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Rythme cardiaque foetal : quelle objectivité ?

Dans le cadre d’un accouchement normal, le monitoring continu pour la surveillance du rythme cardiaque foetal (RCF) permet-il de protéger les bébés ou vise-t-il seulement à couvrir les obstétriciens et les sages-femmes contre l’éventualité d’un hypothétique procès ? « Dans les pays et les établissements où la cardiotocographie continue est utilisée dans un but préventif, de façon à se protéger des contentieux, tous les acteurs devraient être informés que cette pratique ne repose pas sur des preuves et n’améliore pas les issues de naissance », répondait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en février dernier. L’organisation publiait une série de recommandations sur l’accouchement à bas risque (voir Profession Sage-Femme n° 244, avril 2018) dans laquelle elle ne conseille pas cette pratique pour les femmes enceintes en bonne santé ayant un travail spontané. Elle lui préfère l’auscultation intermittente par doppler ou stéthoscope de Pinard. Il faut dire que nombre d’études scientifiques pertinentes ont associé depuis longtemps l’usage du monito continu à un nombre accru d’interventions obstétricales, césariennes et extractions instrumentales en tête, sans pour autant démontrer une quelconque amélioration de l’état de santé des nouveau-nés. Face à de tels résultats, pourquoi son usage s’est il autant répandu ? Peut-on perfectionner la technique ? En parfaire l’utilisation faite par les professionnels ? POURQUOI SURVEILLER LE RCF En théorie, « la surveillance du rythme cardiaque foetal vise à identifier les foetus qui vont mal supporter le travail et développer une acidose par défaut d’oxygénation », explique Olivier Morel, qui dirige le pôle de gynécologie-obstétrique du CHU de Nancy. Or, ce défaut d’oxygénation, s’il est important et prolongé, peut conduire à un décès ou à une paralysie cérébrale à l’origine de multiples handicaps. Pour les prévenir, les foetus en question doivent être extraits en urgence. Pourtant, l’étude publiée en 2015 par Claude Racinet, du Registre des handicaps de l’enfant et  observatoire périnatal (RHEOP), et ses collègues, menée à partir de la base de données du RHEOP et des taux de césarienne provenant du service de protection maternelle et infantile de l’Isère, concernant plus de 100 000 naissances vivantes survenues

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Aux origines du microbiote

« Lors d’une naissance par voie naturelle, le bébé entre en contact avec les microbiotes vaginal et intestinal – via les selles parfois expulsées – de sa mère. C’est une étape cruciale. Puis, s’il est nourri au sein, il ingère un peu de microbiote cutané et reçoit à travers le lait certaines bactéries d’origine maternelle pouvant avoir des propriétés probiotiques favorables à la croissance de son propre microbiote. » Résumant la pensée dominante, Marie-José Butel, qui dirige l’unité de microbiologie de l’Université Paris Descartes, estime que dans le ventre de sa mère, le foetus a un intestin quasi stérile. Jusqu’à récemment, on pensait d’ailleurs que le futur bébé grandissait dans une poche totalement stérile. Mais de nouveaux travaux viennent perturber ces connaissances et créent une polémique. Du coup, la question reste entière : d’où proviennent les différents microbiotes qui habitent nos organes ? Quelle est l’origine des premières bactéries qui colonisent le nouveau-né ? À ce sujet, la naissance est-elle vraiment l’événement primordial ? UN NOUVEL ORGANE L’étude des divers microbiotes est devenue un champ d’investigation hyperactif ces dernières années. Au point que les spécialistes parlent même de « nouvel organe ». La peau et l’ensemble des muqueuses (nez, bouche, poumons, vagin, pénis…) disposent d’un microbiote particulier. Celui des organes sexuels joue un rôle important dans la protection contre les infections (lire page 20). Le microbiote cutané est un acteur majeur de notre signature olfactive et son déséquilibre est associé à des pathologies comme l’acné ou le psoriasis. Quant aux poumons, la composition de leur microbiote influence la sévérité des symptômes de l’asthme. À lui seul, le microbiote intestinal pèse près de 2 kg. Il est composé « de bactéries, essentiellement de type Bacteroidetes et Firmicutes, mais

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Enceinte après un inceste dans l’enfance

Alors qu’elles étaient encore mineures, quatre millions de personnes, au moins, avaient connu l’inceste en France, en 2015. Probablement sous-estimé, le chiffre vient d’une enquête en ligne menée par l’Association internationale des victimes de l’inceste (AIVI), qui s’était associée à l’institut Harris Interactive. En 2009, le même type d’enquête chiffrait à deux millions le nombre de victimes. 9 % des femmes et 6 % des hommes. Aujourd’hui, la France compterait donc plus de trois millions de filles et de femmes survivantes de l’inceste. Certaines sont vos patientes. Pour la plupart d’entre elles, les conséquences sur leur santé et sur leur vie sont gigantesques. Comment devenir mère lorsqu’on a été agressée au sein de sa propre famille ? DEUX FORMES D’INCESTE L’inceste est une agression sexuelle de la part d’un membre de sa propre famille : un père, une mère, un oncle, une tante, un grand-père, une grand-mère… Parmi les agresseurs, les hommes dominent largement la scène, mais les femmes n’en sont pas absentes. Comme pour les autres maltraitances sexuelles, la violence peut être brutale, arriver subitement. La victime subit alors toutes les conséquences associées (voir Profession Sage-Femme n° 215, mai 2015, et n° 223, mars 2016), syndrome de stress post-traumatique en tête. « Pendant des années, on n’a pas réalisé les effets neurologiques d’un stress aussi aigu, note la psychiatre Catherine Bonnet. Mais aujourd’hui, il ne faudrait pas que le sujet de la mémoire traumatique vienne occulter les autres formes d’inceste, plus insidieuses. » Dans ce dernier cas, très commun lorsque l’agression survient dans un cadre familial, la prise de conscience des abus est lente. Ces derniers apparaissent sous couvert de soins ou d’éducation, dans un continuum de gestes déplacés sur le corps de l’enfant. Il peut s’agir de toilettes vulvaires trop fréquentes, de décalottages intempestifs, de prises de température […]

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Nouvelle donne en salle de naissance

« Vous démontez tout ce qu’on a appris ! C’est assez déroutant ! » Début décembre 2017, dans le vaste amphithéâtre du Grand Palais de Lille, ce congressiste est perplexe. Il s’adresse à quelques membres du groupe de travail qui a oeuvré plus d’un an sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS) pour élaborer des recommandations de bonne pratique intitulées « Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions médicales » (voir page 22). Elles viennent juste de lui être présentées dans le cadre des dernières journées du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF). Plus de 3200 personnes y ont assisté. Un accouchement « normal », c’est quoi exactement ? Comment faut-il le prendre en charge ? Que faut-il faire ou ne pas faire ? À quel moment ? De l’admission dans l’établissement (maternité ou maison de naissance) jusqu’à l’accueil du nouveau-né, en passant par tous les stades du travail, les spécialistes ont revu l’ensemble des pratiques cliniques au prisme de la littérature scientifique et de leur expertise. Une tâche d’ampleur. « Chacune des questions traitées aurait pu faire elle-même l’objet d’une recommandation de bonne pratique à part entière », témoigne Karine Petitprez, chef de projet au service des recommandations professionnelles de la HAS, qui a orchestré l’ensemble des travaux. DÉMÉDICALISER En insistant sur la démédicalisation de l’accouchement et en redonnant aux patientes et à leurs choix une place centrale, ces recommandations de bonne pratique ont déstabilisé quelques professionnels. Elles n’en étaient pas moins indispensables. « On pratiquait énormément d’interventions inutiles, sans justification scientifique », reconnaît

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Migrantes : les stéréotypes ont la vie dure

Lorsqu’elle accouche en France, une femme immigrée a deux fois plus de risques de mourir en couches. Et si cette femme est née en Afrique subsaharienne, le risque est multiplié par cinq par rapport à une femme née en France ! D’où provient cette flagrante inégalité de santé ? Les causes de cette surmortalité sont-elles à chercher dans l’histoire de ces patientes, leur patrimoine génétique, leur parcours clinique, leur condition sociale ? Tous ces facteurs ont leur importance. Mais à eux seuls, ils ne paraissent pas suffire à expliquer d’aussi graves résultats. Encore rares en France, de récentes études tentent de comprendre le phénomène. Elles commencent à pointer du côté des professionnels de santé eux-mêmes et de l’organisation des soins. Sans même en avoir conscience, les soignants seraient-ils racistes ? UNE NAISSANCE SUR QUATRE En 2015, 22 % des enfants nés en France avaient une mère elle-même née à l’étranger, soit presque un quart des naissances au total. Parmi ces femmes, les plus nombreuses venaient d’Afrique du Nord. En 2015, elles comptaient pour 8 % des naissances, tandis que celles nées en Afrique subsaharienne avaient accouché de 6 % des bébés nés dans l’Hexagone. Depuis de nombreuses années, la population des femmes immigrées augmente progressivement. En 2010, elles comptaient pour 15 % des naissances en France. Dans notre pays, la mortalité maternelle est rare. Elle concerne 1 naissance sur 10 000 (voir Profession Sage-Femme n° 239). Avec 1 à 3 cas sur 100, selon les définitions retenues, la morbidité maternelle sévère est plus commune.

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ENP 2016 : dans le vif des pratiques

En mars 2016, durant une semaine, l’équipe Epopée de l’Inserm a mené l’enquête dans toutes les maternités de France, recueillant une multitude d’indicateurs à la fois auprès des établissements et auprès des femmes, lors d’entretiens menés par près de 1300 enquêteurs. L’analyse des données de 14 142 naissances et auprès de 13 894 femmes permet d’avoir une photo complète et représentative des femmes et de leurs bébés, des pratiques médicales et de l’organisation des soins (voir page 18). Plusieurs items de l’Enquête Nationale Périnatale (ENP) permettent de vérifier si les mesures de santé publique sont appliquées et si les recommandations médicales sont mises en oeuvre sur le terrain. Globalement, la prévention en prénatal laisse à désirer. À l’accouchement en revanche, les pratiques professionnelles ont connu des progrès notables. En postnatal, l’enquête ne permet pas d’évaluer si les soins sont optimaux. PRÉVENTION : PEUT MIEUX FAIRE Avant de concevoir un enfant, seuls 35,3 % des femmes se sont rendues à une consultation préconceptionnelle. Est-ce parce que les gynécologues, médecins généralistes ou sages-femmes ne la promeuvent pas suffisamment ? Ou est-ce que les femmes ne souhaitent pas « médicaliser » la période où elles tentent de concevoir un enfant ? L’ENP ne peut le dire. Autre constat récurrent d’une enquête périnatale à l’autre : la prise d’acide folique pour prévenir les anomalies de fermeture du tube neural reste faible. Elle ne concerne que 23 % des femmes. Le suivi de grossesse par les soignants est à parfaire. Une majorité semble ignorer la prévention du tabagisme en consultation. Bien que 80 % des femmes aient été interrogées sur leur consommation de tabac, plus de la moitié des fumeuses disent n’avoir reçu aucun conseil pour diminuer ou arrêter. Au total, 17 % des femmes ont fumé au moins une cigarette par jour au troisième […]

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Aborder la maternité des patientes obèses

En 2025, plus de 21 % des femmes du monde entier seront obèses, à en croire certaines projections. En 2011-2012, aux Etats-Unis, la pathologie concernait 31,8 % des femmes âgées de 20 à 39 ans. L’épidémie a gagné le pays rapidement puisque dans les années 1970, moins de 10 % des Américaines du même âge étaient concernées. La France, que l’on a longtemps crue protégée, n’est pas épargnée. En 2012, 15,7 % des femmes étaient obèses. La proportion a presque doublé en quinze ans. « C’est un problème majeur de santé publique, s’inquiète Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien au CHU de Lille. L’obésité maternelle concerne

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À la Maison des femmes de Saint-Denis

«Je n’arrive pas à oublier les souvenirs. Quand je dors, je vois. » Dans cette petite salle de consultation de la Maison des femmes, à Saint-Denis (93), Fatoumata* évoque ses flashbacks avec Mathilde Delespine. « C’est normal. Cela veut dire que vous êtes normale », veut rassurer la sage-femme, qui tient une consultation spécialisée sur les violences sexuelles. « Les situations vécues sont bien intégrées dans notre cerveau, dans la mémoire. Sauf les viols et les violences, qui restent piégés dans le cerveau », poursuit-elle. Arrivée en France voilà deux ans, Fatoumata est « venue par la mer ». Depuis, elle dort dans la rue ou dans un bus de nuit et cherche à obtenir un statut de réfugiée. Elle a subi viol et excision et craint beaucoup pour sa fille de 6 ans, confiée, le temps du grand voyage, à une amie restée au pays. « Mes parents ont dénoncé mon amie et repris ma fille il y a trois mois environ. Chez nous, l’excision a généralement lieu entre 6 et 8 ans. » Dans deux semaines, Fatoumata reviendra consulter une avocate, pour obtenir des conseils pour protéger son enfant. Quelques jours après, elle participera à un groupe de parole dédié aux violences sexuelles et rencontrera une psychologue. Ouverte depuis juillet 2016, la Maison des femmes est un lieu ressource pour les victimes de violences liées au genre. « En tout cas, vous êtes très jolie aujourd’hui », commente la sage-femme, qui connaît sa patiente depuis un petit mois. « C’est grâce à vous », répond, femme forte, Fatoumata.

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La démographie des sages-femmes en questions

Objectiver les besoins futurs en sages-femmes, notamment via des projections démographiques, telle est la mission de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). Le rapport, intitulé Les sages-femmes : une profession en mutation, part du constat de l’augmentation du nombre de sages-femmes ces dernières années. Progression qui, si le numérus clausus se maintient à son niveau actuel, va se poursuivre. Une question « brûlante » pour Isabelle Richard, nouvelle présidente de l’ONDPS (voir “Entretien” page 18). Y aura-t-il trop de sages-femmes et pas assez d’activité pour toutes ? Telle est l’enjeu central du rapport. La majorité des données publiées portent sur 2014. Déjà obsolètes, elles indiquent certaines tendances.

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Pleins feux sur l’endométriose

«Les règles, c’est naturel. Pas la douleur. » En 2016, ce slogan s’est répandu dans les rues et les magazines via de nombreuses affiches. Lancée par le Gouvernement, la campagne d’information sur l’endométriose a atteint son objectif. Les autorités sanitaires auraient-elles enfin pris en compte l’ampleur du désastre ? L’endométriose toucherait en effet une femme sur dix en âge de procréer. Un chiffre souvent répété, bien que l’épidémiologie de cette maladie inflammatoire chronique soit encore mal connue. Ces dernières années, les travaux de recherche se sont pourtant multipliés. Les conférences aussi. Le dernier congrès du Collège des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF), qui s’est tenu en décembre 2016, en a fait un sujet phare. En collaboration avec la Haute Autorité de santé (HAS), il vient de commencer à travailler sur la rédaction de recommandations pour la pratique clinique (RPC), attendues