Historiquement, la maternité de Saint-Julien, de type 1, était déjà connue dans le bassin genevois pour disposer d’une baignoire depuis plus de 25 ans. Cette baignoire classique, comme on en trouve dans les foyers, était utilisée pour le prétravail, voire le travail. L’équipe de sages-femmes motivée pour accompagner les femmes au plus près de leurs projets de naissance y avait même fait quelques accouchements inopinés. Actuellement, en France, l’accouchement dans l’eau est pratiqué dans peu de maternités. De nombreuses études ont été publiées sur cette pratique plus courante dans de nombreux pays européens (Vanderlaan et al. 2018), en Australie ainsi qu’aux États-Unis (Bailey et al., 2019). À l’arrivée d’une sage-femme coordinatrice l’ayant pratiqué au Royaume-Uni, nous avons saisi la motivation de l’équipe pour travailler sur ce projet. Suite à la fusion de l’hôpital de Saint-Julien et d’Annecy donnant naissance au CH Annecy Genevois en 2014, nous avons pu obtenir l’aménagement de nouveaux locaux en 2016. Nous avons ainsi acquis une « birthing pool », baignoire spécifiquement conçue pour l’accouchement dans l’eau pour le confort et la sécurité des femmes et des professionnels. Nous avons invité une formatrice anglaise forte de vingt ans d’expérience dans l’enseignement de l’accouchement dans l’eau. Nous avons validé plusieurs protocoles avec l’équipe obstétricale et anesthésique et nous avons ainsi commencé à proposer cette alternative officiellement dès l’année 2017. Méthodologie Après 5 ans de pratique, voici l’analyse descriptive prospective monocentrique de la totalité des 256 accouchements dans l’eau qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2021. Nous avons choisi, par le moyen d’un tableau Excel, de relever les critères suivants : la parité, l’âge gestationnel, le mode de délivrance, l’intervention postdélivrance : délivrance artificielle ou révision utérine, l’état du périnée, le poids du bébé, l’Apgar, les pH artériel et veineux, l’issue néonatale. Nous n’avons pas retenu le critère…
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Halte au validisme
Tweet« Célibataire, je suppose ? » Telle est la question qu’a posée un médecin à Laetitia Rebord, encore que le point d’interrogation est peut-être de trop, tant la formulation et le ton lui ont paru affirmatifs. « Auprès de quelle jeune femme oserait-on pareille assertion, qui présuppose une absence totale d’activité sexuelle ? », s’interroge-t-elle encore. Invitée par l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (Ancic) lors de ses dernières Journées organisées fin mars à Grenoble, Laetitia Rebord est une patiente-experte. Elle présente une incapacité motrice presque complète, à l’exception des muscles du visage, d’un orteil et d’un pouce. Mais, comme elle le raconte dans sa truculente conférence La vie sexuelle inattendue d’une étoile de mer, visible sur son site internet Sexpair, elle est très loin de l’abstinence sexuelle ! UN SYSTÈME D’OPPRESSION Selon la dernière définition de l’OMS, « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ». L’approche médicale du handicap est centrée sur l’individu et sa pathologie. Elle veut la corriger, pour faire entrer l’individu dans une forme de normalité. À l’inverse, le modèle social considère le handicap dans le cadre d’une interaction entre l’individu et l’environnement. C’est l’environnement inadapté qui crée le handicap. Il est alors une pathologie sociale plutôt qu’individuelle. Quand on le nie, on n’est pas loin du validisme, qui justifie les discriminations dont souffrent les personnes handicapées. Ce système d’oppression considère que les personnes valides sont supérieures aux personnes handicapées. Le handicap est alors perçu comme anormal et honteux. « On trouve le validisme dans tous les domaines : juridique, social, médical… Il est partout. Et contrairement à certaines oppressions comme le sexisme ou le racisme, le validisme est...



Alimentation des bébés : le poids du marketing
TweetCiblage en ligne non réglementé et invasif, réseaux de conseils et lignes d’assistance parrainés, promotions, cadeaux, formation des professionnels de santé… Tous les moyens semblent bons pour les fabricants de substituts de lait maternel, à en croire une récente enquête menée conjointement par l’Unicef et l’OMS. Il faut dire que l’industrie du lait artificiel pèse près de 50 milliards d’euros chaque année (55 milliards de dollars). Une raison pour ne pas s’embarrasser de règles éthiques, morales ou commerciales ? C’est tout au moins une raison suffisante pour dépenser chaque année entre 3 et 4 milliards d’euros, rien qu’en marketing. « Les messages que les parents et les agents de santé reçoivent sont souvent trompeurs, sans fondement scientifique et contraires au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel – un accord de santé publique historique adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1981 pour protéger les mères contre les pratiques commerciales agressives des fabricants d’aliments pour nourrissons », dénoncent les auteurs du rapport. AÏKIDO MÉTHODOLOGIQUE Les spécialistes ont mené l’enquête dans huit pays de niveaux socio-économiques variés : Afrique du Sud, Maroc, Nigéria, Bangladesh, Vietnam, Chine, Mexique et Royaume-Uni. Les auteurs les ont choisis pour être assez représentatifs de leur zone géographique et également assez divers en matière de taux d’allaitement au sein. Entre août 2019 et avril 2021, ils y ont interrogé 8500 parents et femmes enceintes ainsi que 300 professionnels de santé, notamment des pédiatres, gynécologues, sages-femmes. Pour traiter leurs données, dans une sorte d’aïkido méthodologique, ils ont détourné les armes de l’ennemi. Ils ont mis en place des techniques propres au marketing commercial et aux enquêtes de consommateurs, ce qui n’était quasiment jamais arrivé dans le cadre d’une recherche en santé publique. Les auteurs ont par exemple conduit une centaine de « focus groups ». Privilégié par les professionnels du marketing, cet outil s’apparente à des réunions...


Frein de langue : quand faut-il couper ?
TweetEn Australie, en l’espace de dix ans, entre 2006 et 2016, les frénotomies des nouveau-nés ou nourrissons, interventions qui consistent à sectionner le frein de langue, ont augmenté de 420 %. En milieu urbain et éduqué, comme dans la région de Sydney, sur la même période, le chiffre a carrément grimpé jusqu’à 3710 %. Aux États-Unis, entre 2003 et 2012, le nombre de telles interventions a été multiplié par 5, comme l’a montré une étude réalisée auprès de nourrissons hospitalisés. Les résultats d’autres travaux, menés en Nouvelle-Zélande ou au Canada, vont dans le même sens. C’est une pandémie. La France ne semble pas faire exception, même si l’on n’a pas de données chiffrées sur la pratique chez les tout-petits. Mais la situation dans notre pays est si préoccupante qu’une tribune, publiée en début d’année à l’initiative de la Société française de pédiatrie ambulatoire, a réuni pas moins de 22 organisations – et ce n’était pas une mince affaire – pour alerter sur ces pratiques abusives (voir encadré page 39). POUR LA MÈRE Chez les bébés, l’unique motif de l’intervention réside dans une problématique d’allaitement qui concerne la mère. Elle déclare avoir mal aux seins, présente parfois des crevasses. Généralement, le bébé tète bien, prend du poids. L’objectif principal de l’intervention vise donc à répondre à une plainte douloureuse de la mère. Inquiets de l’épidémie de frénotomies, certains médecins acceptent tout de même de réaliser le geste au prétexte d’éviter le découragement de la mère et de prolonger l’allaitement au sein. C’est le cas de Cécile Boscher, pédiatre à la maternité du CHU de Nantes et vice-présidente de l’Association des lactariums de France. Chaque semaine, elle en réalise trois ou quatre dans une maternité de 4200 naissances par an. « La décision de couper le frein de langue est prise sur plusieurs critères, explique-t-elle. Cliniquement, on regarde comment...