Obstetrica – mai 2022, n°5 – Édition Fédération suisse des sages-femmes Autrices : Lucile Doucet, Département de pédiatrie, gynécologie et obstétrique. Hôpitaux Universitaires de Genève. Maeva Badre, Faculté de médecine. Université de Genève. Mirjam Kielholz, Faculté de médecine. Université de Genève. Francesca Arena, Institut Éthique Histoire Humanités. Université de Genève. Patricia Silveira, Faculté de médecine. Université de Genève. Céline Brockmann, Faculté de médecine. Université de Genève. Jasmine Abdulcadir, Département de pédiatrie, gynécologie et obstétrique. Hôpitaux universitaires de Genève. 30 bd de la Cluse. jasmine.abdulcadir@hcuge.ch La rédaction remercie la Fédération suisse des sages-femmes et les autrices pour leur aimable autorisation de reproduction. Le clitoris, organe souvent oublié par les textes contemporains de médecine et notamment par les manuels didactiques, devient un objet paradigmatique s’il est considéré au prisme de l’histoire. SON HISTOIRE Remis au centre par le féminisme occidental contemporain à partir notamment des années 2000 (dans le monde francophone on pense notamment au travail d’Odile Fillod (1), le clitoris a peu bénéficié de travaux contemporains en médecine. Pourtant il est sans cesse (re)découvert par la médecine qui lui octroie à chaque fois des caractéristiques anatomiques et physiologiques. Georg Ludwig Kobelt (1804-1857) est souvent mentionné pour ses dessins du clitoris très détaillés (voir figure 2, p 31), toutefois il n’était pas le premier médecin à se consacrer à l’anatomie de cet organe. D’objet scientifique reconnu… Ce sont surtout les médecins anatomistes des XVIe et XVIIe siècles qui, lors de leurs dissections des cadavres, ont produit des planches sur le clitoris. Nous ne savons toujours pas, car il manque un travail exhaustif sur la question, s’ils étaient les premiers. Nous savons, grâce à la contribution de Mandressi à l’histoire du clitoris, dans son introduction à Le Regard de l’anatomiste.Dissections et invention du corps en Occident (Mandressi, 2003), que déjà au XVIe siècle le clitoris avait été au…
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L’examen pelvien et le viol
TweetLa très médiatique « affaire Daraï » a éclaté en septembre 2021. Aujourd’hui, le professeur Émile Daraï, spécialiste de l’endométriose de 66 ans, est mis en examen pour « violences volontaires par personne chargée d’une mission de service public », suite aux plaintes de 32 patientes qui l’accusent d’avoir pratiqué des touchers vaginaux et rectaux de manière brutale et sans consentement lors de ses consultations. Le professeur Daraï n’est pas mis en examen pour viol, bien que les femmes ayant subi ces violences considèrent que c’est bien ce dont il s’agit et qu’elles aient globalement porté plainte pour viol, voire viol en réunion et viol sur mineur par personne ayant autorité. LES ÉLÉMENTS MATÉRIELS DU VIOL Mais les actes médicaux peuvent-ils être considérés comme des viols ? La loi définit le viol à l’article 222-23 du Code pénal comme suit : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. » Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des violences physiques pour qualifier un acte de viol. Il suffit que la victime n’ait pas donné son consentement clair et explicite. Il s’agit par exemple des situations suivantes : • la victime a émis un refus clair et explicite et/ou s’est défendue, mais l’agresseur a exercé sur elle une contrainte physique (par exemple, agression sexuelle ou viol commis avec violence) ; • la victime n’a pas émis un refus clair et explicite et/ou ne s’est pas défendue, car elle faisait l’objet d’une contrainte morale (par exemple, agression sexuelle d’un ou d’une salariée par son chef) ; • la victime n’était pas en état de pouvoir donner une réponse claire (par exemple, victime sous l’emprise de stupéfiants ou de...
Crise de la périnatalité : l’ordonnance de l’Académie de médecine
TweetFace à la crise de la périnatalité, l’Académie nationale de médecine propose sa feuille de route détaillée. Son contenu a fuité fin février, contraignant l’Académie à dévoiler son rapport avant son adoption formelle. Portées par le professeur Yves Ville, les recommandations vont dans le même sens que celles du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rendues publiques mi-novembre 2022 et préconisant des regroupements de maternités. Mais le rapport propose une approche plus globale, allant au-delà de la seule concentration des moyens humains dans les grosses structures. Les départements et régions d’outre-mer faisant face à des problématiques spécifiques, le rapport se concentre sur la France métropolitaine. DIAGNOSTIC SANS APPEL L’Académie de médecine rappelle d’abord les facteurs ayant conduit à la dégradation actuelle. Les budgets consacrés à la périnatalité sont restés quasi identiques depuis la mise en place de la tarification à l’activité, alors que les coûts réels ont augmenté du fait de nouvelles normes de sécurité notamment. Face à cet « effet ciseau » entre les tarifs et les coûts, « la réduction massive des effectifs a été un levier choisi pour obtenir la réduction des coûts et elle s’est aggravée depuis 2009 avec la Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) », souligne le rapport. S’ajoutent à cela des décisions réglementaires, comme la réduction du temps de travail des soignants ou la limitation des recrutements de praticiens étrangers. Résultats : les maternités de type 2 et 3 saturent, les établissements privés se désengagent de la périnatalité, les métiers du secteur ne sont plus attractifs, les fermetures ponctuelles ou définitives des petites et moyennes maternités s’accélèrent de façon erratique, les indicateurs périnataux sont mauvais et les attentes de la population ne sont pas satisfaites. « L’adoption d’un plan de périnatalité ambitieux est donc une urgence et une...
Le CNGOF veut renouer la confiance avec les patientes
TweetDepuis la dénonciation des violences gynécologiques et obstétricales en 2017, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français n’a brillé ni dans sa communication ni dans ses actions. Attitude de défense et de déni, refus d’être auditionné par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes sur le sujet, initiation d’un label de bientraitance mal ficelé qui séduit peu de maternités, instrumentalisation d’un groupe de travail sur le sujet que le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) a fini par quitter et qui a donc disparu… De façon étonnante, aux journées Paris Santé Femmes, qui se sont tenues à Lille fin janvier, aucun représentant du CNGOF n’a évoqué ces échecs. Seule Juju la gygy, une obstétricienne investie sur les réseaux sociaux qui souhaite conserver son patronyme anonyme, a osé lancer : « Nous avons été mauvais et nous avons creusé le fossé. » CHANGEMENT DE CAP Pour la nouvelle direction, ces journées scientifiques entendaient démontrer que le CNGOF agit. « Il est impossible de ne pas entendre les femmes, mais aussi de laisser toute une profession être clouée au pilori », affirme Joëlle Belaïsch-Allart, présidente du CNGOF, qui souhaite concilier les deux approches. Au total, pas moins de cinq longues sessions ont porté sur la bientraitance, le consentement, les violences subies en consultation et les pistes pour améliorer la confiance avec les patientes. Près d’un an après que les affaires Daraï et Zacharopoulou aient éclaté, l’annonce des recommandations sur l’examen pelvien avait clairement pour but de fixer le cadre de cette pratique (lire p. 25). Avec la publication d’une nouvelle Charte des soins en salle de naissance, l’ensemble donnait aussi l’impression d’un plan de communication destiné à redorer une image ternie. Pour autant, de nombreux intervenants – obstétriciens, sages-femmes, juristes, -éthiciens – sont intervenus sans langue de bois. Bien que plusieurs obstétriciens semblaient encore...