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Prévenir le suicide maternel

Le phénomène n’est pourtant pas nouveau : l’Union nationale de la prévention du suicide en avait déjà relevé l’importance, sans la chiffrer, il y a vingt ans déjà. Progressivement, les spécialistes de la périnatalité en prennent conscience (lire page 16). Toutes les femmes sont concernées et de trop nombreuses mères vont mal. Par honte et par isolement, elles le cachent souvent à leur entourage ainsi qu’aux professionnels de santé. À eux de faire preuve d’une vigilance accrue. Mais en ont-ils les moyens ? Entre leurs besoins de formation sur le sujet et des modes de collaborations interdisciplinaires à inventer, le champ d’action est immense et les professionnels sensibilisés fort démunis. Aujourd’hui, des régions entières sont encore dépourvues de services d’accueil spécialisé pour ces femmes qu’il ne faut souvent pas séparer de leur bébé. Mise en place par le Gouvernement, la commission des 1000 premiers jours, qui doit repenser l’accompagnement des parents, apportera-t-elle des réponses ? La récente Alliance francophone pour la santé mentale maternelle veut le croire (lire page 20). Elle s’efforce de réunir tous les professionnels et usagers concernés pour construire un plaidoyer en faveur de la santé mentale maternelle. Forcera-t- elle les autorités à donner des moyens à la PMI ? À la psychiatrie périnatale ? Aux centres médicopsychologiques ? Permettra-t-elle une meilleure collaboration entre les services de ville et d’hôpital ? Quelles ressources allons-nous offrir aux mères fatiguées ?

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En finir avec les violences

Quel est le rôle de la Fédération nationale Solidarité Femmes ? La Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) est un réseau de 67 associations spécialisées dans l’accueil, l’accompagnement et l’écoute des femmes victimes de violences, qu’elles soient hébergées ou non. Nous faisons aussi des actions de prévention auprès des jeunes, ainsi que des activités de formation auprès du public et des professionnels, dont les professionnels de santé. Nous gérons également le numéro d’écoute nationale Violences Femmes Info 39 19. Créé en 1992 contre les violences conjugales, il a été élargi à toutes les formes de violences contre les femmes en 2014. Nous gérons le premier accueil puis orientons les femmes. Ce numéro est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Les appels sont anonymes et gratuits 7 jours sur 7, de 9 h à 22 h du lundi au vendredi et de 9 h à 18 h les samedis, dimanches et jours fériés. Je dirige la fédération depuis 2017. Avant, j’ai dirigé pendant quatorze ans l’association L’Escale, dans le département des Hauts-de-Seine, qui est l’une des associations du réseau. Quelle est la situation française en matière de droit ? Il y a eu des évolutions législatives dans les années 1990. Depuis 25 à 30 ans, il y a une évolution progressive au niveau législatif qui tient compte des remarques des associations. Malheureusement, le temps de l’application est long. On peut aussi regretter une application très disparate sur le territoire, en fonction des priorités des parquets [ensemble des magistrats placés sous l’autorité du procureur de la

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Naître intersexué

En France, le débat sur une telle interdiction oppose une grande partie des chirurgiens et des médecins aux associations représentant les intersexes. Outre la définition de l’intersexuation, ces dernières contestent la « nécessité médicale » aujourd’hui invoquée pour des opérations pratiquées dans les premiers mois de la vie de l’enfant. Le débat a lieu au sein même du corps médical, divisé sur la question et sur certaines pratiques. Mais les prises de position publiques en faveur de l’arrêt des interventions sans consentement demeurent rares. Certains médecins interventionnistes estiment protéger les enfants dans une société qui demeure binaire, où les représentations du masculin et du féminin demeurent stéréotypées. Les parents, désemparés devant une variation du développement sexuel de leur enfant, feraient aussi pression pour des assignations chirurgicales précoces. Mi-septembre, ce débat a été inscrit in extremis dans la discussion parlementaire sur la loi de bioéthique, mais une évolution législative semble peu probable (p. 16 à 18).

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Les granules de la discorde

Au 1er janvier 2021, les médicaments homéopathiques ne seront plus remboursés. Comme elle s’y était engagée, Agnès Buzyn a suivi l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), rendu public le 28 juin. Ce déremboursement se déroulera par étapes, pour permettre aux patients, aux industriels et aux prescripteurs de s’adapter. Au 1er janvier 2020, le taux de remboursement des médicaments homéopathiques passera à 15 % au lieu de 30 % actuellement. Cette décision, très attendue, clôt la polémique sur la question du remboursement, mais laisse la place aux débats concernant la pratique et l’enseignement de l’homéopathie. TEMPÊTE MÉDIATIQUE C’est une tribune publiée le 18 mars 2018 dans les colonnes du Figaro qui a mis le feu aux poudres : 124 professionnels de santé s’adressent alors au Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) pour demander l’interdiction des thérapeutiques n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité scientifique. Au premier rang d’entre elles : l’homéopathie, qualifiée de « croyance » « irrationnelle et dangereuse ». Signé par plus de 3300 professionnels de santé, dont une dizaine de sages-femmes, le texte réclame le déremboursement total de l’homéopathie, l’abandon de la reconnaissance des formations et titres universitaires s’y rapportant, ainsi que la sanction des professionnels de santé qui continueraient à la promouvoir. Presque immédiatement, les réseaux sociaux s’enflamment tandis que s’affrontent sur les plateaux de télévision supporters et adversaires de l’homéopathie. Le 22 mars, le Cnom finit par répondre à l’invective en se déclarant incompétent et en appelant à l’autorité de l’Académie de médecine. En parallèle, la contre-offensive s’organise : dès le printemps 2018, le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) entreprend de porter plainte devant le Cnom contre soixante signataires de la tribune pour « non-confraternité et non-respect du code de déontologie ». Plusieurs avertissements seront finalement prononcés par les chambres […]

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Le casse-tête des petites maternités

Soucieux de l’avenir et de la sécurité de leurs patientes, les soignants essaient d’anticiper aux mieux le futur. Ils inventent alors des protocoles et des parcours de soins qu’ils estiment adaptés à leur réalité locale. Pour assurer la transition, tout ou presque est balisé, comme au sein du GHT Coeur Grand Est, qui rassemble les hôpitaux de Verdun, Saint-Dizier et Bar-le-Duc, ces deux derniers étant distants de 25 kilomètres. L’ARS Grand Est a choisi de fermer le service d’obstétrique de Bar-le-Duc, le 21 juin. Ce type 1 qui réalisait plus de 500 accouchements par an est remplacé par une Maison des parents et des enfants. La communication de l’Agence régionale de santé autour de cette fermeture représentait un enjeu important, car d’autres fermetures sont prévues dans le Grand Est dans les prochains mois. (lire p. 14). À Die aussi, dans la Drôme, en région Auvergne-Rhône-Alpes, tout avait été anticipé. Les parcours de soins avaient été pensés dans le détail entre l’hôpital de Valence, établissement support, et le nouveau CPP. La prise en charge des grossesses et des accouchements à risque, avec éventuel rapprochement des patientes, était particulièrement élaborée. Considéré comme un risque médical supplémentaire, le risque géographique était même tracé et immédiatement visible dans chacun des dossiers informatisés. Pourtant, à peine plus d’un an après la fermeture des services d’obstétrique et de chirurgie, un accident est arrivé. La mère a survécu, mais le bébé est décédé. Plusieurs mois après l’événement, l’ARS a enfi n rendu son rapport d’enquête (lire p. 16). S’il pointe une série de dysfonctionnements survenus à presque chaque étape de la chaîne, il n’en est pas moins partisan. L’ARS tacle essentiellement les professionnels de ville et la famille, à qui elle reproche sa liberté de choix. Sur place, l’affaire n’est pas terminée. Les parents envisagent de porter […]

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Mort fœtale in utero dans le diois, que dit l’enquête de l’ARS ?

Aimé est décédé le 18 février 2019, entre 19h et 22h, dans la Drôme, quelque-part entre Châtillon-en-Diois et l’hôpital de Die, situé à 20 minutes en voiture. Sa maman était à 7 mois et demi de grossesse. Cette mort fœtale in utero est survenue moins de 14 mois après la fermeture de la maternité de Die (lire ici et encore ici). Vu le contexte et la colère des habitants, le décès a été très médiatisé. L’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a diligenté une enquête. Attendus depuis fin mars, les résultats ont été rendus publics le 7 juin. L’ARS s’est contentée d’un communiqué de presse, plutôt succinct, publié sur son site, après une conférence de presse étrangement donnée à guichets fermés. Seuls trois journalistes, choisis par l’ARS et la préfecture, ont pu y assister. Si elle a répondu à certaines questions, l’ARS a refusé de communiquer le rapport détaillé, qui a pourtant été anonymisé à cette fin. Ce rapport, que nous avons pu nous procurer et que nous avons corroboré par plusieurs témoignages, est pourtant riche d’enseignements. Il révèle une série de dysfonctionnements dans la prise en charge de la mère, tout au long de la grossesse et le jour du décès d’Aimé. Urgence vitale Ce lundi 18 février, en fin de journée, Céline se sent mal puis commence à saigner. Surtout, elle ne sent plus son bébé bouger. Inquiet, Fabrice Martinez, son conjoint, finit par téléphoner aux urgences, via le 18. Il est 20h. La nuit est noire et les sages-femmes du Centre périnatal de proximité (CPP) ont déjà rejoint leur domicile. Les pompiers prennent contact avec le 15 et le médecin régulateur du Samu de l’hôpital de Valence, dont dépend le CPP de Die, rappelle le père. Quelques minutes après, les sapeurs-pompiers du petit village de Châtillon-en-Diois, tous […]

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À Privas, la maternité va fermer

À Privas, en Ardèche, la maternité va fermer. À moins d’un coup de théâtre, les femmes ne devraient plus accoucher dans ce service du Centre hospitalier des Vals d’Ardèche (CHVA) à partir du 1er août 2019. À la place, un Centre périnatal de proximité (CPP) devrait ouvrir ses portes, même si l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes refuse encore de le reconnaître. Mais avant cela, l’équipe doit traverser les affres de la mutation et le deuil de sa maternité. Sans aucun dialogue avec leur tutelle, les professionnels de la maternité sont en souffrance. Sous couvert d’anonymat, plusieurs d’entre eux, à qui l’on a interdit de communiquer sur le sujet, ont accepté de témoigner. Des accouchements en baisse Depuis de longues années, la maternité se trouve sous la barre fatidique des 300 accouchements par an, seuil fixé par le décret de périnatalité de 1998 en deçà duquel les maternités doivent être fermées, sauf exception géographique. Le nombre d’accouchements a progressivement baissé, passant de 263 en 2014 à 183 en 2018. Sur les 5 premiers mois de cette année, seuls 56 accouchements ont eu lieu. « Les patientes savent que la maternité est sur la sellette. Elles nous ont désertés. Elles ne supportent pas cette incertitude. Les multipares continuent à accoucher chez nous, mais les primipares prennent peur. » La maternité de Privas est dans le collimateur des autorités sanitaires depuis plusieurs années. Dès 2017, la Cour des comptes préconisait sa transformation en CPP. Dans un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes, rendu public début 2017, qui porte sur l’analyse des exercices du CHVA de 2010 à 2014, les auteurs soulignent que l’hôpital « dessert un bassin de population étendu mais faiblement peuplé (50 000 habitants), rural et vieillissant. (…) Privas se situe à 35 minutes des maternités de Valence (35 km), 41 minutes de celle de Montélimar […]

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Maternités menacées : l’équation impossible ?

Le maintien des petites maternités, souvent situées en zone rurale, est devenu le symbole de l’accessibilité des services publics. Pour le Gouvernement, elles ne peuvent être maintenues sans médecins en nombre suffisant. Agnès Buzyn l’assure : les questions économiques n’entrent pas en ligne de compte (Télécharger le document ci-dessous). Mais la fin des exceptions géographiques entrainerait des risques pour les femmes les plus éloignées. Entre fermer ou maintenir ces petits établissements, les décideurs n’auraient-ils donc le choix qu’entre deux mauvaises solutions ? « On ne peut rechercher l’égalité absolue entre les territoires, compte tenu de la répartition humaine en France, estime Jeanne-Marie Amat-Roze, pionnière de la géographie de la santé et professeure à l’université de Créteil à la retraite. Mais il faut de l’équité, c’est-à- dire une justice, en particulier dans les péri- phéries ou les déserts médicaux. » Le débat sur les zones concernées est d’autant plus vif que de nombreuses maternités sont passées sous la barre des 300 accouchements annuels, seuil fixé en 1998 pour autoriser l’activité d’obstétrique. FIN DES DÉROGATIONS ? En 2014, la Cour des comptes dénombrait 13 maternités sous le seuil de 300 accouchements. La plupart bénéficiaient d’une dérogation en raison de leur situation géographique. Quatre d’entre elles ont depuis été rayées de la carte et transformées en centres périnataux de proximité (CPP). Lourdes, dans les Hautes-Pyrénées, a fermé en septembre 2015, suivie par Apt (Vaucluse) en novembre 2016 puis Decazeville (Aveyron) en juillet 2017 et Die (Drôme) en décembre 2017 (lire aussi ici). Six autres ont été adossées à des hôpitaux plus importants, dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT) : Bourg-Saint-Maurice (Savoie), Saint-Palais (Pyrénées-Atlantiques), Saint-Affrique (Aveyron), la clinique Saint-Louis à Ganges (Hérault), Ussel (Corrèze) et Carhaix (Finistère). Quant aux maternités de Privas (Ardèche), de Couserans (Ariège) et de Porto-Vecchio (Corse), elles […]

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Les restructurations des maternités à venir

La loi de Santé en discussion au Parlement promet de recentrer 300 établissements sur la médecine. En clair : ils devront se délester de leurs services de chirurgie et d’obstétrique. Combien de maternités sont menacées ? Le chiffrage est difficile, des établissements ayant déjà fusionné ou fermé à travers la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Et le Gouvernement se garde bien de donner des détails, tant le sujet des services de proximité est explosif. D’un autre côté, les décrets de périnatalité sont en cours de révision à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Le groupe de travail relèvera-t-il le seuil d’accouchements pour autoriser les activités d’obstétrique, comme le demande la Cour de compte depuis 2014 ? Les restructurations vont-elles créer plus de grosses maternités ? Tout semble y concourir, comme l’idée que le nombre d’actes est lié à la qualité des soins. BIG IS BEAUTIFUL Le lien entre le volume d’actes réalisés et la supposée qualité des soins remonte au rapport de Guy Valencien, rendu public en 2006. Centré sur les actes chirurgicaux, il affirme que « plus le volume d’activité est faible et plus le risque de mortalité et de complication est élevé », préambule à la fixation de seuils en chirurgie. En obstétrique, les études sont rares. Concernant les femmes à bas risques, Bénédicte Coulm a montré que grandes et petites maternités réalisaient autant de césariennes et de déclenchements en 2010. Une autre étude de l’Inserm menée auprès de 106 maternités et publiée en 2012 a montré que la prise en charge des hémorragies graves du post-partum était moins conforme aux recommandations dans les plus petits établissements. D’après l’Enquête nationale périnatale de 2010, l’oxytocine pendant le travail était administrée plus largement dans les plus petites maternités. Mais pour définir un petit établissement, […]

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Maternité de Die. Après la fermeture

Pendant des années, on n’avait aucun projet, sauf attendre une éventuelle fermeture, raconte l’auxiliaire de puériculture Élodie Borel. Ouvrir le CPP [Centre périnatal de proximité, ndlr] a été angoissant, mais aussi très stimulant. » Globalement, après les affres des dernières années de fonctionnement et le deuil de la maternité (Lire ici), l’équipe semble épanouie. Rapide, la transition a été difficile, mais très accompagnée par l’équipe de Valence. Après plus d’un an de recul, les plâtres ont été essuyés. Un bilan a même été dressé. Avec des surprises : si le fonctionnement global de la structure et les différents risques liés au déplacement de l’accouchement dans une maternité plus éloignée ont été anticipés, les femmes ne suivent pas toutes la voie tracée par les professionnels. UN AUTRE LIEN AUX PATIENTES « L’information que la maternité avait fermé a très bien circulé. Mais ça n’a pas été de même pour l’ouverture du CPP », regrette la sage-femme Nadine Billy. La fréquentation du centre est restée faible pendant le premier trimestre 2018. Au total, sur l’année 2018, « il y a eu 3042 consultations, pour une file active de 1125 personnes, dit Sabrina Bottet. C’est beaucoup. » Sage-femme coordonnatrice de la maternité de Valence, 20 % de son temps de travail est dédié au CPP de Die. « Pas mal de choses ont été mises en place au niveau du suivi des grossesses, explique la sage-femme Agnès Juvin. L’offre du CPP est supérieure à celle de notre ancienne maternité. Nous assurons aussi des consultations de gynécologie, ce que nous ne faisions pas avant. Aujourd’hui, je vois la femme dans toute sa problématique. Cela favorise le lien. » Un sentiment partagé par l’auxiliaire de puériculture Élodie Borel : « À la maternité, on créait des liens très forts, mais on ne voyait pas les […]