La part des femmes résidant à plus de 30 minutes d’une maternité a augmenté d’un tiers environ entre 2000 et 2017, selon la dernière analyse de données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé. La situation s’est davantage dégradée dans le sud et l’est du pays. Au niveau national, environ 7 % des femmes se trouvent à plus de 30 minutes d’un établissement. Et entre 1 % et 2 % des femmes en âge de procréer vivent désormais à plus de 45 minutes de la maternité la plus proche, cette part ayant augmenté de 40 % sur la période étudiée.
DES OUTILS IMPARFAITS
La difficulté de ce genre d’étude réside dans le choix des outils utilisés pour mesurer le temps de trajet. Aucun n’est parfait et la Drees ne s’en cache pas. Ici, elle a estimé les temps de parcours à partir des communes de résidence (quelques femmes pouvant résider à une certaine distance du centre de leur commune), « selon la répartition des femmes sur le territoire administratif et l’adresse exacte des établissements de santé qui disposent d’une autorisation de soins en obstétrique au 31 décembre de l’année considérée », précisent Alice Bergonzoni et Marion Simon, autrices du rapport. Pour estimer le temps de parcours, les chercheuses ont pris en compte l’état du réseau routier en 2018. La durée du trajet théorique peut fortement varier de celle du trajet réel, en fonction de la météo ou des embouteillages, par exemple. Mais « tous ces outils de mesure indiquent une tendance à la hausse de la part des femmes éloignées d’une maternité. L’analyse de l’évolution des temps de trajet théorique étant plus robuste, elle est privilégiée dans cette étude », précisent-elles.
PLUSIEURS MOUVEMENTS
Sans surprise, c’est la fermeture et la restructuration des établissements qui est à l’origine du constat. Entre 2000 et 2017, le nombre de maternité a chuté de 717 à 496. Dans le même temps, les femmes se sont pourtant rapprochées des maternités ! En effet, sur la période étudiée, la répartition des femmes sur le territoire a changé, se déplaçant vers des lieux de résidence plus proches des établissements. La proportion de femmes éloignées est donc amoindrie par ce mouvement migratoire. « Si l’offre de maternités était restée inchangée entre 2000 et 2017, les mouvements de population au cours de la période auraient conduit à un rapprochement des femmes des maternités, soulignent les chercheuses. Ainsi, la part des femmes en âge de procréer résidant à plus de 45 minutes de la maternité la plus proche aurait diminué de 11 % si les implantations des maternités étaient restées identiques depuis 2000. Réciproquement, si la répartition des femmes sur le territoire était restée identique entre 2000 et 2017, la part des femmes résidant à plus de 45 minutes d’une maternité aurait augmenté de 68 % au cours de la période. » On pourrait donc penser que la casse est limitée.
INÉGALITES TERRITORIALES
Mais l’évolution de l’offre ne paraît pas toujours adaptée. En effet, dans plusieurs départements, la part des femmes éloignées de plus de 45 minutes de l’établissement le plus proche a fortement augmenté. Dans le Lot, où trois maternités sur quatre ont fermé pendant la période, cette part est passée de 6 % à 24 % entre 2000 et 2017. Ainsi, dans ce département, près du quart des femmes vit au-delà de la durée de trajet considérée comme dangereuse. Pour cette population située à plus de 45 minutes, le risque d’accouchement hors maternité est multiplié par 3,6, selon de précédentes études (lire Profession Sage-Femme n° 255, mai 2019). Dans la Nièvre, après la fermeture de deux établissements sur quatre, cette proportion est passée de 3 % en 2000 à 16 % en 2017. Dans les départements très sous-dotés, où les établissements sont restés ouverts, les mouvements de population ont compensé les mauvais chiffres initiaux. C’est le cas en Corse et dans les Alpes-de-Haute-Provence. La part des femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité est passée de 13 % en 2000 à 11% en 2017 en Corse-du-Sud, de 14 % à 12 % dans les Alpes-de-Haute-Provence et de 34 % à 32 % en Haute-Corse. Des pourcentages encore bien trop élevés. Une fois de plus, la question se pose : sans même parler d’un accès équitable aux soins pour toutes et tous, quelle est la proportion acceptable de femmes mises en danger par l’éloignement des maternités ? Celle qui justifie le maintien des structures, au nom d’une « exception géographique » ? À ce jour, la réponse officielle des autorités de tutelle demeure inconnue.
■ Géraldine Magnan
A. Bergonzoni et coll. « La part des femmes en âge de procréer résidant à plus de 45 minutes d’une maternité augmente entre 2000 et 2017 », Études et Résultats, juillet 2021