Selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, les sages-femmes pourront prescrire et administrer des vaccins à d’autres personnes que les femmes enceintes, leur entourage et les enfants. Si les modalités doivent être fixées par décret, un point précis mérite d’être fait sur les compétences actuelles des sages-femmes, car elles évoluent sans cesse.
Vaccinations, dépistages et traitements : des compétences étendues
La liste de médicaments et des dépistages que peuvent prescrire les sages-femmes a été modifiée et actualisée par deux décrets du 5 mars 2022 [1, 2] afin de « compléter l’arsenal thérapeutique indispensable et nécessaire dans le cadre de la gynécologie de prévention, notamment en termes de prescriptions des anti-infectieux pour les femmes, mais aussi pour leurs partenaires ».
Les sages-femmes peuvent désormais :
- traiter les cystites hors grossesse (sans facteurs de risque de complications) ;
- certaines IST chez les femmes et leurs partenaires (Chlamydiae trachomatis, Neisseria gonorrhoeae) ;
- les vaginoses et les primo-infections herpétiques ;
- prescrire les topiques vaginaux œstrogènes et progestatifs ;
- prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) « uniquement pour la prise en charge de la douleur en post-partum, dans le cadre de l’IVG ou dans le cadre de dysménorrhées primaires, à l’exclusion des spécialités indiquées spécifiquement dans la prise en charge symptomatique d’affections rhumatismales » ;
- prescrire le dépistage pour le VIH, VHB, VHC et syphilis pour leurs patientes et leurs partenaires. Les sages-femmes doivent orienter sans délai vers un médecin ou un service spécialisé en cas de résultat positif ;
- prescrire le dépistage pour le Chlamydiae trachomatis et l’infection à Neisseria gonorrhoeae (femme asymptomatique ou avec symptomatologie d’infection génito-urinaire basse et homme asymptomatique) et prescrire le traitement de première intention en cas de résultat positif ;
- prescrire le traitement de première intention à leurs patientes et leurs partenaires pour le Trichomonas vaginalis (femme asymptomatique ou avec symptomatologie d’infection génitale basse et homme asymptomatique partenaire) et pour les infections à herpès génital (femme avec une symptomatologie génitale et en prévention des récurrences) ;
- réaliser le dépistage des infections à HPV.
En ce qui concerne les vaccins, le décret du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des sages-femmes [3] et l’arrêté du 12 août 2022 modifiant l’arrêté du 1er mars 2022 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à prescrire et à pratiquer [4] ont étendu les compétences vaccinales des sages-femmes. Les sages-femmes peuvent prescrire et pratiquer les vaccins comme indiqué dans le tableau page 40.
Les sages-femmes peuvent également prescrire et pratiquer chez les nouveau-nés :
- la vaccination contre l’hépatite B en association avec des immunoglobulines spécifiques anti-HBs chez le nouveau-né de mère porteuse de l’antigène HBs ;
- la vaccination contre l’hépatite B des nouveau-nés à Mayotte et en Guyane, selon le calendrier vaccinal en vigueur dans ces collectivités.
Des exceptions sont à noter pour les personnes immunodéprimées qui ne peuvent être vaccinées par une sage-femme avec des vaccins vivants atténués (ROR, fièvre jaune, zona).
Femme | Nouveau- né | Entourage de la femme enceinte | Enfant mineur | |
Rougeole-Oreillons- Rubéole | X | X | X | X |
Tétanos | X | X | X | X |
Diphtérie | X | X | X | X |
Poliomyélite | X | X | X | X |
Coqueluche | X | X | X | X |
Hépatite B | X | X | X | X |
Pneumocoque | X | X | ||
Grippe | X | X | ||
HPV | X | X | ||
Méningocoque C | X | X | X | |
Méningocoque B | X | |||
Varicelle | X | |||
Haemophilus Influenzae de type B | X | X | ||
BCG | X | |||
Rage | X | |||
Zona | X | |||
Fièvre jaune | X |
IVG : des acquis et du nouveau
En matière d’IVG médicamenteuse en ville, les mesures prises dans le cadre du premier confinement la concernant ont été pérennisées par un décret de février 2022 :
- le délai pour procéder à une IVG médicamenteuse hors milieu hospitalier est assoupli, passant ainsi de 7 à 9 semaines d’aménorrhée ;
- la téléconsultation est possible et est prise en charge dans le cadre d’une IVG médicamenteuse : la patiente doit toutefois donner son consentement libre et éclairé au recours aux actes de téléconsultation ;
- les médicaments à base de mifépristone et de misoprostol peuvent être délivrés directement en officine aux patientes munies d’une prescription ;
- lorsque la prescription de médicaments nécessaires à la réalisation de l’IVG par voie médicamenteuse est effectuée lors d’une téléconsultation, la sage-femme ou le médecin établit la prescription et la transmet à la pharmacie choisie préalablement par la femme, par messagerie sécurisée ou par un autre moyen qui garantit la confidentialité des informations. Les médicaments concernés sont délivrés directement à la patiente par cette pharmacie, sans frais et de manière anonyme ;
- la prise en charge à 100 % par l’Assurance Maladie obligatoire, la pratique du tiers payant obligatoire et l’absence de décompte « assuré » garantissent l’anonymat de l’intéressée.
En matière d’IVG instrumentale, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 a prévu un cadre pour que les sages-femmes puissent réaliser des IVG instrumentales en secteur hospitalier, prévoyant une expérimentation préalable. Un décret et un arrêté parus fin 2021 ont défini les conditions requises en termes d’organisation des établissements de santé, de formation et d’expérience des sages-femmes pour assurer la sécurité des actes et la qualité de leur réalisation.
Fin octobre, à l’issue d’un appel à candidatures national, 18 établissements de santé ont enfin été retenus pour participer à l’expérimentation et proposeront dans les mois à venir ce nouveau type de parcours aux femmes [5].
C’est une étape avant la généralisation de cette mesure prévue courant 2023 dans l’ensemble des établissements de santé souhaitant s’engager dans cette démarche, en application de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer l’accès à l’avortement.
Les sages-femmes sont compétentes, efficaces, disponibles et bien réparties sur le territoire, les Pouvoirs publics en profitent pour élargir régulièrement ces compétences pour en faire profiter le plus grand nombre. Mais il faut veiller à ne pas outrepasser ces compétences, car cela peut avoir des conséquences lourdes en termes de responsabilité. Les sanctions peuvent en effet être civiles, pénales ou disciplinaires.
■ Marie Josset-Maillet, avocate
Références
[1] Décret n° 2022-325 du 5 mars 2022 fixant la liste des médicaments et des dispositifs médicaux que les sages-femmes peuvent prescrire
[2] Décret n° 2022-326 du 5 mars 2022 relatif à la participation des sages-femmes au dépistage et au traitement des infections sexuellement transmissibles
[3] Décret n° 2022-611 du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des sages-femmes a étendu les compétences vaccinales des sages-femmes
[4] Arrêté du 12 août 2022 modifiant l’arrêté du 1er mars 2022 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à prescrire et à pratiquer
[5] Arrêté du 27 octobre 2022 fixant la liste des établissements de santé autorisés à participer à l’expérimentation portant sur l’exercice des interruptions volontaires de grossesse instrumentales en établissements de santé par des sages-femmes