Réduire la mortalité maternelle : un défi pour le monde

La santé maternelle ne s’améliore plus dans plusieurs régions du monde. C’est ce qu’indique un rapport de l’Organisation mondiale de la santé. Alors que des progrès avaient été réalisés entre 2000 et 2015 pour réduire la mortalité maternelle, les chiffres stagnent depuis.

Toutes les deux minutes, une femme meurt pendant la grossesse ou l’accouchement, selon le rapport Trends in maternal mortality publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 23 février dernier. Plusieurs instances des Nations Unies ont planché pour affiner les données disponibles jusque là. 

DES PROGRÈS QUI STAGNENT

Ces nouvelles estimations sont donc les plus à jour pour la période 2000-2020 et permettent des comparaisons internationales, régionales et nationales. L’analyse souligne surtout que les progrès pour réduire la mortalité maternelle ont été accomplis entre 2000 et 2015, avant de ralentir ou de stagner entre 2016 et 2020. En l’an 2000, le monde comptabilisait 446 000 décès maternels. En 2020, leur nombre est estimé à 287 000 dans le monde, soit une légère baisse par rapport aux 309 000 décès enregistrés en 2016. Le taux moyen annuel de réduction de la mortalité maternelle est passé de 2,7 % entre 2000 et 2015 avant de s’effondrer à – 0,04 % par an depuis 2016.

Le tournant correspond pourtant à la date à laquelle les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies sont entrés en vigueur, preuve qu’il faut sans cesse rabâcher la nécessité d’investir dans la santé sexuelle et reproductive des femmes. L’ODD 3.1 entend faire passer la mortalité maternelle sous le seuil des 70 décès pour 100 000 naissances vivantes dans 7 ans, d’ici 2030.

Concernant un éventuel effet-Covid sur ces tendances, les statistiques sont claires : la stagnation des progrès est antérieure à la pandémie et cette dernière n’en est qu’un des multiples facteurs. « Ces nouvelles statistiques montrent la nécessité urgente de garantir à chaque femme et à chaque fille un accès à des services de santé essentiels avant, pendant et après l’accouchement, et la possibilité d’exercer pleinement leurs droits en matière de procréation », a d’ailleurs martelé Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS à la sortie du rapport. 

Si les tendances actuelles se poursuivent, la mortalité maternelle sera trois fois plus élevée que l’objectif fixé en 2030. « Atteindre ce taux est un défi sans précédent que seuls trois pays ont atteint durant les périodes précédentes, faute de quoi la vie de plus d’un million de femmes supplémentaires serait menacée d’ici 2030 », note le rapport. 

Les tendances enregistrées soulignent cependant de grandes disparités. En nombre, les décès maternels -continuent d’être concentrés dans les régions les plus pauvres et les pays touchés par des conflits. En 2020, environ 70 % de l’ensemble des décès maternels ont été enregistrés en Afrique subsaharienne. Le Nigeria est le pays où la situation est la plus aigüe, avec près de 82 000 décès en 2020, soit plus du quart de la mortalité mondiale. 

Dans neuf pays confrontés à de graves crises humanitaires, les taux de mortalité maternelle ont représenté plus du double de la moyenne mondiale (551 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, contre 223 à l’échelle mondiale). L’OMS évoque des pays à forte ou très forte alerte : Yémen, Somalie, Sud Soudan, Syrie, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Tchad, Soudan et Afghanistan. 

DÉFIS ET DISPARITÉS

En Europe et en Amérique du Nord, ainsi qu’en Amérique latine et aux Caraïbes, entre 2016 et 2020, le taux de mortalité maternelle a augmenté, respectivement de 17 % et de 15 %. Dans d’autres régions, le taux a stagné. Le rapport note toutefois que des progrès sont atteignables. Par exemple, -l’Australie et la Nouvelle-Zélande ainsi que l’Asie centrale et du Sud ont connu des baisses significatives (de 35 % et 16 %) de leurs taux de mortalité maternelle au cours de la même période. Les dix pays ayant réalisé les progrès les plus importants sont aussi différents que le Bélarus, les Seychelles, le Turkménistan, la Roumanie, le Bhoutan, l’Égypte, -l’Estonie, le Laos, le Kazakhstan ou le Mozambique.

Des politiques ambitieuses pour améliorer l’accès aux soins tant au niveau géographique que financier, renforcer les systèmes de santé et réduire les inégalités de santé sont possibles et nécessaires. Dans la stratégie promue par l’OMS, les sages-femmes tiennent une place importante. 

« Nous pouvons et devons faire mieux en investissant de toute urgence dans la planification familiale et en comblant la pénurie mondiale de 900 000 sages-femmes afin que chaque femme puisse obtenir les soins vitaux dont elle a besoin, estime Natalia Kanem, la directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population. Nous disposons des outils, des connaissances et des ressources nécessaires pour mettre fin aux décès maternels évitables ; ce dont nous avons besoin désormais, c’est d’une volonté politique. »

■ Nour Richard-Guerroudj