Responsabilité et cotations

Avec l’extension de leurs compétences, les sages-femmes libérales sont sans doute amenées à être davantage contrôlées par l’Assurance Maladie. Être réactive et savoir se défendre en cas de contrôle est impératif, car les risques sont importants.

Les actes des sages-femmes étant pris en charge par la Sécurité sociale, l’Assurance Maladie, gestionnaire de fonds sociaux, dispose d’un pouvoir de contrôle sur l’ensemble des paiements qu’elle réalise, dont ceux issus de l’activité de professionnels de santé. Son objectif est de lutter contre les fraudes. Ces dernières années, les contrôles d’activité se sont intensifiés, notamment pour les infirmiers libéraux, chirurgiens-dentistes et masseurs-kinésithérapeutes. Les sages-femmes sont encore relativement épargnées. Mais, étant donné l’extension de leurs compétences et la complexité qui en découle concernant les cotations, les contrôles d’activité effectués par la Caisse nationale d’assurance maladie vont probablement augmenter aussi pour les sages-femmes libérales.

Dans la majorité des cas, il n’y a pas de fraude du professionnel de santé, mais plutôt une pratique jugée non conforme au regard des règles du Code de la sécurité sociale et du Code de la santé publique. Le professionnel de santé ne prendra alors conscience de ses erreurs ou manquements qu’au moment de la mise en œuvre du contrôle d’activité. La fraude caractérisée est pour sa part définie comme « une irrégularité ou une omission commise de manière intentionnelle au détriment des finances publiques ». Il n’est pas rare qu’un professionnel de santé, même de bonne foi, se voie mis en cause par l’Assurance Maladie devant les juridictions civiles, ordinales, voire pénales. En tout état de cause, le professionnel devra rembourser a minima les actes indus sur les trois dernières années.

Un contrôle d’activité peut être très lourd et avoir des conséquences graves. Il doit être pris au sérieux et traité immédiatement. Les délais légaux de réponse sont très courts, et aucune exception n’est faite, quelles que soient les circonstances.

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LE CONTRÔLE D’ACTIVITÉ

Un contrôle peut être initié soit dans le cadre d’un programme thématique de contrôle établi par l’Assurance Maladie, soit à la suite de la détection d’activités statistiquement atypiques ou d’incohérences, soit à la suite d’un signalement ou d’un témoignage.

Effectué par les services administratifs ou le service du contrôle médical des caisses d’assurance maladie, le contrôle d’activité consiste en la vérification de la réalité et de la qualité des soins. S’il est effectué par les services administratifs de la Caisse nationale
d’assurance maladie, ces derniers vérifient, dans le respect du secret professionnel, que :

• la facturation ou la demande de remboursement est conforme à l’activité du professionnel de santé et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; 

• l’ensemble des conditions administratives auxquelles est subordonnée la prise en charge est rempli ;

• les dépenses présentées au remboursement, y compris les dépassements d’honoraires, ne méconnaissent pas la réglementation en vigueur et les engagements conventionnels. 

Si le contrôle de l’activité est effectué par le Service du contrôle médical, les praticiens-conseils apprécient alors les éléments médicaux commandant l’attribution et le service des prestations sociales. Le Service du contrôle médical a le pouvoir de constater les activités abusives en matière de prescription et d’application de la tarification des actes ou des prestations sanitaires et peut vérifier le respect ou le non-respect des règles législatives, réglementaires ou conventionnelles, des recommandations de bonne pratique clinique ou des références professionnelles en matière de dispensation des soins à des bénéficiaires de l’Assurance Maladie.

Lorsqu’un contrôle d’activité est initié, le professionnel de santé en est informé par courrier recommandé avec accusé de réception, sauf en cas de suspicion de fraude. Le contrôle peut être réalisé sur pièces (documents en possession de l’Assurance Maladie), par interrogatoire des assurés sociaux ou des tiers, par consultation des dossiers médicaux des patients du praticien contrôlé et par convocation et audition des patients. À l’issue de l’analyse d’activité, le professionnel de santé se voit proposer un entretien contradictoire, réalisé au Service du contrôle médical. Il peut se faire assister par un membre de la même profession et/ou un avocat de son choix. Cet entretien fait l’objet d’un compte-rendu qui sera adressé au professionnel, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours.
À compter de sa réception, le professionnel de santé dispose alors d’un délai de quinze jours pour le renvoyer signé, accompagné d’éventuelles réserves. À défaut, le compte-rendu est réputé approuvé.

Les délais de réponse sont donc extrêmement courts et il faut impérativement prendre le temps d’examiner ce qui est reproché et de répondre dans les temps, en faisant appel si besoin à un membre de la profession ou à un avocat spécialisé. Les frais peuvent être pris en charge par la protection juridique prévue par l’assurance professionnelle. Le professionnel contrôlé doit donc avertir son assurance dès la notification du contrôle.

LES SUITES DU CONTRÔLE

Plusieurs scenarii sont possibles à l’issue d’un contrôle et la Caisse nationale d’assurance maladie doit notifier ses conclusions par lettre recommandée avec accusé de réception. L’Assurance Maladie peut aboutir au constat d’une bonne application des textes législatifs, réglementaires, conventionnels. Elle peut aussi émettre une notification de « griefs », c’est-à-dire d’observations et/ou de recommandations dont le respect pourra faire l’objet d’un contrôle ultérieur. 

Elle peut également engager une action de récupération des indus : en cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits, donnant lieu à remboursement, ou en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d’assurance maladie, d’un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés, l’organisme d’assurance maladie agit en recouvrement de la somme indûment payée. L’Assurance Maladie est aussi en droit d’informer le Conseil de l’Ordre pour des faits qui pourraient constituer un manquement à la déontologie, comme des dépassements d’honoraires ne respectant pas le tact et la mesure. 

Enfin, l’Assurance Maladie peut aussi engager des actions contentieuses, toutes cumulables avec la récupération des indus : 

• saisine de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire des conseils de l’Ordre, 

• procédure contentieuse conventionnelle en cas de non-respect des dispositions conventionnelles, 

• pénalité financière, prononcée par le directeur de l’organisme local,

• transmission du dossier au Parquet (plainte pénale ou signalement) en vue d’une procédure pénale en cas de suspicion de fraude pénalement répréhensible, 

• déconventionnement d’urgence. 

Les notifications des caisses doivent mentionner les voies de recours ouvertes ainsi que les délais. 

Un contrôle d’activité peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le professionnel contrôlé doit collaborer au maximum et communiquer les éléments demandés. Ses patients peuvent être interrogés et examinés par le Service médical de contrôle. C’est une procédure qui peut être extrêmement lourde et aboutir à des sanctions, financières notamment, qui peuvent mettre à mal l’activité d’une sage-femme libérale. L’objectif étant la lutte contre la fraude, aucun aménagement ni arrangement n’est fait avec les services de l’Assurance Maladie. En cas de contrôle, il faut donc réagir vite et se faire assister. 

CONSEILS PRATIQUES

Conserver impérativement une copie
de l’ensemble des courriers de même que les enveloppes faisant foi de la date d’envoi ou de réception adressés par les organismes de sécurité sociale, car le contrôle est encadré par le Code de sécurité sociale dans certains délais.

  • Réagir tout de suite en cas de courrier annonçant un contrôle : avertir son assurance pour mettre en place la protection juridique, étudier les observations et répondre aux demandes.
  • Faire très attention aux délais de réponse, qui sont très courts.
  • Se faire assister par un membre de la profession et/ou un avocat compétent. 

Marie Josset-Maillet, avocate