentation de facteurs défavorables, comme l’âge de la première grossesse et l’obésité, les taux d’interventions médicales se maintiennent, voire diminuent », note Nathalie Lelong, statisticienne au sein de l’équipe Épopé de l’Inserm. Alors que l’OMS alerte régulièrement sur l’épidémie de césariennes dans le monde, la France contient son taux. Il a progressé de façon non statistiquement significative entre 2016 et 2021, passant de 20,3 % à 21,4 %. L’ENP 2021 note aussi que 33,2 % des femmes en travail spontané ont eu leurs membranes rompues artificiellement en 2021, contre 41,4 % en 2016. Et 30 % d’entre elles ont reçu une administration d’oxytocine durant le travail en 2021, contre 44,3 % en 2016. Quant au taux d’épisiotomie, il est passé de 20,1 % en 2016 à 8,3 % en 2021. « Les recommandations de bonnes pratiques sur l’administration d’oxytocine pendant le travail de 2017 et sur la prévention et la protection périnéale de 2018...




Rééducation chez la nullipare, une compétence à défendre ?
TweetOrlane* vient nous consulter pour un bilan périnéal pour dyspareunie. Elle a déjà consulté une gynécologue pour ce problème. Celle-ci lui a conseillé le recours à des dilatateurs, mais Orlane n’a jamais acheté ces accessoires. Elle qualifie spontanément cette consultation de « violente ». Depuis, elle a été prise en charge sur le plan gynécologique par une collègue sage-femme qui lui a parlé de la possibilité de réaliser un bilan périnéal. Orlane a 19 ans. Elle a des rapports sexuels depuis deux ans. Elle rapporte des douleurs dès le premier rapport. Dans un premier temps, elle explique ces douleurs par une allergie au latex du préservatif. Mais le problème persiste avec son partenaire actuel (second partenaire). Âgé lui aussi de 19 ans, elle le décrit « bienveillant », « très à l’écoute » et « respectant ses limites ». Qu’est-ce que la dyspareunie ? « La dyspareunie est une douleur génitale récidivante ou persistante associée à un rapport sexuel. Les dyspareunies primaires, présentes depuis le début de la vie sexuelle, sont à distinguer des dyspareunies secondaires, survenant après une sexualité non douloureuse initialement. Il existe des dyspareunies superficielles et profondes » [1]. La dyspareunie féminine est dite superficielle, ou d’intromission, lorsqu’elle est localisée à l’entrée du vagin au début de la pénétration. La dyspareunie est profonde quand la douleur se manifeste au niveau du bas ventre ou dans le fond du vagin, lorsque la pénétration est complète. La dyspareunie primaire est celle qui se manifeste dès les premiers rapports sexuels. La dyspareunie est dite secondaire si elle survient après une période de rapports sexuels normaux et satisfaisants. La dyspareunie affecterait 7 à 10 % des femmes, en fonction de leur âge [2]. Ces douleurs fréquentes sont souvent mal comprises, voire « négligées », et entrainent une errance médicale des femmes. Concernant Orlane, il s’agit d’une dyspareunie primaire superficielle. Orlane est étudiante en chiropraxie. Elle vit chez...