IVG : vers une constitutionnalisation ?

L’interdiction de l’IVG dans plusieurs états américains, conséquence d’une décision de la Cour suprême, menace ce droit indispensable à la santé des femmes, y compris en France.

Le vendredi 24 juin, la Cour suprême des États-Unis a révoqué le droit fédéral à l’avortement. Terrible pour les Américaines – dès les jours suivants, l’IVG était interdite dans plusieurs états – l’annonce a entraîné une onde de choc internationale. En France, les féministes et leurs alliés ont organisé plusieurs manifestations et les politiques se mobilisent. Plusieurs députées, de divers bords, ont annoncé vouloir constitutionnaliser ce droit. Des projets ont été déposés en ce sens. Ils aboutiront peut-être à une proposition commune. Soutenue par la première ministre, la démarche tranche avec le précédent refus d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé du premier gouvernement Macron, qui avait rejeté un projet similaire en 2018. 

Ce dessin de Coco, qui a fait la une de Libération, au lendemain de l’abrogation de l’arrêt Roe vs. Wade par la Cour suprême américaine, a fait le tour de réseaux sociaux. © Libération

SANCTUARISER L’IVG

L’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution française serait une façon de le « sanctuariser ». Mais cela prendra du temps, des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat et peut-être un référendum. Au Sénat aussi, des parlementaires s’apprêtent à déposer un texte, sous la houlette de la sénatrice et ancienne ministre des droits des femmes Laurence Rossignol. Comme de nombreuses associations, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a également rappelé « l’urgence d’inscrire le droit à l’avortement dans notre constitution française, pour le reconnaître enfin comme un droit fondamental et humain », une démarche soutenue par 81 % des Français, selon un récent sondage Ifop. Le HCE souhaite aussi inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et « harmoniser les conditions et les délais légaux pour avorter, au sein de l’Union européenne, sur ceux des états membres les plus progressistes ».

UN DROIT MENACÉ

D’autres acteurs estiment que ces démarches ne sont pas nécessaires, la France n’étant pas les États-Unis. Si la situation est effectivement différente, ici aussi, les anti-choix connaissent un regain de vivacité. Nombreux et organisés, ils œuvrent de façon parfois plus souterraine, plus sournoise, principalement via Internet et les réseaux sociaux, où « la désinformation frôle le délit d’entrave », comme le rappelle le HCE. Avec l’arrivée massive de
l’extrême droite à l’Assemblée nationale, dont plusieurs députés sont ouvertement et farouchement opposés à l’avortement, les craintes sont légitimes. Très récemment, des militants d’extrême-droite ont violemment perturbé des manifestations pour les droits des femmes.

Par ailleurs, les conditions d’accès à l’IVG restent disparates et compliquées dans notre pays.
Les décrets d’application de la loi autorisant les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales ne sont pas encore parus. En outre, certains acteurs s’inquiètent de la disponibilité de la mifegyne et du misoprostol, dont la société Nordic Pharma a désormais le monopole. Originellement scandinave, cette société serait aujourd’hui alimentée par des capitaux majoritairement américains, potentiellement sensibles aux puissants groupes de pression anti-IVG.

■  Géraldine Magnan