« Les gynécologues-obstétriciens ne veulent plus exercer dans des petites villes ou des maternités qui ne réalisent pas suffisamment d’accouchements et, dans le même temps, ils sont en burnout, dès l’internat, dans les établissements de type 3. » C’est ainsi qu’Olivier Morel, responsable de la maternité de Nancy, résume la situation, estimant qu’elle est très proche de celle des anesthésistes, pédiatres et sages-femmes. Le professeur a dirigé la commission en charge du rapport sur la démographie médicale voulu dès 2019 par Israël Nisand, alors président du CNGOF. Ce dernier souhaitait identifier le nombre de postes vacants de gynécologues-obstétriciens. La commission a dressé un tableau plus complet, s’appuyant sur diverses thèses de médecine récentes. Et le rapport de s’intituler « Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ?» MANQUE DE DONNÉES En augmentation régulière depuis 2012, le nombre de gynécologues-obstétriciens s’établit à 5132 en 2020. Et les projections pour 2030 tablent sur près de 6600 professionnels en activité à cet horizon. « La quantité totale de professionnels n’est pas le sujet », balaye Olivier Morel. En effet, la discipline implique plusieurs spécialisations possibles et des modes d’exercice différents. Le nombre total ne reflète donc pas l’offre de soins disponible.« Étant donné qu’aucune norme ne fixe le nombre d’équivalents temps pleins nécessaires en fonction de l’activité, le nombre de postes vacants publiés n’est pas un indicateur fiable, poursuit-il. De plus, les ARS ne collectent pas les données dont disposent les établissements. Quant à l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, il n’emploie que quatre personnes pour aiguiller la décision. L’Ordre non plus ne dispose pas de chiffres détaillés. Nous manquons donc cruellement de données concernant les modalités et types d’exercice, la participation à la permanence des soins ou l’état démographique des structures. » Le pilotage démographique est donc en réalité inexistant. C’est pourquoi la…
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Compétences des sages-femmes : dernières évolutions
TweetSelon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, les sages-femmes pourront prescrire et administrer des vaccins à d’autres personnes que les femmes enceintes, leur entourage et les enfants. Si les modalités doivent être fixées par décret, un point précis mérite d’être fait sur les compétences actuelles des sages-femmes, car elles évoluent sans cesse. Vaccinations, dépistages et traitements : des compétences étendues La liste de médicaments et des dépistages que peuvent prescrire les sages-femmes a été modifiée et actualisée par deux décrets du 5 mars 2022 [1, 2] afin de « compléter l’arsenal thérapeutique indispensable et nécessaire dans le cadre de la gynécologie de prévention, notamment en termes de prescriptions des anti-infectieux pour les femmes, mais aussi pour leurs partenaires ». Les sages-femmes peuvent désormais : En ce qui concerne les vaccins, le décret du 21 avril 2022 relatif aux compétences vaccinales des sages-femmes [3] et l’arrêté du 12 août 2022 modifiant l’arrêté du 1er mars 2022 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à prescrire et à pratiquer [4] ont étendu les compétences vaccinales des sages-femmes. Les sages-femmes peuvent prescrire et pratiquer les vaccins comme indiqué dans le tableau page 40. Les sages-femmes peuvent également prescrire et pratiquer chez les nouveau-nés : Des exceptions sont à noter pour les personnes immunodéprimées qui ne peuvent être vaccinées par une sage-femme avec des vaccins vivants atténués (ROR, fièvre jaune, zona). Femme Nouveau-né Entouragede la femme enceinte Enfant mineur Rougeole-Oreillons-Rubéole X X X X Tétanos X X X X Diphtérie X X X X Poliomyélite X X X X Coqueluche X X X X Hépatite B X X X X Pneumocoque X X Grippe X X HPV X X Méningocoque C X X X Méningocoque B X Varicelle X Haemophilus Influenzaede type B X X BCG X Rage X Zona X Fièvre jaune X IVG :...




Vers des restrictions de visite pérennes ?
TweetÀ la maternité des Diaconesses, à Paris, la réflexion sur les restrictions de visite est antérieure à la crise du Covid-19. En 2009, à l’occasion de l’épidémie de grippe H1N1, des limitations drastiques sont instaurées. Seules les visites du co-parent sont permises. Par la suite, constatant un meilleur repos mère-enfant, les équipes décident de rouvrir à tous les droits de visite mais de limiter les horaires autorisés. Ils sont fixés entre 16 h et 20 h, pour protéger le temps de la sieste. CALME IMPOSÉ « Le personnel informe aussi les visiteurs qu’ils ne doivent rester que 15 à 20 minutes,explique Laurence Pavie, alors sage-femme coordinatrice. Une femme peut avoir besoin d’allaiter en privé, de changer ses protections et n’a pas besoin de gens qui s’incrustent pour poser des tas de questions. » Avec la crise du Covid, passé le temps des restrictions totales, le service décide de restreindre davantage son ouverture. Depuis septembre 2022, seuls la fratrie et le co-parent sont autorisés. « Nous avons tenté de rouvrir plus largement, mais les débordements ont été trop importants, témoigne Laurence Pavie. Les femmes ne réclament pas tant d’autres visiteurs. Comme elles restent peu en maternité, elles n’ont pas d’urgence à les voir dans l’établissement et peuvent donner rendez-vous lors de leur retour à domicile. Si le co-parent est absent, un autre proche est autorisé à venir. Il nous semble plus simple que le service impose des restrictions, car les femmes ont du mal à dire non et sont prises dans des jeux de loyauté familiale. » Pourtant, lors du premier confinement de mars 2020, les témoignages de femmes perturbées par les restrictions sévères de visite pullulent dans les médias. De leur côté, les professionnelles de terrain constatent un calme bienvenu en suites de couches, propice au repos des mères et des bébés. L’année suivante, trois...




Entretien avec Aurore Koechlin : « Le suivi gynécologique obéit à des normes sociales »
TweetComment définissez-vous la « norme gynécologique », à laquelle vous associez le concept de « carrière gynécologique » ? Je définis la norme gynécologique comme la norme qui enjoint aux femmes de consulter régulièrement un ou une professionnelle de santé pour le suivi gynécologique, en particulier pour la contraception et le dépistage. La gynécologie médicale est née dans les années 1930, mais la norme gynécologique apparaît dans les années 1960, avec la légalisation de la contraception, accompagnée de sa médicalisation. On passe alors d’une logique de traitement des pathologies à une logique préventive, qui s’applique aussi bien à la prévention des avortements par la contraception qu’à la prévention des cancers par le frottis ou la palpation des seins. Avec mon étude de terrain, menée essentiellement dans deux espaces sociaux bien différents – un service de PMI en Seine-Saint-Denis et une clinique privée d’un des arrondissements les plus riches de Paris -, j’ai voulu montrer la construction sociale qui se cache là où nous ne voudrions voir qu’un destin biologique. Le suivi gynécologique obéit bien à des normes sociales. J’appelle carrière gynécologique le fait d’entrer dans le suivi gynécologique, et de le poursuivre régulièrement, idéalement une fois par an, toute la vie. L’entrée majoritaire dans la carrière gynécologique s’est construite sur la simultanéité avec l’entrée dans la contraception et la sexualité hétérosexuelle. Le monopole de la prescription contraceptive détenu par les professionnels et professionnelles de la gynécologie constitue un instrument très matériel de renforcement de la norme gynécologique. Inversement, la norme préventive repose en grande partie sur l’initiative des patientes. La principale cause de l’arrêt de la carrière gynécologique est l’arrêt de la contraception médicale. La norme gynécologique ne peut dès lors plus s’appuyer sur la norme contraceptive. Ce changement peut créer les conditions d’un décrochage. La ménopause constitue le deuxième moment fort de décrochage. Cela est lié...